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Sanogo : « Notre mission est de préserver l’intégrité du territoire malien »

Publié le jeudi 5 avril 2012 à 00h57min

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C’est le nouveau maître du pays. Arrivé au pouvoir à la faveur d’un surprenant coup d’Etat, le 21 mars, le capitaine Amadou Haya Sanogo a soudain bousculé les événements au Mali, précipitant indirectement la conquête du Nord par une coalition confuse de Touaregs autonomistes et islamistes. Face à l’imbroglio actuel et à la montée des périls, le chef du comité dirigeant de la junte a accepté hier de répondre à nos questions.

Quelle est la situation actuelle dans le nord du Mali ?

La situation est critique depuis longtemps. C’est la raison pour laquelle nous avons renversé le régime en place. Il y a eu des trahisons, l’armée a été abandonnée face à la rébellion touareg. Aujourd’hui, ce n’est plus une simple rébellion, ce sont des groupes islamistes qui s’installent dans le nord du pays. Et si on laisse le Mali seul avec ce problème, l’Afrique et le monde en paieront les conséquences.

Etes-vous favorable a une intervention étrangère ?

Si les grandes puissances ont été en mesure de traverser les océans pour aller lutter contre ces structures intégristes en Afghanistan, qu’est-ce qui les empêche de venir chez nous ?? Notre comité veut le bien du pays. L’ennemi est connu et il n’est pas à Bamako [la capitale, ndlr]. Si une force devait intervenir, il faudrait qu’elle le fasse dans le Nord.

Faites-vous une différence entre le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et les groupes islamistes ?

Pourquoi faire des distinctions entre les groupes armés ?? Tant qu’ ils continuent à semer la terreur, je ne les différencie pas. Pour le reste, les portes du dialogue sont ouvertes, mais on ne négociera pas l’intégrité du territoire malien.

Vous avez demandé l’organisation d’une convention nationale dont les travaux démarrent ce jeudi, malgré le refus de plusieurs leaders politiques d’y participer. A quoi va-t-elle servir ?

Les Maliens doivent définir ensemble les grandes lignes de leur avenir immédiat. On ne va pas parler de tout ! Beaucoup de choses marchent au Mali. Cette convention doit servir de cadre pour régler certains problèmes comme le fichier électoral, qui n’était pas prêt alors qu’on allait à l’élection présidentielle ?! L’idée, c’est de faire discuter les ­citoyens.

Partirez-vous si cette convention nationale en exprime le souhait ?

Nous ne sommes pas ici pour nous éterniser. Je le dis et je le maintiens. Nous sommes des militaires. Notre mission principale est de préserver l’intégrité du territoire, de sécuriser les biens et les personnes. Si on se retrouve au pouvoir, c’est par la force des choses. Laissons la convention décider. Mais nous avons déjà évité un chaos et j’espère que la Convention ne souhaitera pas voir ce comité disparaître parce que cela serait un chaos le surlendemain.

Pourquoi détenez-vous toujours des personnalités politiques, dont le ministre des Affaires étrangères ?

Je les détiens pour préserver leur intégrité physique. Je connais bien mon pays. En les laissant en ville ils peuvent courir un risque. On ne fait pas de chasse aux sorcières.

Vous avez annoncé des poursuites judiciaires contre le Président Amadou Toumani Touré, que vous avez renversé ?

Nous ne sommes pas juristes. Il y a encore un système judiciaire qui marche. Ce sera à lui de déterminer.

Où sont les militaires qui ont fui les principales villes du Nord ?

Mes soldats n’ont pas fui ! Ils se sont repliés. A un moment donné il faut faire une pause, faire l’état des lieux. Certains sont venus à Bamako et ont rejoint leurs unités, le temps qu’elles se restructurent.

Comptez-vous dialoguer avec les pays voisins, dont certains sont accusés de servir de base arrière aux groupes armés ?

J’y travaille. Les responsables que j’ai chassés du pouvoir avaient reçu avec tous les honneurs un groupe armé qui aujourd’hui est en train de tuer les Maliens dans le Nord ! Donc pourquoi accuser les pays voisins ? Je les invite plutôt à collaborer avec nous, afin d’éradiquer le mal commun parce que ce qui nous intéresse aujourd’hui intéresse nos voisins.

Le retour aux affaires des leaders qui étaient au pouvoir avant le coup d’Etat serait-il un échec pour vous ?

C’est ma plus grande préoccupation. Ils n’ont rien apporté au pays. On veut un vrai changement. Il faut donner leur chance à d’autres hommes politiques de s’exprimer pour un Mali meilleur. C’est ce que je vais demander à la classe politique et à l’opinion.

Comment réagissez-vous aux sanctions de la Cédéao (la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest) ?

Je respecte leur décision, j’ai pris acte, mais encore une fois je les invite à plus de dialogue. Il est temps qu’on passe vers une Cédéao des peuples et non des Etats pour le bonheur des peuples africains ! On demande le retour à l’ordre constitutionnel normal ? D’accord. On nous dit remettez le pouvoir au président de l’Assemblée ? D’accord. Mais si les élections ne sont pas organisées dans le délai de 21 à 40 jours fixé par la Constitution, ce sera le vide. Et qui va le combler ?

Ces sanctions vont-elles influencer vos décisions ?

Je veux faire ce qui est bien pour le peuple malien. Ce n’est pas de la bravade. Essayons d’oublier un peu le Comité, oublions un peu les rouages de la Constitution car nous avons le temps pour le dialogue. Mais nous n’avons pas le temps pour faire face aux groupes armés dans le Nord. A Bamako, la vie continue, l’administration tourne, les gens vaquent à leurs affaires, notre Comité est respecté. Donc il n’y a pas d’urgence à Bamako. L’urgence c’est le Nord.

Plusieurs pays ont demandé à leurs ressortissants de quitter le Mali. Les étrangers sont-ils en sécurité au Mali ?

Ma mission est d’assurer la sécurité des Maliens comme des étrangers.

Assurerez-vous également la sécurité de ceux qui manifesteront contre vous ? Des manifestants qui réclament votre départ ont été blessés…

Souvent on ne sait pas qui fait quoi et qui veut quoi ! Certains n’ont pas apprécié notre arrivée au pouvoir. S’ils avaient la volonté de truquer les élections qui étaient prévues fin avril, ils ne vont jamais nous aimer, c’est normal. Mais il ne faut pas nous provoquer. Certains veulent créer de la violence, dans le but de dire : à présent ça ne va pas. Mais, tout se passera bien.

Recueilli par Fabien Offner (correspondance à Bamako)

Liberation.fr

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