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Sa Sylvanus Traoré, directeur du bureau de restructuration et de mise à niveau : "L’industrie burkinabè ne constitue que 3% du PIB"

Publié le vendredi 6 février 2009 à 00h12min

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Sous l’égide de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (UEMOA), un programme de restructuration et de mise à niveau de l’industrie a vu le jour dans les huit pays membres. L’antenne du Burkina Faso est dirigée par Sa Sylvanus Traoré. Il explique la portée d’un tel programme dans les économies de l’espace communautaire et sa finalité dans les échanges avec l’extérieur.

Sidwaya (S) : Qu’est-ce que le programme de restructuration et de mise en œuvre de l’industrie ?

Sa Sylvanus Traoré (S.S.T) : Le bureau de restructuration et de mise à niveau de l’industrie pour le Burkina Faso que je dirige s’inscrit dans le prolongement d’un programme régional initié par l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Il concerne l’ensemble des huit pays membres. Le programme est élaboré sur la base d’un certain nombre de constats sur la situation de l’industrie de l’espace communautaire. Il est prévu pour durer cinq ans avec une phase pilote de trois ans.

Le programme s’adresse exclusivement au secteur de l’industrie et sa phase pilote concerne l’agroalimentaire. C’est-à-dire tout ce qui est relatif à la transformation des produits locaux.

S. : Qu’est-ce qui a motivé sa mise en place ?

S.S.T. : Les constats qui ont conduit à l’élaboration de ce programme et à son adoption par le conseil des ministres de la commission de l’UEMOA sont que la contribution du tissu industriel au Produit interieur brut (PIB) est très faible. Alors qu’ailleurs le développement économique est basé sur le secteur secondaire. Nous avons une situation totalement contraire où le secteur primaire est très fort, le secteur secondaire très faible et le secteur tertiaire encore beaucoup plus faible. Alors, on s’est dit que si l’on veut que ce secteur ait une contribution forte au PIB, il faudrait faire en sorte que l’industrie locale puisse se développer.

Pour le cas particulier du Burkina, on a une formation du PIB de 3% constitué par le secteur industriel. Cela est très faible. On dépend quasi-exclusivement de l’exportation de matières premières. Le coton constitue, selon les chiffres de 2006, 2007, près de 70% de nos exportations. C’est du coton surexporté alors qu’on aurait pu le transformer localement avant de l’exporter. Il existe aussi d’autres matières premières comme les animaux vivants que l’on exporte vers la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria. Ils auraient pu être transformés en viande pour l’exportation. Il y a aujourd’hui de véritables problèmes en terme d’exportation prolifique.

S. : Quel est le but visé par cette initiative communautaire ?

S.S.T. : Quatre grands résultats sont attendus de ce programme. Il s’agit du renforcement de l’expertise nationale et de la sous-région dans le cadre de l’accompagnement du secteur industriel, de la formulation des programmes nationaux de mise à niveau. Cette formulation dont nous avons assisté au lancement le 30 janvier dernier, devrait faire en sorte qu’à la fin de ce processus, l’on ait un programme national qui va s’occuper de l’accompagnement du secteur industriel. On devrait également ajouter à cela, la conception d’outils de financement de ce programme. Enfin, il y a l’assistance des entreprises.

La véritable raison du bureau est de contribuer au développement de l’industrie sous régionale. Jusque-là nous avons toujours accompagné le secteur privé de façon globale. Mais le secteur de l’industrie, en ce qui concerne le Burkina Faso n’a pas encore bénéficié d’un réel programme de développement en dehors de la stratégie nationale de développement du secteur industriel adoptée en 1998, dont la mise en œuvre a connu quelques difficultés et qui, du reste est toujours en relecture. Elle devrait permettre d’avoir une stratégie nationale de développement du secteur de l’industrie et un programme qui accompagne les entreprises industrielles en matière de mise à niveau. On a besoin d’autres industries assez variées. Le besoin devrait être pris en compte dans le cadre du programme.
Beaucoup d’entreprises sont entre l’artisanat et l’industrie. C’est normal, vu l’histoire de l’industrialisation du Burkina.

On a beaucoup de PME qui sont essentiellement dans le secteur de l’agroalimentaire. A côté de cela, il y a quelques grandes entreprises industrielles qui ont fait la fierté du pays quand elles avaient encore la gestion sous la coupe de l’Etat, ensuite on les a évacuées. Il est vrai que l’évacuation, quelquefois, avait des résultats mitigés. C’est un mélange de bons et de mauvais résultats. Et il faut faire en sorte qu’à travers ce programme-là, on puisse accompagner nos entreprises à se développer.

S. : Comment une entreprise désireuse de bénéficier du programme doit s’y prendre ?

S.S.T. : L’adhésion au programme est volontaire. C’est-à-dire que nous n’avons pas pour ambition de demander à une entreprise de venir forcément nous voir parce qu’on considère que comme un malade, ce n’est pas le médecin qui vient à la maison, le tirer du lit. Mais c’est le malade qui doit aller lui expliquer son mal. C’est donc à l’entreprise d’accepter s’engager volontairement dans cette démarche soit pour la mise à niveau soit pour la restructuration. En dehors de cela, il est vrai que pour la phase pilote, il y a des critères spécifiques qui ont été rajoutés.

