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RANCE-MAURITANIE : Tapis rouge pour un putschiste reconverti

Publié le mardi 27 octobre 2009 à 06h24min

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Entre la France de Sarkozy et la Mauritanie de Mohamed Ould Abdel Aziz, table rase est, à présent, faite du passé. Sur les eaux tumultueuses des protestations de la communauté internationale, consécutives, on se rappelle, au coup de force opéré par le général-putschiste, la barque affreuse de l’ancien chef d’état-major a fini par regagner la terre : celle de l’ordre constitutionnel.

Objectif atteint donc pour le général président pour qui c’était la seule issue pour faire accepter l’inacceptable. Bien entendu, pour l’opposition mauritanienne, depuis bien longtemps a été brisé le rêve de voir le général Abdel Aziz interdit de se porter candidat à la présidentielle. Mais, pour la France, à l’évidence, l’essentiel est fait. Car, dans ses nouveaux habits de président élu, Abdel Aziz mérite bien que lui soit maintenant déroulé le tapis rouge. Le putschiste reconverti est donc devenu un homme fréquentable. L’Elysée, sur le perron de laquelle il immortalise, ce jour, sa première visite officielle en territoire français, lui réserve donc un accueil digne de son rang.

Reste qu’à l’instar du tronc d’arbre qui ne deviendra jamais caïman malgré un long séjour dans le marigot, le tombeur de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ne saurait trouver nulle part au monde, un chirurgien capable de lui rectifier son portait de militaire putschiste, parvenu au pouvoir par la plus inélégante procédure de dévolution du pouvoir. On aura beau chercher à tirer un trait sur le passé, l’Histoire, elle, conservera ses nauséeuses reliques. Certes, on se souvient que le général avait dû se mettre momentanément en réserve de la République, et ensuite, remettre en jeu un pouvoir qu’il n’avait pas, à vrai dire, totalement quitté. Il fallait, bien sûr, sauver les formes ; faire croire que celui qui s’était emparé indûment du pouvoir restait, avant tout, un démocrate dans l’âme. Mais personne n’était dupe. Personne ne se faisait d’illusion qu’il perdrait le contrôle de la situation, même si pour se faire élire, il fallait passer par les urnes. Ce n’était qu’une question de temps. Voilà donc Abdel Aziz absous de tous ses péchés et, à présent, adoubé par Paris. En ce qui le concerne, il faut croire que le dirigeant mauritanien souffrait de la mauvaise qualité de ses relations avec Paris, lui qui, l’orage passé, veut maintenant "rattraper le temps perdu". Mais, au fond, a-t-il été le seul à trouver l’attente longue ? Quel intérêt l’Elysée a-t-elle à reconsidérer sa position vis-à-vis de cet homme qui se présente sous un jour nouveau, débarrassé de ses haillons d’usurpateur de pouvoir ? Mieux, quel intérêt l’Elysée a-t-elle à faire du nouveau président mauritanien, son hôte ?

En tout cas, et une fois encore, on retombe dans le scénario classique. Un scénario qui veut que la France commence presque toujours d’abord par crier au coup d’Etat anti-constitutionnel aussitôt que survient un prononciamento sur le continent. Et qu’elle adopte, par la suite, une posture tout autre. Elle va parfois même jusqu’à virer sa cuti, après avoir obtenu du putschiste qu’il organise des élections qu’il est, de toute manière, assuré d’emporter ; l’essentiel, pour la France, étant que ses intérêts soient saufs. Certes, l’Hexagone dira que ce n’est pas à elle de remonter leurs bretelles aux dirigeants africains pour qu’ils appliquent la démocratie – ils crieraient d’ailleurs à l’ingérence - Mais, il reste que ce pays se livre parfois à une passivité telle qu’elle peut passer pour un encouragement à remettre éternellement en cause les maigres acquis démocratiques qui caractérisent le continent noir en général.

Il apparaît clairement que si l’essentiel, pour la France, ou pour tout autre pays de l’Occident, reste la préservation de ses intérêts partout où ceux-ci sont importants, toute action collective que viendrait à poser le continent noir pour remettre sur le droit chemin un protégé de ces pays du Nord, serait de portée minime, si elle n’est pas d’avance vouée à l’échec. C’est dire si l’Afrique dans sa quête d’une démocratie véritable, a besoin que la France, l’Angleterre, les USA et autres s’y mettent, et de façon sincère. Quant à ses populations, elles tireraient, à coup sûr, grandement profit d’une diplomatie de l’Hexagone plus lisible et moins polluée et d’une Chine moins dévorante de matières premières et très peu regardante sur les droits de l’homme.

"Le Pays"

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