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Manifestations de la vie chère : Des prix qui flamment

Publié le vendredi 30 mai 2008 à 12h27min

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Le marché du commerce a connu en 2008 des variations importantes notamment au niveau des prix des produits qui ont augmenté de manière brusque. La flambée des prix des denrées alimentaires surtout a provoqué des remous sociaux avec des manifestations souvent violentes. Plusieurs Etats en l’occurrence ceux d’Afrique qui sont les plus touchés par la crise alimentaire ont pris des mesures visant à faire baisser les prix afin de calmer la grogne sociale. Le Burkina Faso n’a pas échappé à la vague de la hausse des prix et de ses corollaires.

L’année 2008 a été marquée au Burkina Faso par une augmentation spécifique. Courant janvier, les prix des produits de grande consommation, comme le riz, le savon, l’huile, le sucre, le lait, les pâtes alimentaires, etc, ont explosé. Le savon qui se vendait l’année précédente à 150 F CFA la boule est cédé aux clients à 250 F CFA soit une augmentation de plus de 50%. Le litre d’huile de 750 F est vendu à 950 F. Les prix ont évolué en dent de scie. Normaux pour certains, stationnaires ou croissants encore pour d’autres. Le riz surtout s’est inscrit dans cette dernière catégorie. Selon les qualités disponibles, le prix du sac de 50 kg a évolué de 11 500 F à 22 500 F. Les statistiques de l’Union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA) ont montré que, entre les mois d’avril et de mai 2008, le niveau général des prix a augmenté de 0,5% (voir tableau) 1 contre 0,4% au mois d’avril. Une hausse imputable à la progression du niveau des prix des produits alimentaires consécutive au rebondissement des prix des céréales non transformées de 9,2%. Au regard de la provenance des produits, la tension sur les prix au cours du mois de mai pourrait s’expliquer par le fait que les produits sont importés : le riz, le sel, l’huile, le sucre, etc.

La fièvre de la flambée des prix des denrées alimentaires a aussi touché d’autres pays de la sous-région Ouest africaine. Parmi ceux-ci la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Liberia, la Sierra Leone, le Sénégal etc. On a noté une augmentation du prix du riz de 50% en Centrafrique et en Côte d’Ivoire au mois d’avril 2008. Pour le même produit, le Cameroun affichait 39% de hausse.

Dans l’espace Ouest africain à la même période, le niveau général des prix en avril 2008 a augmenté de 0,9% (tableau 1) et cela s’explique essentiellement par le renchérissement des produits alimentaires dont les céréales, des services de logement et ceux des transports. Rapporté à l’année 2007, l’inflation a progressé de 5,7% à cause de la hausse des prix de l’ensemble des produits de consommation, à exception faite des services de communication et des loisirs. Les produits alimentaires ont glissé de 11,9%, les articles de ménage de 5,5% et les transports de 3,5% (tableau 2). Les plus fortes hausses ont été enregistrées au Mali, au Niger, en Guinée Bissau et au Burkina Faso avec respectivement 9,4%, 8,6%, 8,3% et 7,7%. Le rapport des prix à la consommation au sein de l’UEMOA montre que tous les pays de la zone Ouest africaine ont enregistré un taux d’inflation inférieur à la norme communautaire à l’exception du Sénégal, de la Guinée Bissau et du Mali avec 5,8%, 5,7% et 3,1% respectivement. Le taux d’inflation a été compris entre 2,0% et 2,8% pour les autres pays (tableau 3).
Hors d’Afrique les prix des produits alimentaires ont également grimpé, notamment en Asie précisément en Thaïlande où la tonne de riz est passée de 200 000 F CFA à 500 000 F CFA, soit une hausse de 150%. Selon une étude de l’UNESCO, les prix des céréales telles que le blé et le soja ont progressé depuis mars 2007 de 130% et de 87%, respectivement.

L’explosion du prix du baril de pétrole

Les augmentations de prix, les plus visibles concernent les produits alimentaires. Cependant d’autres hausses de prix non moins importantes sont intervenues au cours des cinq dernières années et se sont surtout fait ressentir cette année. Le prix du baril de pétrole principalement a connu une envolée jamais égalée dans l’histoire. De 40 dollars US il a franchi successivement, 75, 80, 90 et 100 dollars US. Et le prix de cette énergie continue toujours de progresser. Le 25 mai 2008 il se situait à plus de 130 dollars. Le coût de plus en plus élevé de l’or noir, la première source d’énergie dans le monde, a augmenté les charges ou la facture de ses utilisateurs. En effet, tous les produits dont la fabrication nécessite l’utilisation du pétrole ou de ses dérivés ont enregistré une augmentation de coût de production à cause de la variation vers le haut du prix de l’énergie. "L’évolution du cours du pétrole, ces trois dernières années, a eu un impact très important sur les coûts de production de l’électricité", ont déclaré des responsables de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL).

Cela ont-il expliqué, parce que cette production est à majorité thermique c’est-à-dire à base d’un combustible proche du gasoil appelé DDO et du fuel. Le gouvernement a consenti en 2006 à une augmentation des tarifs de l’ordre de 12,6%, assortie d’un relèvement de la subvention sur les hydrocarbures utilisés pour la production de l’électricité afin de répondre aux besoins d’investissement. Selon la présidente de la Fédération des industries agroalimentaires, Simone Zoundi, les coûts de production des produits agro alimentaires ont augmenté avec la hausse du prix de l’énergie et des matières premières sur le marché.

