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Guinée : Des démons de la démocratie

Publié le mercredi 20 juillet 2011 à 04h11min

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Coups de feu à Conakry ! Quelques sept mois seulement après son installation au pouvoir comme premier chef d’Etat démocratiquement élu, le président guinéen, Alpha Condé, a reçu, dans la nuit de lundi 18 à mardi 19 juillet 2011, des visiteurs pas très amicaux. En effet, des démons habillés en costumes militaires tirent sur le « bébé » démocratie de Guinée. Une fraction de l’armée (dont l’identité n’est pas encore révélée au moment où nous tracions ces lignes) a fait irruption dans la résidence du président, armes légères et lourdes au poingt, et ont ouvert le feu sur les gardes. Bilan provisoire : un soldat tué et deux blessés chez les loyalistes. Aucune victime chez les assaillants, excepté le fait que deux d’entre eux aient été mis aux arrêts et sont sous interrogatoire serré.

Sans présager des conclusions des enquêtes en cours, on peut dire, au regard de l’arsenal employé, que ces "codos" en voulaient sûrement à la vie de l’ancien président de la Fédération des anciens étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). Cet attentat à la vie d’un chef d’Etat n’est pas une première dans l’armée guinéenne. C’est même son sport favori depuis que la Guinée, à travers son « non » historique à la Communauté franco-africaine de Charles de Gaulle, a appris à se diriger de façon autonome. Sékou Touré (1958-1984), son successeur le général Lansana Conté, le capitaine Moussa Dadis Camara et même le général Sékouba Konaté (intérimaire de Dadis) ont vécu ces tentatives d’élimination physique.

Mais diantre ! Pourquoi cette propension de la soldatesque guinéenne à s’emparer des armes pour parvenir à ses fins au moment où –malgré les insuffisances du jeune régime-, le président du RPG (Rassemblement du peuple de Guinée, parti de Condé)- était presqu’en train de réussir à marquer sur le tableau noir de la Guinée, comme faisant partie du cercle restreint des pays où la démocratie s’incrustait dans un continent où les « révisionnistes » constitutionnels mettent à mal l’idéal démocratique ? Quelle que soit la réponse, l’armée guinéenne doit accepter, enfin, de copier sa voisine sénégalaise, dont l’exemplarité est sans pareil sur le continent noir. Les Forces armées guinéennes doivent –maintenant que les Guinéens ont la possibilité de désigner de façon transparente leurs dirigeants- accepter de se mettre à la disposition de la république.

Il est vrai, depuis sa prise de fonction, le président Condé n’a pas toujours fait montre d’un dirigeant impartial, juste et équitable. Il s’est souvent même comporté plus en dirigeant de parti politique qu’en véritable dirigeant de Nation. C’est vrai, Condé s’est souvent fait passer pour un chef de tribu qu’en un véritable rassembleur d’hommes. Il est aussi vrai que l’ancien dirigeant étudiant a souvent réagi de façon épidermique face aux critiques légitimes pour un homme public. On ne le cache pas, il apparaît comme quelqu’un capable de persécuter opposants, défenseurs de droits humains et syndicats-étudiants, mais rien ne justifie que des militaires payées par le contribuable guinéen, puissent utiliser les armes payées par le même contribuable pour attenter à la vie d’un chef que les contribuables se sont choisis en toute liberté et connaissance de cause.

Rien et encore rien ne peut justifier un attentat contre les institutions de la République de Guinée aujourd’hui. Les militaires guinéens devraient le tenir pour dit s’ils ne veulent pas passer pour ceux qui auront engouffré le peuple guinéen, malgré les immenses ressources du pays, dans l’abyssal fossé de la merde dans lequel il se meut depuis plus d’un demi-siècle . En effet, ce pays de l’Afrique de l’Ouest qui a une superficie de 245857 km2, une population de 10,3 millions d’habitants dont 35,4% urbaine, a une croissance démographique de 2,5%, un Indice de développement humain (IDH) de 0,340 (156e rang sur 169 pays classés), avec 70 % de la population qui vit avec moins de 1, 25 dollar par jour. Condé a donc du pain sur la planche que de perdre son précieux temps dans des querelles sans lendemain.

Il a encore le temps de faire changer de point de vue à ceux qui pensent que, finalement, les opposants historiques africains, à l’image de Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire, et bien d’autres, n’ont pas de vision, ni de doigté quand ils accèdent au pouvoir.

Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)

Sidwaya

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