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Celestin TIENDREBEOGO, DG de la Sofitex : “C’est un faux débat dans notre pays que d’opposer cultures vivrières et cultures de rentes, surtout le coton.”

Publié le mardi 27 mai 2008 à 10h20min

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Après la tenue des forums de commercialisation pour la campagne 2007 - 2008, le Directeur général de la Sofitex, Celestin TIENDREBEOGO tire le bilan de ces rencontres avec les cotonculteurs tout en affichant un optimisme quant à l’avenir de la filière.

Monsieur le DG, la SOFITEX vient de boucler ses traditionnelles rencontres avec les cotonculteurs. Quel bilan faites-vous de ces rencontres ?

Célestin TIENDREBEOGO (CT) : Nous sommes satisfaits de la tenue de ces rencontres, qui, pour la première fois, ont été décentralisées. Jusqu’ici les forums se déroulaient dans les chefs-lieux des provinces, mais pour cette fois-ci nous avons été jusque dans les chefs-lieux de département. Nous avons même été dans des villages.
De ce point de vue, nous ne pouvons qu’être satisfaits. Un bilan synoptique rapide donne des chiffres suivants à titre d’exemple sur les 1.694 villages qui étaient concernés, 1.620 ont répondu présents soit plus de 95%. Le taux de participation des Groupements de producteurs de coton (GPC) est très satisfaisant, sur les 6.183 GPC qui ont été invités nous avons 5.443 GPC qui ont répondu présents. Cela représente 88%. Une fois à la base, ils vont organiser des assemblées générales pour des comptes rendus puisqu’ils sont venus comme des représentants.

Au total 104.163 producteurs ont pris part aux forums au nom de ces GPC ! Il y a eu 2.445 interventions dont celles des organisations partenaires, telles que les réseaux des caisses populaires, la BACB…, qui étaient tous là. Au niveau des unions des producteurs de coton, les agents SOFITEX ainsi que les conseillers et l’administration à travers les préfets, les hauts-commissaires… étaient aussi présents. Nous avons le bilan de toutes ces participations et de ce point de vue, nous ne pouvons qu’être satisfaits de ces forums. La présence des médias a été aussi un apport important car elle a permis à l’ensemble des producteurs d’être informé des mesures qui ont été prises. Cela a été pour nous un facteur de satisfaction à ce niveau.

Avez-vous eu l’impression que votre message est passé ?

CT : Nous pensons que le message porté à la connaissance de tous les producteurs a été bien compris. Que ce soit le prix du coton, que ce soit le prix des intrants et de toutes les mesures que nous voulons prendre. Je crois que ces messages ont été entendus. Mêmes ceux qui ne sont pas venus au forum, tout le monde ne pouvait pas être là, pourront avoir le compte rendu de leurs délégués tout comme ils ont pu être informés par le biais de la radio rurale, de la télévision et de la presse écrite. Je pense qu’à ce niveau, l’information est passée. Maintenant comment chacun va les apprécier est un autre processus. Il y a certains qui peuvent ne pas être satisfaits du prix du coton qui est annoncé, ni du prix des intrants. Ils auraient souhaité obtenir des prix supérieurs à ce qui est annoncé ou des prix des intrants qui baissent. Je crois qu’à ce niveau ce sont des appréciations personnelles. Mais dans l’ensemble je pense qu’il y a eu une certaine adhésion au niveau du message et de toutes les mesures que nous avons eues à prendre. Il faut dire que la campagne de cette année est meilleure à la campagne devancière tant au niveau du prix du coton que des intrants. Le prix des intrants est resté stable, mais quand on connaît le prix de ces intrants sur le marché (60% de hausse, en deux ans), il va sans dire qu’il y a un effort qui a été fait par le gouvernement et que la SOFITEX a répercuté entièrement.

Je pense que les producteurs évoluent aussi dans un contexte où ils peuvent comparer les prix de ces intrants avec ceux pratiqués ailleurs. Leurs organisations faîtières sont en relation avec d’autres organisations et ils peuvent vraiment apprécier l’effort qui a été fait.

