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SONABEL : De l’explication jaillit l’obscurité

Publié le lundi 9 février 2009 à 03h09min

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Ceci n’est pas une histoire cocasse inventée tout juste pour le besoin de commencer l’article. La mésaventure est réelle et est arrivée à un confrère, samedi dernier, aux environs d’un quartier situé à l’ouest de la capitale, Gounghin qu’il s’appelle. Pendant que son barbier s’acharnait à lui faire sa coupe de cheveux habituelle, il y eut coupure d’électricité et naturellement la tondeuse s’éteignit, laissant la tête de l’infortuné client à moitié rasée. Et le coiffeur de s’écrier avec un grand dépit perceptible dans la voix.

« C’est la Sonabel encore ! ». Il a bien raison de proférer ce juron, puisque pour achever son chef-d’œuvre, il lui faudra attendre le soir à 18 heures, ou se déporter avec son client matinal dans un autre quartier voir une connaissance qui exerce dans le même corps de métier que lui. Depuis le début du mois de février, on ne peut en effet finir de répertorier ce genre de déconvenue à travers la ville de Ouagadougou. Celle évoquée plus haut est certes un peu drôle mais il y en a sûrement de plus dramatiques, notamment dans le secteur de la santé.

Lors de la conférence de presse donnée le 4 février 2009, les cadres de la nationale de l’électricité au Burkina ont justifié les mesures de délestage pour deux raisons : l’incident technique qui serait survenu sur un groupe de la centrale Ouaga II et la révision générale du parc entamée pendant la période de froid en prévision de la saison culminante de la demande qui se situerait entre la fin du mois de février et le début du mois de juin.

Et les responsables de la société de conclure qu’ils ont tout simplement été surpris par la brutale canicule qui a commencé à s’installer dès le début du mois. In fine, ils ont rassuré que dès vendredi (6 février 2009), deux groupes électrogènes seront incessamment mis en service et que tout rentrera dans l’ordre. Peut-être qu’il n’y a pas eu quelqu’un qui a toussé ou éternué dans la salle. Toujours est-il qu’au moment où nous tracions ces lignes (dimanche 8 février), des interruptions d’électricité ont lieu dans certains quartiers.

Les lecteurs peuvent se faire une idée de la solidité de l’argumentaire développé par les responsables de la boîte, mais convenons que l’on n’a pas besoin de passer par une grande école de communication d’entreprise pour savoir que les différentes explications ne sont pas de haut … voltage. Certes, on peut louer la Sonabel d’avoir communiqué ; même si, les techniciens étant ce qu’ils sont, il faille souvent prendre avec des pincettes ce qu’ils avancent.

D’ailleurs, ils auraient raison que leurs justifications ne seraient opposables aux consommateurs qui, quoi qu’on dise, sont en droit de se plaindre même si leurs jérémiades ne peuvent aller loin. D’ailleurs, la puissante société semble n’en avoir pas cure, elle qui dispose d’un monopole de fait (1) et est pourtant curieusement très prompte à verbaliser la petite vendeuse de zom-koom (boisson à base de petit mil, de tamarin et de sucre) lorsqu’elle fait un petit retard dans le paiement de sa facture d’électricité.

En mars 2008, c’était l’émoi de la presse autour du groupe G8 qui était tombé en panne. Pour le réparer, il a fallu une mission pour aller rechercher la pièce défectueuse, le fameux galet poussoir, du côté de l’Allemagne. Après sa remise marche, les interruptions du précieux jus ont malgré tout persisté jusqu’au mois suivant. A l’époque, le DG de la boîte s’en était expliqué à Bobo en ces termes : « En 2008, il y a eu une exceptionnelle hausse de demande de plus de 15% ».

Aujourd’hui, la SONABEL estime avoir été surprise par la vague de chaleur de début février. Curieux tout de même puisque c’est connu que la période de grand froid se situe entre décembre et janvier. Mais comme il est bon ton de dire que l’on ne peut apprivoiser à cent pour cent la météo... Par ces temps qui courent, il y a deux sortes de nuits au Burkina Faso. Celle créé par le Bon Dieu en personne et les ténèbres produites par la nationale de l’électricité.

C’est vrai que le secteur demande des investissements lourds. En effet, c’est à coup de milliards que l’on installe un groupe électrogène. Mais un proverbe de chez nous prévient que « quand on connait le volume de son fagot de bois, l’on doit par conséquent savoir ou trouver du vieux linge pour l’attacher ». C’est donc une option qu’a prise l’Etat, qui fait pourtant des dépenses somptuaires en d’autres occasions, à fournir de l’électricité de qualité aux Burkinabè.

Peut-être qu’avec la concrétisation de l’interconnexion avec Bobo, dont la fin des travaux a été repoussée à juin 2009, l’on peut se permettre de rêver de voir le bout du tunnel. En attendant, force est de constater que ces dernières années, dans notre pays, plus précisément dans la capitale, les périodes de coupures sont de plus en plus longues et de plus en plus fréquentes.

Il est dommage de constater que c’est également à la même cadence toutes proportions gardées, que se suivent les conférences de presse pour tenter d’expliquer ce qui se passe. Vivement donc que de ces explications, jaillisse un jour et définitivement la lumière.

(1). Depuis décembre 1998, l’Etat a procédé à l’ouverture du sous-secteur électricité au privé. Jusqu’à ce jour, aucun privé ne s’est encore investi dans la production.

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga

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