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Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

Publié le mardi 20 décembre 2011 à 12h35min

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La sélection d’un investisseur en vue de la mise en valeur du gisement de manganèse de Tambao - dans le Nord-Est du Burkina Faso - est à nouveau à l’ordre du jour. Selon le dernier conseil des ministres, « au regard des compétences techniques et de la surface financière exigible pour la réalisation des infrastructures du projet Tambao, le conseil a instruit les ministres en charge du dossier de procéder à une consultation restreinte afin de retenir une société répondant aux conditions souhaitées ».

Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs de journaliste économique (1969), l’exploitation du gisement de minerai de manganèse de Tambao a toujours été le « grand projet » qui devait changer la physionomie de la Haute-Volta puis du Burkina Faso. Quand il sera réalisé, je pourrai sans doute prendre ma retraite (à moins que la mort ne me fauche avant !).

Deux ingénieurs de l’Ecole nationale supérieure de géologie (ENSG), Pierre Blazy (qui en sera, par la suite, le directeur) et Robert Houot (futur directeur de recherches au CNRS) avaient, dès la fin des années 1960, publié dans le cadre de l’Ecole nationale supérieure de géologie appliquée et de prospection minière (Nancy) un ouvrage sur la « valorisation du gisement de manganèse de Tambao ». En 1975 sera créée la Société minière de Tambao (Somitam). Elle associait alors des intérêts publics voltaïques (51 %) à des intérêts étrangers : Tambao Manganese Mine Development (Japon) pour 30 %, Exploration und Berghan GmbH (Allemagne) pour 9 %, Union Carbide (Etats-Unis) pour 7 % et la Société Tambao Manganèse (France) pour 3 %.

A la demande des bailleurs de fonds, une étude d’évaluation du projet sera réalisée (avec beaucoup de retard par rapport aux prévisions) par la Banque africaine de développement (BAD). Et il était prévu, alors, un démarrage de l’activité d’extraction à compter du mois d’octobre 1977. Mais la réalisation du projet était conditionnée à celle d’un chemin de fer d’évacuation entre Tambao et Ouagadougou : 25 milliards de francs CFA étaient alors prévus pour ce seul projet (34 millions pour l’ensemble du projet Tambao) dont le financement devait être assuré par l’Allemagne fédérale, la France (FAC et CCCE + crédits fournisseurs), le Japon, la BAD, la BADEA, le FED, le FKDEA (Koweït), l’Arabie saoudite… Mais les Américains et les Japonais vont se retirer du projet tandis que la Libye signera, début 1979, un accord de coopération économique afin de participer, à son tour, à son financement.

Le projet ferroviaire connaîtra les mêmes tribulations que le projet minier. Dès 1974, l’Office français de coopération pour les chemins de fer et les matériels d’équipements (Ofermat) avait, avec le concours du BCEOM, travaillé à son élaboration. Un bureau allemand prendra la relève des Français puis ce sera au tour des Américains de Tippetts-Abbett-McCarthy-Stratton (TAMS) d’être chargé, début 1983, de sa réactualisation tandis que British Steel Corporation Export United s’engageait à fournir les rails des tronçons Ouagadougou-Kaya-Tambao-Tin Hrassan.

La « Révolution » va s’emparer d’un projet qui n’en finissait pas d’aller d’études en études, de plans de financement en plans de financement. Le projet de « chemin de fer du Sahel » va déboucher sur la « bataille du rail » lancée dès février 1985.

« Sous le soleil ardent et sous la pluie, de jour comme de nuit, des hommes, qui hier encore étaient pessimistes et sans ambition, ont agi aujourd’hui tels des fourmis construisant une fourmilière ; ils ont transformé un grand rêve aux horizons obtus en une réalité redonnant espoir. Ragaillardis et désormais confiants, tous ceux qui ont permis que le train siffle trois fois à Kaya, le 17 octobre 1988, ont transformé la nature en se transformant eux-mêmes. Un constat s’impose : seule la révolution à travers la mobilisation des masses est en mesure de donner réponse aux grands problèmes qui leur sont posés ». L’enthousiasme de J.B. Natama et P. Birba, auteurs d’un dossier sur le « chemin de fer du Sahel » - décrété « premier chantier national du Burkina Faso » - publié par Yeelen (août 1989), était dans l’air du temps. « La bataille du rail » - menée par le ministère de la Promotion économique alors dirigé par Henri Zongo - aura sa statue à Ouaga ! Mais Tambao restera inaccessible à plus de 200 km de Kaya. Et le tronçon Ouaga-Kaya ne sera jamais exploité.