Lors de ces rencontres, les problèmes des retards de paiement et d’enlèvement du coton sont revenus sur le tapis. Qu’est-ce qui explique cela et avez-vous les solutions ?

CT : Nous avons des synthèses et c’est sur la base de celles-ci que nous travaillons. Chacune des 18 équipes a produit un rapport avec des statistiques précises sur toutes les interventions et les préoccupations des producteurs. Tout a été pris en compte. Le payement du coton, représente près de 18% des interventions ; le prix d’achat du coton a concerné 9% ; les impayés externes et internes 9% ; la mise en place des intrants 8% ; le conditionnement 8% ; la contribution des producteurs, c’est-à-dire les conseils et autres 7% ; l’évacuation, la protection phytosanitaire 5% et l’aliment bétail 4% des préoccupations ; les semences cotonnières 4%, le prix de cession des intrants agricoles 3% ; les OGM 2% ; etc.

Ces statistiques, donnent une idée des préoccupations qui ont été exprimées. Ça nous permet de connaître toutes ces données et de pouvoir hiérarchiser les préoccupations. Pour ce qui est des retards, il faut reconnaître qu’il y a eu un retard par rapport aux années passées. C’est à partir du mois de novembre et au plus tard décembre que nous payions d’habitude le coton. Mais cette année, la saison n’a pas été fameuse. Il y a eu des semis tardifs et la récolte aussi s’est décalée. Pour nous, l’évaluation aussi a été décalée. Au lieu de septembre pour envoyer le dossier aux banques, c’est en novembre qu’on a pu le faire.

Tout est parti du retard de l’installation de la saison qui s’est faite en juillet et non en mai-juin comme on le faisait.
Ce décalage s’est répercuté sur l’ensemble de toute la saison ce qui a amené des retards de payement. C’est donc légitimement que les paysans ont posé beaucoup de questions là-dessus.
Nous avons pris acte et nous nous sommes expliqués. Pour les années à venir nous souhaitons avoir une saison normale pour nous permettre d’envoyer les dossiers à temps au niveau des banques.

165F le kilogramme de coton graine. Certains producteurs n’ont pas hésité à dire que la SOFITEX peut mieux faire. Comparativement aux prix pratiqués dans la sous-région, n’ont-ils pas raison ?

CT : Il y a un mécanisme qui a été mis en place, pour nous permettre de fixer ce prix. Nous ne voulons pas des prix qui soient démagogiques, complètement déconnectés du marché. Nous avons eu, de par le passé, des systèmes de fixations et ces systèmes nous ont amené des déficits énormes. Je pense qu’on repart sur de nouvelles bases parce que les anciens systèmes ont créé des difficultés pour les campagnes passées. L’Etat a dû intervenir pour recapitaliser. Ça veut dire quand même qu’un effort a été fait parce que nous avons réussi à éviter l’impasse. Persister aurait été comme si on vous délivre et vous repartez encore dans le même piège. Ce n’est pas responsable.
Nous avons pensé qu’il fallait un système de fixation des prix plus réaliste et objectif. Mais il faut savoir que les producteurs reçoivent 60% quand même du chiffre d’affaires de la vente. Il y a peu de sociétés au Burkina Faso ou dans le monde qui peuvent rémunérer leurs producteurs à 60%.

Si quelqu’un connaît une société industrielle ou commerciale qui peut rémunérer ses travailleurs avec 60% de son chiffre d’affaires qu’il me le dise.
Il y a 40% qui reste au niveau de la SOFITEX pour les amortissements de nos machines parce que ce sont des usines et il faut investir ; pour les emballages, les consommables, le transport du coton ; les fournisseurs, les assurances, les salaires du personnel de la SOFITEX, (seulement 5%) les impôts, etc.
Voilà un peu comment elle est faite la répartition. Elle montre que peu de personnes peuvent nous critiquer tant au niveau national qu’international.

Pour la campagne à venir, comment se présente la situation sur le marché mondial du coton ?

