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Tour du Faso : Dernière participation A.S.O ?

Publié le jeudi 30 octobre 2008 à 11h06min

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Ce matin-là, Cédric Noël se demande pourquoi les tournesols applaudissent le long de cette route du Burkina Faso. Il est à peine 10 heures du matin, il fait déjà 35 degrés et le soleil est intraitable. Sur son vélo, à 42 km/h, le jeune coureur isérois transpire des rivières. Puis le mirage se dissipe.

Les tournesols sont... des écoliers, coiffés d’une casquette jaune, un sac jaune en bandoulière. La caravane publicitaire est passée par là. La caravane ? Une seule voiture, celle du Crédit lyonnais, qui, avant l’étape, distribue des gadgets à ses couleurs directement dans les classes.

Du 24 octobre au 2 novembre, le Burkina Faso, petit pays de 13 millions d’habitants, coincé entre le Mali et le Niger, accueille la course cycliste la plus importante du continent : le Tour du Faso. Créé en 1987, il en est à sa 22e édition. 1 229,5 kilomètres, dix étapes, quatorze équipes, 82 coureurs. Européens, Maghrébins, Subsahariens s’affrontent sur des routes qui se perdent au milieu de la brousse.

Sur ces étroites chaussées "foutues" ou "gâtées", comme disent les chauffeurs, les coureurs apprennent à esquiver les nids-de-poule, creusés comme des cratères, tout en se méfiant des voitures des directeurs sportifs, pressés d’apporter de l’eau à leurs ouailles. Ils slaloment entre les poids lourds laissés à l’abandon ou arrêtés en double file par les gendarmes, le temps que le peloton passe. Dans les villages, des centaines de Burkinabè se massent pour applaudir les cyclistes. Sur les chemins, aussi plats que la paume d’une main, des familles - des paysans, des enfants au ventre gonflé, des femmes, la poitrine parfois nue - quittent leur case en terre, leur champ de mil ou leur troupeau pour encourager ces mangeurs de goudron : "Allez les toubabs !" ("les Blancs", en wolof), entend-on.

Tous les Européens sont des amateurs, parfois en passe de devenir professionnels. "La course doit être la plus équilibrée, explique Laurent Bezault, directeur de l’épreuve. L’idée est de permettre aux coureurs africains de progresser." Les "toubabs" et leurs vélos en carbone, face aux équipes nationales africaines et à leurs montures d’acier épuisées.

Mais l’essentiel est ailleurs : grâce au cyclisme, ces athlètes africains voyagent et courent à travers leur continent, mangent mieux et gagnent un peu d’argent. Ils enragent, surtout, contre leurs gouvernements, qui ne pensent qu’à financer le football.

"Nos vélos peuvent être deux fois plus lourds que ceux des Européens", raconte en souriant le capitaine de l’équipe nationale du Sénégal, Abdoulaye Tiam, 34 ans. Soudeur, plusieurs fois champion de son pays, il a commencé sa carrière, il y a dix-neuf ans, en fabriquant lui-même son vélo. "J’avais découpé les pieds de bureaux d’écolier", se souvient-il.

Gants usés, maillots fatigués, la panoplie des coureurs est à l’avenant... Certains, curieusement, portent des couvre-chaussures. Habituellement utilisés en hiver pour réchauffer le pied, ils servent ici à le maintenir dans le soulier, histoire de palier le rôle des lacets, qui n’ont plus la force de le faire. "Pros" du rafistolage, les mécaniciens s’attellent à maintenir en vie des vélos parfois trop petits pour les coureurs. "Difficile de faire des résultats, résume Tega Martinien, 28 ans, capitaine du Cameroun. Et un vélo de compétition, c’est trop cher." Jusqu’à 2 millions de francs CFA (3 050 euros), quand le salaire minimum est de... 20 000 francs CFA (30 euros).

LE "DER DES DERS"

Depuis 2001, c’est Amaury Sport Organisation (ASO) qui assure la grande partie de la logistique de l’épreuve. En huit éditions, la société organisatrice du Tour de France a su "professionnaliser la course", juge le ministre des sports du Burkina Faso, Jean-Pierre Palm. L’étape part à l’heure, les coureurs ont leurs trois repas par jour, un lit pour se reposer la nuit...