C’est que la rentabilité du projet ferroviaire dans la seule perspective de l’exploitation du manganèse à Tambao demeure problématique. Les multinationales minières sont O.K. pour exploiter le gisement (19 millions de tonnes de réserve ; teneur entre 52 et 54 %) mais pas pour prendre en charge le coût des infrastructures d’évacuation. C’est pourquoi, aussi, sans doute, le dernier conseil des ministres attribue des titres miniers en vue de l’exploitation des calcaires à ciment (requalifiés en substances de mine et non en substances de carrière), plus au Nord encore, dans les zones de Tin Hrassan et Tin Dioulaf, dans la région du Sahel*.

Le japonais Mitsui Mining, le brésilien Vale, l’émirati Wadi Al Rawda Industrial Investments, l’australien Territory Resources, le français Eramet, l’indo-singapourien Nice Group, le britannique Weatherly International PLC… figurent parmi les groupes miniers qui se sont intéressés au projet. Qui n’est encore qu’un projet (si on fait abstraction de quelques périodes d’extraction qui n’ont jamais été, véritablement, des opérations industrielles).

Mais ce qui change la donne, c’est… la victoire d’Alassane D. Ouattara à la présidentielle ivoirienne et la relance du Conseil de l’Entente. Celui-ci (cf. LDD Côte d’Ivoire 0354 et 0355/Mercredi 7 et jeudi 8 décembre 2011) entend faire d’Abidjan et de San Pédro les hubs portuaires sous-régionaux à partir de deux boucles ferroviaires : Abidjan, Ouaga, Niamey, Parakou, Cotonou et San Pédro-Man avec des embranchements vers la Guinée d’une part, le Mali d’autre part. Ces deux boucles ferroviaires desserviraient les principaux sites miniers sous-régionaux parfois enclavés (le fer des Monts Nimba dans l’extrême Est de la Guinée et, bien sûr, le manganèse de Tambao).

L’anglo-australo-roumain Vasile Frank « Gusher »Timis, président d’African Minerals Limited (AMI.L) - créée le 16 août 2007 - a affirmé à Christophe Le Bec (Jeune Afrique du 23 janvier 2011) : « C’est ici [en Afrique de l’Ouest] que se joue l’avenir minier ! Ce que vit l’Afrique de l’Ouest aujourd’hui est comparable à ce qu’a connu le Nord-Ouest de l’Australie au début des années 1970 : l’amorce d’un boom minier. La région recèle des gisements de fer, de cuivre, de bauxite et de manganèse non exploités, d’un potentiel exceptionnel par rapport aux réserves mondiales actuellement disponibles, alors même que la demande pour ces matières premières explose, dopée par l’industrialisation accélérée de l’Asie ».

Timis est actuellement la star montante de l’industrie minière mondiale depuis qu’il a mis la main sur le gisement géant de minerai de fer de Tonkolili en Sierra Leone (qui fera, à terme, de ce pays, le troisième producteur mondial de fer). Timis est un franc tireur qui a dans le collimateur les géants mondiaux : Rio Tinto, BHP Billiton, Vale, etc. Et dans la poche les Chinois (notamment la China Railway Materials). Présent, par ailleurs, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Burkina Faso…, il est devenu dans ces pays un acteur de premier plan du secteur minier. S’il regarde ce qui se passe dans le cadre du Conseil de l’Entente, et particulièrement dans l’extrême Nord-Est du Burkina Faso, avec un œil neuf, c’est, qu’effectivement, là-bas, se joue « l’avenir minier de la sous-région ».

* Ce sont, là encore, des projets identifiés dès les années 1970.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 20 décembre 2011 à 14:40 En réponse à : Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

    Pourtant, on nous a toujours dit que le Burkina Faso est un pays pauvre. Le sous sol est pauvre. Il n’y a rien.
    Ces mineraies ( Or, Cuivre, Manganèse etc ) sont donc venu par enchantement ?

  • Le 20 décembre 2011 à 15:10, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

    « C’est ici [en Afrique de l’Ouest] que se joue l’avenir minier !. . . >>.

    - Ce sera aussi certainement le début de la débâcle ! Des guerres tribales, des escarmouches comme en RDC, en Angola, avec les cortèges de gens en déplacement, traînant de vieux matelats vers d’autres horizons incertains !