Les frais de transport sont passés de 30 000 F CFA/t à 36 000 F/t. Les frais de transport maritime ont subi un accroissement de 40%. L’explosion du prix du baril de pétrole qui a été le détonateur des augmentations de prix sur le marché des biens et services s’est répercutée sur différents secteurs économiques à l’effet boule de neige. Le secteur du bâtiment et des travaux publics par exemple a ressenti les variations des prix. Le directeur général de l’entreprise Wendpouiré, Omar Yugo tire sur la sonnette d’alarme en affirmant que le BTP est en souffrance du fait des coûts de plus en plus élevés des matériaux de construction. Le ciment qui était vendu à environ 5 000 F le sac, se vend actuellement (mois de mai) au prix de 7 000 F CFA. "60 à 80% des constructions se font sans architectes et le secteur du BTP est en voie de apauvrissement", a déploré M. Yugo.

La grogne sociale

La hausse des prix mondiaux a suscité des crises sociales sur presque tous les continents : Haïti, Croatie, Cameroun, Birmanie, Bangladesh, Burkina etc. Manifestations et grèves ont essentiellement caractérisé les crises. En Côte d’Ivoire, les femmes ont manifesté le 30 mars 2008. Elles ont bloqué la circulation sur l’autoroute du Nord à Abidjan. Leur mouvement a touché plusieurs quartiers de la ville. Les forces de l’ordre sont intervenues. Plusieurs personnes ont été blessées dont l’une a perdu la vie. Les manifestations contre la hausse des prix au Cameroun ont été plus violentes, où une quarantaine de Camerounais ont été tués lors de la répression des manifestations qui n’avaient pas été autorisées par les pouvoirs publics. Matraques et gaz lacrymogènes ont dissuadé les animateurs d’un mouvement similaire au Sénégal.
La grogne sociale a retenti aussi au pays des Hommes intègres.

Des manifestations ont éclaté dans la capitale économique, Bobo-Dioulasso. Un mouvement de protestation des commerçants contre l’augmentation des taxes et impôts a dégénéré le 20 février 2008, en actes de vandalisme sur des édifices et infrastructures des services publics. Les manifestants ont détruit des véhicules de l’Etat qu’ils trouvaient sur leur chemin. Une semaine après, soit le 28 février 2008, un débrayage non autorisé est décrété par le président d’un parti d’opposition, Nana Thibault. "Ville morte, marchés, stations, bars, restaurants commerce, toutes activités économiques doivent être arrêtées", a demandé Nana Thibault. Mais l’appel ira au-delà de ses objectifs. Dans plusieurs quartiers de Ouagadougou, des groupuscules de mécontents s’en sont pris aux édifices et infrastructures publics. Les biens privés sont pris pour cibles, détruits, pillés ou saccagés malgré le déploiement des forces de l’ordre. Le 12 mars 2008 le meneur du débrayage M. Thibault est condamné à trois ans de prison ferme. 44 autres personnes écopent de peines d’emprisonnements comprises entre un et douze mois. Banfora, Ouahigouya, Dédougou et d’autres villes ont enregistré également des troubles.

Le relèvement des salaires

Le 15 mars 2008, les organisations syndicales et les associations de la société civile battent le pavé et donne de la voix, mais de manière pacifique. A l’issue d’une marche à travers différentes artères de la ville de Ouagadougou, ils ont réclamé entre autres le relèvement des salaires et pensions des travailleurs de 25%, la réduction des prix des produits de grande consommation comme le riz, le sel, le maïs, le haricot, etc et celui des taxes sur les produits pétroliers. Les marcheurs ont demandé la baisse de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) et les taxes qui frappent les petits commerçants et artisans. Ils ont revendiqué la suppression de la TVA sur les prêts bancaires.
Le mois suivant, une grève de 48 h est lancée (les 8 et 9 avril) sur toute l’étendue du territoire burkinabè. Les mêmes revendications sont reconduites. Plusieurs services publics fonctionnent au ralenti, le trésor, les télécommunications, les services de santé et la poste.

L’Université de Ouagadougou et les principaux lycées publics sont demeurés fermés en raison de la grève. Selon le porte-parole des syndicats, Laurent Ouédraogo, le taux de participation se situe entre 70 et 89%. "Au deuxième jour, nous pouvons dire que le mot d’ordre a eu un grand impact puisque la plupart des services publics, des sociétés et même certains commerces sont fermés", a affirmé M. Ouédraogo. "Les services ont fonctionné normalement", a soutenu de son côté à la TNB le secrétaire général du ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, Youssouf Ouattara. Il dira que 80% des effectifs de la fonction publique se sont rendus sur leur lieu de travail. Insatisfaits des réponses du gouvernement les syndicats repartent encore en grève au mois de mai 2008. Ils arrêtent le travail les 13, 14 et 15 mai. Meeting et marche sont organisés le 14 mai (deuxième jour de la grève).

Séraphine SOME
serasome@yahoo.fr

Sidwaya

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