On considère qu’une entreprise industrielle qui n’a pas deux ans de vie ne peut pas véritablement demander qu’on l’accompagne pour les situations de mise à niveau. On a considéré également qu’une entreprise qui n’a pas un nombre minimum d’employés, dix, dans le cadre de la phase pilote, ne peut pas bénéficier d’un accompagnement. Car l’un des objectifs est de créer des emplois.
On s’est aussi dit que pour cette phase pilote, il est bon qu’on accompagne des entreprises qui ne sont pas moribondes au regard des textes législatifs aux plans national et supranational. Ce sont entre autres les éléments pris en compte dans le cadre de la phase pilote. Mais pendant l’élaboration du programme national, les critères seront revisités par l’ensemble des acteurs.

S. : Qu’est-ce qui est offert concrètement aux entreprises bénéficiaires ?

S.S.T. : La démarche de restructuration porte sur trois grandes étapes. Lorsqu’une entreprise vient nous voir, dans un premier temps, on s’assure de ses besoins à travers un petit diagnostic qui permet de déceler les dysfonctionnements de l’entreprise, de donner des orientations stratégiques qui est la deuxième étape. Les orientations stratégiques doivent déboucher sur un plan de mise à niveau ou de restructuration. Une fois ce plan adopté pour l’entreprise et qui va s’engager à le mettre en œuvre, le programme va intervenir pour l’accompagner dans sa mise en œuvre à travers l’allocation de primes pour accompagner les entreprises qui auraient subi les deux premières démarches.

Pour la phase pilote, les primes ont été globalement fixées, pour la mise à niveau, à cinquante et un milliards. Le même montant est octroyé dans les cas de restructuration. Mais, ces primes ne couvrent pas la totalité des investissements. Lorsqu’il s’agit d’acquérir des équipements, la prime sera seulement de 20%. Le reste devra être mobilisé par l’entreprise elle-même ou par des partenaires financiers. Lorsqu’il s’agit d’une mise à niveau des compétences, les primes sont octroyées à 80%.

Il s’agit d’une subvention. Raison pour laquelle on est assez regardant. Parce que très souvent on pense que quand c’est une subvention, on devrait la donner tout de suite et sans un droit de regard. Dans le cas actuel, les entrepreneurs doivent exprimer leurs besoins et il faut que ces besoins correspondent véritablement à ceux de l’entreprise. Au moment de la manifestation d’intérêt, l’entreprise émet des besoins. Mais au cours du diagnostic, on va vérifier si les besoins de l’entreprise sont ceux que l’entrepreneur présente. Lorsqu’on trouvera la vraie "médication" à apporter, on dira à l’entrepreneur ce que l’on peut faire pour lui. Et il faut que ce dernier mette en œuvre son plan de restructuration.

S. : Quelles sont les sources de financement du programme ?

S.S.T. : Pour la phase pilote, le bureau ne gère pas les primes. Elles sont directement gérées au niveau de l’UEMOA. Sur l’enveloppe globale de dix milliards que représente le coût de la phase du programme régional, il y a trois milliards et demi qui sont destinés aux entreprises. Chaque pays a droit à un quota de quinze entreprises à restructurer. Après répartition, on se rend compte que chaque pays a droit à un peu plus du milliard disponible pour les entreprises. Pour cela, il faut véritablement que les gens mettent en œuvre les programmes pour lesquels ils s’engagent.

La phase pilote est en train de voir le jour. Les financements sont consentis par l’UEMOA. Elle les a acquis auprès de ses partenaires. Il y a également les salles de déploiement au niveau des pays. Ce second volet veut que chaque pays trouve un mécanisme de mobilisation des ressources. Nous avons lancé le 30 janvier dernier, la formulation du programme et avant la fin du premier trimestre de cette année, nous allons commencer la réflexion sur la constitution du fonds national.

Parce que les ressources que nous avons sont régionales mais dans l’élaboration des programmes nationaux, chaque pays devra constituer son fonds national. Et c’est ce fonds qui va accompagner la mise en œuvre du programme national. C’est la raison pour laquelle, à la réunion du 30 janvier, nous avons souhaité la participation de l’ensemble des partenaires techniques et financiers du Burkina pour que chacun soit sensibilisé à l’idée de l’élaboration de ce programme et qu’au moment où les consultants vont les approcher, que les choses se passent facilement.

S. : Y a-t-il un rapport entre la mise en œuvre de ce programme et la signature des Accords de partenariat économique (APE) ?

S.S.T. : Oui et non. Le "non" est plus important que le "oui". Parce qu’une entreprise quelconque a toujours besoin de se remettre en cause pour s’adapter aux évolutions. Et je constate qu’avec ou sans les APE, nous avons besoin d’une remise en cause de nos façons de gérer nos entreprises au quotidien. Maintenant oui avec les APE parce que ceux-ci consistent à l’ouverture de nos marchés aux produits manufacturés. Si nous sommes incapables de proposer des produits manufacturiers sur nos propres marchés, nous serons simplement inondés par les autres.