CT : Nous avons une tendance qui est haussière parce que toutes les matières premières agricoles ou non agricoles connaissaient des hausses. Au cours des trois dernières années seuls le coton et le sucre étaient à la traîne à cause d’une surproduction qui est faite au niveau international.
La demande augmentait mais la production aussi ; or, vous n’êtes pas sans savoir que 35% des superficies cotonnières dans le monde sont à base d’OGM ; ce qui a amélioré les rendements parce qu’il y a eu des biotechnologies dans le domaine de l’agriculture et dans le domaine du coton en particulier.
Ces dernières années nous avons constaté qu’il y a eu la crise aux Etats-Unis où il y a une méfiance des investisseurs à aller dans l’immobilier. Deuxièmement, au niveau de la bourse, il y a des difficultés. La bourse connaît des perturbations et les investisseurs ne voulaient plus amener leurs fonds là-dedans. Troisièmement la baisse du dollar US. Tous ces 3 facteurs ont amené plus ou moins à ce que les fonds d’investissements se déversent dans les matières premières dont le coton.

Par ailleurs, alors que les autres matières premières connaissaient des augmentations notamment au niveau des céréales, dans certains pays tels que les Etats-Unis on a réduit les superficies cotonnières au profit du maïs en vue de la production d’éthanol. Les superficies cotonnières ont baissé de 26% aux Etats-Unis. Pour la campagne qui va commencer, les spécialistes prévoient des baisses de l’ordre de 20 à 25% de superficie du coton au profit des superficies de maïs. Autant d’éléments qui ont expliqué que les prix du coton ait pu connaître une telle envolée. Mais nous autres de la zone Franc souffrons du taux de change parce que les prix sur le marché international sont fixés en dollar US. Aujourd’hui nous avons pour la prochaine campagne, l’échéance de mars, autour de 80 cents la livre de coton. La livre étant sensiblement égale à 480 grammes de coton, c’est vraiment important.

A titre d’exemple, en 2001, on était à près de 45 cents la livre, un prix qui était même descendu jusqu’à 35 cents à des moments donnés. Donc un kilogramme de coton valait environ un dollar. Le dollar était à l’époque à 750 FCFA. Donc le kg de coton oscillait autour de 750 FCFA. L’année passée, le kilogramme de coton pouvait atteindre 1,60 dollar. Pendant la même période le dollar était à 400 FCFA, ce qui veut dire que le kg de coton revenait à environ 640 FCFA.

Le prix du coton a augmenté, mais la valeur du dollar ayant chuté, les pays membres de la zone du CFA se retrouvent avec leur coton qui s’achète moins bien. En effet à partir du moment où le dollar est faible, nos gains s’en ressentent. C’est un exemple théorique, mais qui se rapproche de la réalité. Voilà un de nos gros problèmes !
Pour la campagne en cours, on a pu vendre au-delà de 640F le kg, environ 687F. Nous pensons que pour la campagne à venir la tendance sera encore à la hausse. A ce niveau, cela peut nous permettre d’espérer. Mais si le niveau du dollar était ce qu’il était en 2001, on vendrait à plus de 1 000F le kg. Spéculons un peu pour voir : si le dollar est à 750 FCFA avec 1,60 dollar le kg nous aurions eu, 1 200 FCFA le kg et comme nous avons des coûts de productions qui sont autour de 650 FCFA notre bénéfice aurait été de 550 FCFA. Avec le niveau de notre production, nous aurions pu faire plus de 120 milliards de FCFA de marge bénéficiaire comparée à notre niveau de production de 2006. Les producteurs se seraient retrouvés directement avec 72 milliards de FCFA ! Imaginez 72 milliards de FCFA dans nos campagnes par ces temps de vie chère !

Les producteurs vous demandent aussi des engrais pour les céréales. Comment allez-vous faire ?

