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FRAPPES CONTRE LA LIBYE : Kadhafi, l’homme à abattre ?

Publié le mardi 22 mars 2011 à 01h37min

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Les dénégations ont dû faire sourire plus d’une personne. Les membres de la coalition internationale qui se sont donné pour tâche de faire respecter la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne en Libye, se défendent de vouloir provoquer la chute du Guide. De leur avis, l’opération a pour seul objectif de protéger les civils. Mais il est évident qu’elle établit ou rétablit un rapport de force en faveur des insurgés qui avaient dû perdre certaines de leurs positions stratégiques avec la contre-offensive aveuglément meurtrière des pro-Kadhafi.

Ce rétablissement du rapport de force se traduit par une reprise de terrain par les insurgés et, cela va sans dire, une perte de terrain des troupes pro-Kadhafi. Il n’y a aucun doute sur la pertinence de la nécessité de sauver les civils des attaques des combattants pro-Kadhafi, surtout des bombardements aériens. C’est un important devoir pour la communauté internationale. Mais il ne faut pas aussi se voiler la face : des non-dits subsistent dans cette intervention en cours. Il y a incontestablement des intérêts sinon personnels, du moins étatiques, qui sont également en jeu.

Il n’est un secret pour personne que Kadhafi sera, s’il s’en sort dans ce bras de fer, un danger pour des Etats comme la France et l’Angleterre, à plusieurs points de vue. Il ne ménagera aucun effort pour se venger de ces pays en mettant leurs intérêts économiques sur son sol, en danger. Il pourrait aussi apporter quelque soutien à des groupes islamistes sensés mettre les Occidentaux en difficulté au plan sécuritaire. La France pourrait particulièrement payer pour sa détermination aux côtés des insurgés. De plus, l’intervention serait un fiasco si elle ne parvenait pas à provoquer la chute du régime libyen. Il y a même le risque qu’on se retrouve dans un schéma de partition du pays si les lignes venaient à se stabiliser avec les deux camps qui se tiendraient mutuellement en respect.

On a de la peine à croire aux déclarations de neutralité de la coalition vis-à-vis des deux camps en présence en Libye. Même si pour l’heure, les pays membres de la coalition refusent, en tout cas officiellement, de donner des armes aux insurgés qui en demandent, il est certain qu’ils ne manqueront aucune occasion de faciliter la marche des nouveaux maîtres de Benghazi sur Tripoli. In fine, l’opération militaire de la coalition vise donc Kadhafi, l’homme à abattre. Les membres de la coalition eux-mêmes ne font pas montre du même degré de détermination dans cette opération.

Les Français sont visiblement les plus engagés et les plus déterminés sans parler des pays comme l’Allemagne qui freinent des quatre fers. Pour de nombreux adversaires de Kadhafi, l’occasion est trop belle pour qu’ils en profitent pour régler une fois pour toutes leur contentieux avec lui. Pour eux, c’est maintenant ou jamais. Il faut le reconnaître : le Guide, s’il a des alliés, a réussi aussi à se faire pas mal d’ennemis pour une raison ou pour une autre, hors des frontières de son pays. En dehors des Occidentaux, certains chefs d’Etat ont eu des démêlés avec lui.

Il ne se faisait pas prier pour tancer publiquement ses pairs africains, surtout à propos de sa vision sur l’Union africaine. Ils sont donc nombreux à rire actuellement sous cape face à ses déboires et à nourrir le vœu ardent de le voir sortir de la scène. Ajouté au fait que les uns et les autres ont peur de faire des déclarations par crainte que le Guide ne reprenne la main et ne leur fasse payer leur engagement, ceci explique peut-être la relative inactivité des chefs d’Etat africains dans cette crise. Tout porte à croire que la coalition fera tout, de façon directe ou indirecte, pour déboulonner le maître de Tripoli. Pourra-t-elle y parvenir sans outrepasser le mandat reçu à travers la résolution du Conseil de sécurité ?

Rien n’est moins sûr. Déjà, les protestations émises çà et là, notamment par la Ligue arabe, l’Union africaine et des pays comme la Chine et la Russie, laissent subodorer que les choses ne sont pas si simples que cela, et prouvent qu’il était nécessaire de régler, de façon assez précise les détails de cette intervention. Il faut surtout que les forces internationales évitent, autant que faire se peut, de tirer sur les civils qu’elles sont censées sauver. Une telle opération est délicate. En cela, les membres de la coalition marchent sur des œufs. Il leur appartient de gérer la légitimité qu’ils ont reçue de l’instance onusienne sans un quelconque abus ou détournement égoïste de nature à discréditer leur action. De toute façon, l’ONU reste garante de l’application de sa résolution et elle est la mieux habilitée pour juger de la conformité des opérations menées et prendre les mesures qui s’imposent le cas échéant.

"Le Pays"

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