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Performances agricoles et souveraineté alimentaire : Quand les africains tournent en rond

Publié le samedi 28 juillet 2007 à 08h45min

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Sur une large part du plateau central burkinabè, les paysans en sont encore à semer bien après la date butoir du 14 juillet. Sans être totalement remises en cause, les perspectives de récolte ne sont pas enchanteresses pour autant, ce qui actualise de bien triste manière les incessantes initiatives des Africains autour de la question récurrente de la souveraineté alimentaire.

Il y a une trentaine d’années, de longs discours soutenus par de petits moyens autour du concept d’autosuffisance alimentaire ont fini par faire long feu.

La décennie écoulée a vu naître le terme plus approprié de « souveraineté alimentaire » mais cette innovation dans le langage ne semble pas avoir non plus changé la condition de ceux qui se débattent depuis des lustres avec le seul problème de la nourriture.

Rien qu’en février de cette année 2007, plus de cinq cents représentants d’organisations de paysans, de pêcheurs, d’éleveurs, de consommateurs et d’écologistes de plus de quatre-vingts pays se sont retrouvés dans le village malien de Nyéleni pour le premier forum mondial sur la souveraineté alimentaire.

Dans leur déclaration finale, ils la définissent comme « le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures, produites à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que le droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles ». Ils veulent que ce droit des peuples à se nourrir eux-mêmes soit reconnu par les Etats et les organismes internationaux et permettre une juste rémunération du travail des exploitations familiales agricoles. L’objectif est de rendre disponibles pour tous des aliments en quantité et qualité suffisantes, quelle que soit leur origine, qu’ils soient produits sur place, donnés au titre de l’aide alimentaire ou importés.

Malheureusement, dans un marché mondial dominé par les grands forums agro-alimentaires et des agricultures subventionnées des pays occidentaux, les prix agricoles ont été depuis 1990, tirés à la baisse, une rude épreuve pour les petits producteurs qui n’arrivent plus à vivre des revenus de la terre. Parallèlement à cette dégringolade continue, la dépendance alimentaire de nombreux pays en développement s’est fortement accrue. En Afrique de l’Ouest par exemple, les importations de riz (principale céréale consommée) ont été multipliées par 8 (huit) depuis 1960.

Des initiatives multiples et multiformes mais toujours pas de résultats à l’horizon

Permettre donc aux pays en développement de protéger leur agriculture focalise actuellement la plupart des revendications. Au sein de l’OMC, des pays demandent (comme les paysans d’Asie et du Pacifique dans leur déclaration de 2006) que « la souveraineté alimentaire prévale sur le libre échange ». C’est d’ailleurs sur ce point qu’ont achoppé les négociations commerciales internationales du cycle de Doha interrompues en juillet 2006, les pays développés refusant de remettre en cause leurs subventions aux producteurs tout en exigeant l’ouverture des pays en développement aux importations.
Les pays ACP eux aussi font la même demande à l’Union européenne dans les discussions sur les Accords de partenariat économique (APE).

Ils estiment que la « réciprocité » défendue par la commission européenne ne signifie rien d’autre que l’ouverture des marchés des pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique) pour les exportateurs de l’UE et que les producteurs vont souffrir des importations agricoles européennes subventionnées.

En vue de contrer cette mise en coupe réglée, les pays émergents demandent actuellement à leurs gouvernements d’aider les petits agriculteurs, majoritaires dans ces pays, à améliorer leur productivité. La souveraineté alimentaire doit aller (selon eux), de pair avec des réformes foncières pour une répartition équitable des terres et avec la mise en place d’un environnement favorable ; accès à l’eau, aux crédits et aux intrants. Certaines régions ont commencé à mettre la souveraineté alimentaire au cœur de leurs politiques agricoles et commerciales.

Du côté des organisateurs sous-régionales le cadre de politique agricole pour l’Afrique de l’Ouest de la CEDEAO adopté en janvier 2005 a pour objectifs « d’assurer la sécurité alimentaire de la population rurale et urbaine Ouest-africaine et la qualité sanitaire des produits dans le cadre d’une approche garantissant la souveraineté alimentaire de la région » et de « réduire la dépendance vis-à-vis des importations ».

On voit donc que les initiatives sont légion et toutes aussi pertinentes les unes que les autres mais au bout du compte, malgré cette saine foison, on en arrive à la désagréable conclusion que dans cette histoire de sécurité, d’autosuffisance ou de souveraineté alimentaire, les Africains, comme toujours, tournent inutilement en rond.

Luc NANA

L’Hebdo

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Vos commentaires

  • Le 8 août 2007 à 19:19, par Oumar En réponse à : > Performances agricoles et souveraineté alimentaire : Quand les africains tournent en rond

    bonjour Luc, je te félicite chaleureusement de l’esprit critique dont tu as fait preuve. en effet, ton article est trés courageux et décrit trés clairement les maux dont souffre notre mère patrie, l’Afrique.

    toutefois, j’avoue qu’en lisant ton article, je m’attendais à un peu plus en termes de conclusion. à défaut d’ébauches concrétes de solutions, à la limite des orientations pouvant aider à apercevoir le bout du tunnel auraient été les bienvenues.
    sinon, à continuer à dénoncer les injustices et la violence notée au niveau des échanges internationaux, je me demande si l’on n’est pas nous mêmes en train "de tourner en rond"

    cependant tu as le mérite d’avoir ici lancé le débat et j’espére qu’à tous nous y investir, une stratégie pertinente pourra être proposée.

    pour ma part, j’espére vraiment que nos responsables en prendront réellement conscience et prendront des mesures conséquentes en évitant de signer des accords mondiaux au contenu impertinent et non adapté à notre propre contexte socioéconomique, affaire d’être à la mode. je crois aujourd’hui qu’il est grand temps d’admettre notre retard et d’être conscient du fait que plus d’un demi siécle de progrés technologiques et d’initiatives de développement durable est à rattrapper.
    des politiques courageuses allant donc dans ce sens doivent être défendues par les états du tiers monde et ceux des pays dits émergents. car effectivement avant de prétendre à une quelconque souveraineté fût - elle alimentaire, il faut d’abord garantir et faire valoir sa souveraineté institutionnelle. il s’agit quand même de pays indépendants !!!

    d’autant plus qu’il est apparu que certaines décisions internationales peuvent être bravées sans grandes conséquences : les USA ont attaqué l’Irak malgré l’objection de l’ONU, la Corée du Nord dispose finalement de l’arme atomique ; alors pourquoi nos pays ne peuvent pas adopter des politiques purement protectionnistes afin d’aider à l’amélioration des conditions de vie de milliers d’individus. ou ceci, s’avérerait-il criminel et insensé ??!

    que la réflexion continue !!!

    • Le 22 août 2007 à 23:02, par Marco linno En réponse à : > Performances agricoles et souveraineté alimentaire : Quand les africains tournent en rond

      heureusement pour nous qu’il reste encore quelques journalistes critiques. des articles comme celui-ci nous obligent à balayer notre porte avant d’aller crier haro sur le l’umpérialisme et même à présent l’UMPérialisme en Afrique. Nos tares et autres retard de développement si nous considérons l’évolution actuelle en occident comme du développement nous incombent à nous et à personne d’autre.
      Il y a quelques années on parlaient d’impérialisme et on proposaient une alternative, même si quelques fois elle n"était pas crédible...now on en parle autour d’une petite bière en se grattant juste le bas des couilles.
      Merci monsieur NANA luc et continuer ainsi je vais maintenant lire avec attention vos articles

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