CT : Les engrais du coton sont déjà détournés sur les céréales. Ils le font ! Ils expriment leurs besoins en intrants pour le coton, mais une partie va directement sur les céréales. C’est le coton qui est la locomotive. Par exemple le matériel agricole est acquis sur crédit qui doit être payé par le coton, et va dans toute l’exploitation.
Contrairement à ce que certains pensent, il n’existe pas des producteurs de coton et des producteurs de céréales. Ce sont les mêmes producteurs qui font le coton, les céréales, le niébé, le sésame… L’exploitation est affectée aux différentes cultures selon les attentes du producteur. Mais c’est le coton qui doit payer tous les équipements.
De ce point de vue, c’est une préoccupation légitime. Mais aujourd’hui c’est le système coton qui peut fournir des crédits intrants et dans un contexte de vie chère, il faut qu’on essaye de voir comment arriver à améliorer la productivité car c’est à ce niveau que nous pouvons agir véritablement. D’ailleurs des bailleurs montrent qu’il faut augmenter la productivité. On est conscient qu’on ne peut pas augmenter à l’indéfini les superficies du fait des risques d’avoir une trop forte pression sur l’environnement. Et si on doit augmenter la productivité il faut que la politique du crédit soit repensée. C’est vrai que la filière céréalière n’étant pas organisée comme celle du coton, les paysans ont du mal à obtenir des crédits intrants. Naturellement c’est un risque de donner un crédit parce que le maïs par exemple n’étant pas commercialisé par la structure qui a octroyé le crédit, celle-ci peut avoir d’énormes difficultés à rentrer dans ses fonds. Il faut donc organiser les filières céréales pour permettre cela.

La campagne écoulée a découragé de nombreux producteurs qui ont préféré faire autre chose que le coton. Quel a été votre message à l’endroit de ces derniers ?

CT : Il faut que nous nous expliquions. Il y a des producteurs qui sont endettés et le prix de 145F le kilogramme a dû les décourager.
En effet, il y en a qui doivent aux institutions de crédit et qui se doivent entre eux du fait des dettes intérieures à leurs structures. Certains ont échoué dans leur plan de campagne et ce sont d’autres qui se sont substitués à eux pour payer la dette à cause de la caution solidaire. Ça veut dire que la production à venir, ils doivent produire pour rembourser ces producteurs internes qui ont supporté leurs crédits et éventuellement en plus leurs dettes extérieures. Ces producteurs peuvent estimer qu’à 145F le kg, ils ne pourront pas réajuster leurs comptes. Ça veut dire que la culture du coton n’était plus rentable pour eux et c’est à juste titre qu’ils se sont découragés et ont voulu essayer autre chose. Il s’agit de ceux qui étaient fortement endettés, des GPC fortement endettés et des GPC à l’intérieur desquels le mécanisme de la caution solidaire a entraîné d’énormes difficultés financières. Ils se sont retournés vers les cultures céréalières, le maïs notamment. Comme ils n’ont pas eu d’intrants parce que nous n’en donnons qu’à ceux qui font le coton et en plus de la sécheresse qui a eu lieu, la majorité n’a pas pu tirer son épingle du jeu. Ils se retrouvent donc avec davantage de difficultés. Nombre d’entre eux ont dû revendre à des prix dérisoires des biens acquis, voire même des outils de production pour subvenir à leurs besoins. Mais nous constatons qu’il y a une volonté de retour de la plupart de ceux qui n’avaient pas fait le coton.

L’Etat soutient la filière coton. Est-ce assez et dans quelles directions souhaiteriez-vous davantage de soutien ?

CT : Je pense que l’Etat a beaucoup fait pour la filière. C’est indéniable. C’est l’une des filières qui rapportent malgré les crises et c’est aussi l’une des rares où l’Etat est intervenu pour apporter un soutien en vue de lui permettre de pouvoir remplir ses missions. L’Etat a injecté 34 milliards pour la recapitalisation de la SOFITEX.
Il a payé sa part, la part des producteurs et celle de Dagris parce que cette dernière société a été défaillante. Je pense que c’est une bonne chose que l’Etat ait agi ainsi parce que le coton fait vivre environ 3 millions de Burkinabè soit le quart de la population de notre pays et ne pas le faire, équivaudrait à laisser ces millions de Burkinabè dans des difficultés avec l’exode rural et toutes les sortes de fléaux que nous connaissons.