    Par Kôrô Yamyélé

  • Le 20 décembre 2011 à 15:17, par beststar En réponse à : Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

    Bel explication mais je pense bien que le projet risque de tomber à l’eau encore puisque l’Etat n’aura pas les moyens pour financier les infrastructures d’évacuation.Il faudra compter sur la renaissance du conseil de l’entente qui doit mourir encore de sa belle mort quand Ouattara ne sera plus au affaires.

  • Le 20 décembre 2011 à 15:20 En réponse à : Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

    Vénérable Thom Sank,si tu étais toujours à la tête de notre chère patrie,où en serions-nous maintenant ?Loin et très loin de cette misère actuelle parceque le Burkina serait depuis un pays prospère dans la réalité,contrairement à la virtualité de pays émergent qu’on nous serve tout le temps comme un écran de fumée
    Quelle grosse perte pour l’humanité et surtout pour le Burkina Faso

    PS:au webmaster,pas de censure svp parceque c’est la réalité meme si on ne peut pas refaire l’histoire

    • Le 20 décembre 2011 à 23:31, par karim En réponse à : Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

      bien dit, Kôrô Yamyélé ! oui les Européens ou les occidentaux, ou encore les capitalistes et exploiteurs des pays pauvres sur le papier savent quand mettre sur pied un projet, les richesse d’un pays, ruiner un pays, organiser la prise du pouvoir par leurs hommes pour mieux faire valoir leurs interêts. Oui je je vous renvoyer sur un article publié dans le monde diplomatique de 2007 ou une journaliste Belge du nom de colette Breackmann. Elle y parlais deja de projet qu’un certain ADO voulait faire si le coup d’etat de 2002 avait marché......auusi, il y a un film sur la conférence de Berlin de 1885, où l’Afrique a été découpé en moceau de gâteau. Il y a avait aussi un projet de ce genre qu’ADO a presenté dans le cadre du conseil de l’entente, mais en Afrique Centrale...qu’est-ce que l’on a aujourd’hui dans ces pays ? Pauvre idiots de D’africain ! ce ne sont pas les richesses du sous-sol qui nous ameneront le developpement mais le patriotisme d’abord, l’amour de son pays et la richesse du cerveau qui est la matière grise et non les matières mineraux.

  • Le 20 décembre 2011 à 21:37 En réponse à : Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

    " au regard des compétences techniques et de la surface financière exigible pour la réalisation des infrastructures du projet Tambao, le conseil a instruit les ministres en charge du dossier de procéder à une consultation restreinte afin de retenir une société répondant aux conditions souhaitées"
    En d’autres termes c’est du "Guérrr-à-guérrr" ?

  • Le 21 décembre 2011 à 13:44, par Mougou dèn En réponse à : Le projet de chemin de fer sous-régional relance la mise en exploitation du manganèse burkinabè de Tambao

    bien dit, Kôrô Yamyélé ! oui les Européens ou les occidentaux, ou encore les capitalistes et exploiteurs des pays pauvres sur le papier savent quand mettre sur pied un projet, les richesse d’un pays, ruiner un pays, organiser la prise du pouvoir par leurs hommes pour mieux faire valoir leurs interêts. Oui je je vous renvoyer sur un article publié dans le monde diplomatique de 2007 ou une journaliste Belge du nom de colette Breackmann. Elle y parlais deja de projet qu’un certain ADO voulait faire si le coup d’etat de 2002 avait marché......auusi, il y a un film sur la conférence de Berlin de 1885, où l’Afrique a été découpé en moceau de gâteau. Il y a avait aussi un projet de ce genre qu’ADO a presenté dans le cadre du conseil de l’entente, mais en Afrique Centrale...qu’est-ce que l’on a aujourd’hui dans ces pays ? Pauvre idiots de D’africain ! ce ne sont pas les richesses du sous-sol qui nous amèneront le développement mais le patriotisme d’abord, l’amour de son pays et la richesse du cerveau qui est la matière grise et non les matières mineraux .

    EH oui cher Karim , ce sera encore une société française sinon gare à ton fauteuil et je jure qu’ils iront tous en enfer ces gens qui disent faire tout pour leur peuple en spoliant d’autres peuples.Ne comptez pas sur la clémence du Bon Dieu car ce sont des typhons , des déluges de toutes sortes de n’importe quel temps qui souffleront tout ce que {{}} vous aurez bâti. {{}}

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