Il y a essentiellement l’exemple des jus de fruits. Il y a de cela quelques années, on avait du jus importé sur le marché jusqu’à l’année 2007. Maintenant, nous produisons actuellement des jus. Et le cas de DAFANI est parlant. Le programme, en lui-même, est en rapport avec les APE parce que la libéralisation suppose que vous soyiez compétitifs chez vous afin de pouvoir le faire sur d’autres marchés.

S. : Quels sont les rapports entre le programme et la chambre de commerce d’une part et avec l’UEMOA d’autre part ?

S.S.T. : La mise en œuvre du programme au plan national est passée par deux phases. On a d’abord créé le comité national de pilotage qui comportera des représentants du secteur privé et du secteur public. Les deux partenaires ont décidé de mettre le bureau de restructuration et de mise à niveau au sein de la Chambre de commerce. Ce bureau est le seul des huit à être logé à la Chambre de commerce. Ce qui a un double avantage. Parce que la Chambre de commerce est le porte-parole du secteur privé.

En logeant le bureau au sein de la Chambre de commerce, on a réglé deux choses à la fois. A savoir la question du personnel parce que c’est la compétence de la Chambre de commerce qui est mise à la disposition du bureau. Le deuxième avantage est le fait d’intégrer le bureau au sein d’une structure déjà pérenne qui va travailler à s’inscrire dans le cadre de ses activités, la pérennisation de ce programme. Le programme est d’abord régional qui a pour vocation de travailler avec le secteur privé et communautaire. Et l’UEMOA a initié le programme, et va le mettre en œuvre. Cela va permettre aux différents pays d’initie leurs propres programmes. On reçoit les financements de l’UEMOA pour la phase pilote. Il y a aussi les outils techniques à travers l’UEMOA pour la phase pilote.

S. : Quel est le niveau d’exécution du programme au Burkina Faso ?

S.S.T. : Au jour d’aujourd’hui, certains pays avaient souligné trois choses majeures à faire que nous devions exécuter pendant cette phase pilote. Il s’agit d’abord d’identifier les entreprises à accompagner pour la phase pilote.

Ce qui a été fait au Burkina Faso.
Il reste le diagnostic stratégique à faire pour lequel nous sommes en retard. Cela n’est pas de notre faute parce que la mobilisation des compétences techniques pour réaliser les enjeux stratégiques.
Secundo, on devait pendant cette phase qui prend fin en février 2005, commencer l’élaboration des programmes nationaux. On vient d’enclencher le processus qui ne finira pas avant la fin de ce mois parce que les consultants nous l’ont dit, la validation du programme national est prévue à la fin du premier semestre de l’année. Tertio, il y avait un travail à faire dans l’élaboration des outils de financement.

Là aussi, on est aussi en retard. On espère le commencer avant la fin de ce trimestre. En gros, on a un niveau d’exécution fort intéressant mais nous avons quand même des retards liés au fait que le partenariat entre l’UEMOA et l’ONUDI nous oblige au niveau des Etats à aller au rythme où l’ONUDI et l’UEMOA peuvent mettre à notre disposition un certain nombre de choses. Parce que les compétences techniques nous sont mises à disposition par l’UEMOA et l’ONUDI et aujourd’hui, nous ne les avons pas toutes.
Si non, le travail qu’on avait à faire, nous l’avons accompli du mieux que nous pouvons. Sur le plan régional, nous ne sommes pas parmi les derniers.

S. : Quand interviendra la fin du programme et quelles sont les perspectives de sa pérennisation ?

S.S.T. : Normalement la phase pilote doit être clôturée à la fin de ce mois. Ensuite, il faudra ajouter trois ans encore. Donc jusqu’en 2012 pour le programme régional UEMOA. Cela ne veut pas dire que la restructuration ou la mise à niveau va disparaître de notre vocabulaire à la fin de ce programme. C’est pour cela on est en train d’élaborer des programmes nationaux pour prendre le relais du programme communautaire. La mobilisation des acteurs de l’industrie est nécessaire.

Parce que le programme n’aura de raison d’être que si les industriels s’impliquent réellement dans son élaboration. Jusque-là, dans nos pays, souvent des stratégies de programmes, des projets sont élaborés tout en oubliant les acteurs.
Ou même quand on les implique, on le fait pour la validation. Pour la démarche, on souhaite véritablement que les entreprises industrielles s’investissent dans l’élaboration. On souhaite qu’elles s’approprient tout le processus dès maintenant. Nous avons répété cela au président du comité de pilotage. L’autre aspect est l’accompagnement que nous attendons de nos partenaires au développement. Parce que notre industrie est véritablement à la croisée des chemins.

Elle a besoin que l’on puisse l’accompagner pour se structurer afin de relever les défis de la mondialisation. Pour cela, nous avons besoin que nos partenaires nous fassent confiance en apportant les compétences techniques et les ressources lorsqu’elles feront défaut pour que nous puissions constituer un tissu industriel à même de répondre aux besoins de la concurrence au moment de l’ouverture du marché.

Interview réalisée par Rabankhi Abou Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr) et Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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