Nous aussi, nous n’aimons pas être subventionné par l’Etat. Nous avons une filière organisée qui arrive à avoir des revenus. Vous constaterez que nous ne demandons pas toujours à l’Etat. C’est en 1992 lors de la crise, que l’Etat est intervenu pour l’équilibre de la SOFITEX avec 9 milliards. Les députés, je me souviens, étaient même venus dans la zone cotonnière pour annoncer la mesure qu’il fallait réduire le prix.
Il a fallu attendre 2007 pour que l’Etat revienne encore. La SOFITEX et la société cotonnière du Cameroun sont les seules sociétés africaines du coton qui n’ont pas eu à faire appel au concours de l’Etat pendant très longtemps. Je le rappelle au moins pour que certains de nos détracteurs le sachent. Par ailleurs, si on devait prendre les 34 milliards et les repartir sur les 15 ans on relativiserait un peu même si c’est beaucoup. D’autres acteurs reçoivent beaucoup plus sans que cela n’émeuve personne. Pour notre « défense » j’ajouterai que durant la même période, ce sont tout de même 1 400 milliards que la filière a eu à injecter dans l’économie.

La répartition de ces milliards s’est opérée de la façon suivante : 60% pour les paysans, 5% au niveau de la rémunération du personnel de la SOFITEX, 10% pour les transports, et puis le reste avec les emballages, les consommables, l’électricité, les investissements, etc. Pendant la même période, nous avons construit 16 usines à la SOTITEX pour plus de 80 milliards. Au 31 décembre 2008, il ne restera qu’une seule usine à rembourser, celle de Bondokuy. Malheureusement, les cours étaient mauvaises. Toutes les sociétés de coton ont perdu de l’argent. Nous en avons perdu et notre souhait est que les cours reprennent pour que nous puissions engranger plus de ressources et pouvoir venir en aide à l’Etat. Mais l’Etat a toujours appuyé la société. En 1992, il s’est mobilisé et en 2007 également. Il y a aussi des subventions que l’Etat octroie aux producteurs de coton. Soit 3 milliards chaque année. Pour la présente campagne cette subvention est montée à 6 milliards pour accroître la productivité.

Je pense que ces subventions sont une très bonne chose. C’est le prix des intrants qui va être pour nous la préoccupation. Aujourd’hui est-ce que les filières pourront se développer avec ce niveau des prix des intrants ?
Il y a une forte demande des intrants sur le marché international et je pense que les prix seront maintenus à ce niveau pendant au moins 2 à 3 années.
C’est vrai qu’il y a de nouveaux gisements d’engrais qui vont être exploités mais il y a le temps pour faire les investissements dans ces mines et les exploiter. Il faut donc se donner 2 à 3 ans pour que nous ayons une production abondante qui puisse jouer sur les prix.

Que répondez-vous à ceux qui opposent coton et cultures vivrières ?

CT : Ils n’ont qu’à prendre les statistiques de production dans les zones cotonnières par rapport aux statistiques dans les zones non cotonnières. Tenez ; si vous comparez des régions comme Gaoua, qui a plus de 1 200 millimètres d’eau par an avec une région comme celle de Dédougou qui n’a que 700 mm par an alors que celle-ci était excédentaire cela signifie que la pluie n’est pas un critère suffisant de la productivité.
Il faut certes la pluie et une pluie bien répartie en quantité dans l’espace et le temps, mais aussi autre chose. Il faut des intrants, de l’équipement agricole, un savoir-faire… Au niveau des producteurs de coton il y a quand même les intrants et l’organisation. Tout cela contribue à des rendements élevés au niveau de la zone cotonnière. C’est dans cette zone que vous trouverez des champs de maïs comme champs de brousse. Ailleurs les champs de maïs sont uniquement des champs de case pour pouvoir bénéficier de la fumure des ordures ménagères.

