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Zoumana Traoré : "Un supporter est fait pour supporter et non pour être supporté"

Publié le mercredi 22 septembre 2004 à 07h17min

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Dans l’interview accordée à Sidwaya Sport, le colonel Zoumana Traoré a passé en revue toutes les composantes de notre football. En attendant l’intégralité de l’entretien qui paraîtra dans Sidwaya Sport du vendredi 24 septembre, aujourd’hui, dans votre quotidien, ce sont les supporters qui sont dans la ligne de mire du colonel. Ça fait souvent très mal. La presse peut en témoigner, elle qui a été touchée en plein cœur.

S.S : A l’USFA, les supporters contribuent à l’épanouissement du club mais on ne sent pas de mobilisation derrière l’équipe.

Z.T. : Ce n’est pas une question de mobilisation. C’est une situation générale. Y a-t-il une mobilisation derrière l’EFO qui est pratiquement l’équipe nationale ici ? Est-ce qu’il y a de la mobilisation derrière l’ASFA-Y ?

C’est une situation générale. C’est vous en tant que journalistes qui devez mobiliser les gens. Vous avez vos raisons et je ne voudrais pas en faire cas.

Il faut de toutes façons savoir qu’il n’y a pas de supporters au Burkina. Même pour l’équipe nationale, il faut qu’on distribue les billets pour qu’ils soient au stade. Si on ne distribue pas gracieusement les billets, iront-ils au stade ? Posons-nous la question ?

Y -a-t-il une personne qui est capable de sortir 10 000 F pour aller voir un match ? Le Burkina n’est pas un pays de football, nous ne faisons que forcer.

Nous n’aimons pas le football, je le dis. Nous avons vu ceux qui aiment ce sport. Nous étions au Rwanda en pleine guerre, les gens ont acheté leur ticket à 10 000 F et ont rempli le stade. Certains ont même été remboursé par manque de places. Au Bénin à côté, nous étions au stade à 14h pour un match qui se jouait à 16h entre les Dragons de l’Ouémé et l’USFA. Vous vous imaginez ? Des gens payent pour rentrer. Ici, tant qu’on ne distribue pas les billets, personne ne rentre. Ou du moins, vous connaissez un certain nombre de personnes qui s’y rendent. D’ailleurs, tous ceux qui font du bruit dans la loge officielle ne payent pas . Ils rentrent tous gratuitement. Ils ne payent jamais. Quand vous allez à Bobo-Dioulasso c’est pareil. Le simple fait d’avoir un peu déplacé le stade omnisports dans les environs de la ville suffit pour décourager un certain nombre de personnes. Pensez-vous que ce sont des supporters quand on sait qu’il y en a qui marchent des dizaines de kilomètres pour aller au stade ?

Je me rappelle au Cameroun, un match entre le Tonnerre et le Canon de Yaoundé, les supporters vont la veille avec leur sandwich pour dormir au terrain. Ici, une petite pluie suffit à décourager nos supporters. Il y a un travail à faire. Du côté des Militaires, vous savez qu’actuellement, un militaire est de garde un jour sur deux. La majeur partie des militaires sont de garde. Ceux qu’on envoie au stade viennent du fait qu’on suspend leur garde, car il faut bien qu’on soit organisé afin qu’ils viennent supporter. D’autres sont embrigadés et mis dans les cargos pour le stade. En réalité, les militaires sont tous pris dans les postes de garde pour la sécurité. Ils sont éparpillés partout.

On a plein de missions. Ce n’est pas une raison pour croire qu’on n’est pas soutenu. Même quand on fait nos rassemblements, la salle est pleine mais pour aller au stade, c’est tout autre chose. Le problème des supporters est général tant qu’on ne trouvera pas de solution générale ; ce sera difficile. Je suis convaincu que même lors des matchs précédents des Etalons, on a acheté les billets pour les supporters. Quelquefois, il y a des jours où ils sont obligés non seulement de donner les billets mais de payer les gens aussi pour qu’ils rentrent. Quel spectacle (rire) !

Avec cela, on nous dit que nous avons des supporters. Regardez les supporters qui étaient à la CAN. On leur a donné combien de francs pour qu’ils y partent. Ils ont même demandé à être payés pour aller en Tunisie. Que ce soit la Coordination ou le Comité, tous ont été payés. C’est de gros sous qu’on leur a remis. Cette somme aurait pu servir à faire quelque chose de mieux si les supporters pouvaient se prendre en charge. C’est là aussi le problème de l’USFA avec le Comité lagm taaba. Je dis un supporter, c’est fait pour supporter mais pas pour se faire supporter par l’équipe. Nous avons des joueurs à gérer. Nous ne pouvons pas aussi gérer les supporters en plus.

SS. : Puisque nos supporters n’ont rien ...

Z.T. : Ce n’est pas qu’ils n’ont rien mais c’est un manque de volonté criant et rien d’autre. Regardez de façon générale, lorsqu’on dit que Alpha Blondy est au stade, c’est plein...

S.S. : Ce sont des jeunes fans qui y viennent !

Z.T. : C’est là où j’en viens. Ce sont aussi des supporters. Le Burkina Faso est presqu’à 80 % peuplé de jeunes de 15 à 25 ans. Ce sont eux qu’il faut amener au terrain. Si c’est nous autres, c’est-à-dire à partir de 45 ans, nous ne sommes pas nombreux et nous avons d’autres préoccupations. Donc si nous voulons des supporters, c’est dans cette tranche-là qu’il faut rechercher. Au Burkina, l’école est en dehors du football ; c’est clair. Regardez le championnat de D1.

Il n’y a aucun joueur de lycée. Un jeune burkinabè en bonne santé tourne entre 17-18-19 jusqu’à 20 ans ; où sont-ils à cet âge ? Dans les lycées ou à l’université. Comment nous nous sommes arrangés pour que des jeunes de cette tranche d’âge-là n’y soient pas ?

Et vous voulez que ça fonctionne. En réalité, le football c’est du sérieux. Il faut que ce soit nos meilleurs éléments qui le pratique. Comme cela, nous aurons une équipe de qualité. Je ne veux pas dire la poubelle . Mais si en tout cas, c’est dans ce lot de rejetés que nous cherchons, nos stars elles seront forcément limitées. Non seulement, on aura cette limite mais aussi, toute l’école, à savoir les lycées , collèges et l’université se retrouveront forcément à l’écart . Depuis quand avez-vous vu des lycéens au stade alors qu’ils sont les plus nombreux ?

Interview réalisée par la Rédaction
Retranscription : Lassina SAWADOGO
Sidwaya

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