Si le village étape n’a pas d’hôtel, un bivouac est monté. Ambiance club de vacances : les équipes dorment les unes à côté des autres sous des tentes, les tenues sèchent sur les arbres, on se prête les masseurs... Plus de 300 personnes se dévouent, chaque jour, à la course.

"Lorsque l’Etat burkinabè est venu nous chercher, en 2001, la course avait un niveau régional, maintenant c’est national", raconte fièrement Laurent Bezault, directeur de l’épreuve. Le Faso se court désormais sous l’égide de l’Union cycliste internationale (UCI). L’enjeu est donc important pour les pays africains. "On ramasse des points pour se qualifier pour les championnats du monde et les Jeux olympiques", explique Aziz Mahdi, directeur sportif de l’équipe nationale de la Libye.

La Sierra Leone n’a pas une telle ambition. Pour sa première participation, l’équipe est partie en voiture, de Freetown à Ouagadougou. Près de trois jours de routes, sans carte. "On s’est perdus", s’amuse le directeur sportif, Klinston Crousther. Il aligne quatre coureurs. Normalement, c’est six par équipe, mais la seconde voiture est tombée en panne au moment du départ. "On s’est serrés et on a préféré prendre notre mécanicien", raconte M. Crousther. Pour cette course, pas de vélos de rechange, juste deux paires de roues en "extra".

Ses coureurs, payés 115 dollars (93 euros) chacun pour cette épreuve, collectionnent les dernières places au classement. A la sixième étape, le "der des ders", Mansaray Saidu, 28 ans, agent de sécurité dans la vie, accumulait deux heures quarante-sept de retard sur le maillot jaune, un Belge. "Je veux finir le Tour", assure-t-il. Sur le goudron, loin du peloton, il est seul face aux voitures qui foncent à contresens.

Mustapha Kessous


Une course à la recherche de partenaires

"Nous avons encore besoin de vous pour pêcher", clame, dans un micro saturé, le ministre des sports du Burkina Faso, Jean-Pierre Palm. La présentation des coureurs du 22e Tour du Faso, le 23 octobre, s’est transformée en un cri du coeur destiné aux responsables d’Amaury Sport Organisation (ASO).

La société propriétaire du Tour de France s’occupe, depuis 2001, de coorganiser l’épreuve africaine, avec l’Etat burkinabé et la fédération de cyclisme du pays (FBC). Mais ASO s’interroge. "Nous allons vers un désengagement, reconnaît le directeur adjoint de la société, Jérémy Botton. Mais nous ne partirons pas d’un seul coup." ASO, qui cherche de nouveaux partenaires, finance les quelque 500 000 euros que coûte la course, et perd entre 50 000 à 150 000 euros selon les années. Le sponsor principal, le Crédit lyonnais, qui n’est pas implanté au Burkina Faso, va tirer sa révérence dès 2009.

Ce Tour est un précieux coup de projecteur sur un des Etats les moins développés au monde : 176e pays sur 177, en 2007, selon le classement du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). "Cette course nous aide économiquement et politiquement", se réjouit Simon Compaoré, maire de Ouagadougou. Dans les rues, des artisans confectionnent plus de vélos en fil de fer. "D’habitude, j’en fais 50 par mois, mais pour les dix jours du Tour, j’en fabrique 300", raconte Ibrahim Koanda.

Si ASO s’en va, la société n’aura plus de compétition en Afrique. Le Dakar, qui lui appartient, vient, pour des raisons de sécurité, de trouver asile en Argentine. "Si ASO veut partir, je ferai en sorte qu’il ne le fasse pas, quitte à envisager un petit coup de pouce financier du gouvernement", confie Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la coopération. "On a appris beaucoup grâce aux Français, mais on ne va pas se faire assister ad vitam aeternam", tempère le maire de Ouagadougou.

Mustapha Kessous

www.lemonde.fr

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