En zone cotonnière, on peut prendre la brousse pour faire du maïs parce qu’il y a de la fumure minérale pour pouvoir le faire.
Par la rotation et le détournement des engrais sur le maïs, nous arrivons aussi à des rendements de deux tonnes environ en zone cotonnière. Dans des régions comme le Kénédougou nous arrivons à près de 4 tonnes pour le maïs parce que dans cette région c’est presque 100% d’équipement agricole par rapport à des zones comme les Balé où c’est 50%. Donc, logiquement l’équipement joue également dans la productivité. C’est mon opinion. Mais malheureusement je constate qu’avec le problème de la vie chère, on a tendance à détourner le débat pour montrer que ce sont les cultures de rentes qui sont à l’origine de la pénurie alimentaire. Je ne pense pas que cela soit vrai.
A chaque fois que le coton a bien donné, on a constaté aussi une abondance au niveau des céréales et cela peut faire chuter les prix.

Prenons l’année dernière, je me rappelle qu’en début de campagne, en zone cotonnière les producteurs vendaient le sac de maïs à 3 500F.
Les faits sont là pour le prouver, chaque fois que le coton marche, il tire toutes les autres productions vers le haut et il y a des excédants, notamment pour les céréales. C’est mon sentiment par rapport à cela. Du reste sur l’ensemble des surfaces emblavées les superficies consacrées au coton en zone cotonnière s’étalent sur environ 30% seulement ; le reste c’est pour les autres spéculations. Les statistiques du ministère de l’Agriculture montrent qu’il y a 9 millions d’ha de terres cultivables au Burkina. Sur ces 9 millions de terres cultivables, il n’y a eu que 3 millions qui sont exploitées pour toutes les cultures. Le coton n’occupe que près de 15% de ces superficies. C’est donc dire que les terres existent. Il y a un potentiel qui existe et je pense, sans vouloir polémiquer avec qui que ce soit, que c’est un faux débat dans notre pays que d’opposer cultures vivrières et cultures de rentes, surtout le coton. A moins que ce ne soit le fait de l’ignorance de certains.

Pour la présente campagne, vous avez fixé la barre à 600 mille tonnes pour la zone SOFITEX. Qu’est-ce qui fonde cet objectif et n’avez-vous pas visé trop haut ?

CT : Nous avons déjà atteint ce niveau de production et nous l’avons même dépassé. En 2006, on a dépassé les 600 mille tonnes. Donc nous ne sommes pas idéalistes, parce que nous avons déjà réalisé ce niveau de production.
Deuxièmement ; le nombre de producteurs est supérieur à ce qu’il était en 2006 ; troisièmement l’outil qui avait atteint ce niveau est toujours là. Je crois, au regard de ces constantes qu’on peut dire à nos producteurs qu’ils peuvent bel et bien atteindre les 600 000 tonnes. C’est un objectif tout à fait réaliste et réalisable, si la nature remplit sa part de contrat et grâce à Dieu.

Avez-vous un appel à lancer aux acteurs de la filière coton ?

CT : C’est de dire aux producteurs que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Nous avons déjà des pluies dans certaines régions, il faut profiter de l’humidité pour labourer rapidement les champs et pouvoir semer. Les semis se font à partir du 15 mai c’est-à-dire depuis hier, normalement. C’est pour dire que quand il y a l’humidité il faut y aller. Je ne peux que souhaiter une bonne pluviométrie au niveau du Burkina. Je souhaite cela aux cotonculteurs et autres producteurs de céréales. Que Dieu nous donne une bonne pluviométrie bien répartie dans le temps et dans l’espace. Il faut que toutes les conditions soient réunies. Il a bien plu l’année dernière mais c’est la répartition qui a été mauvaise.
Que nous puissions également avoir les conditions d’ensoleillement parce que la plante a besoin de toutes les conditions ; moins de parasitisme aussi pour permettre de faire de très bons rendements. Toutes ces conditions réunies nous permettront d’éloigner de nous les affres de la vie chère.o

Par C.A. et Drissa KONE

L’Opinion

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