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Coton : Aux Etats-Unis, la Farm Bill attend les progrès de l’été dans l’ombre de Doha

Publié le jeudi 19 juillet 2007 à 07h42min

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Le premier projet de Farm Bill 2007 ayant été publié par les sous-commissions
de l’agriculture de la Chambre des représentants à la fin juin 2007, la question
qui se pose désormais est de savoir comment la Commission de l’agriculture en
plénière traitera le dossier lorsqu’elle reprendra ses travaux fin juillet.

Les législateurs de la Commission de l’agriculture de la Chambre des représentants
vont désormais débattre du projet de Farm Bill les 17, 18 et 19 juillet 2007.
Rappelons que la date butoir du processus législatif est la fin septembre 2007,
date d’expiration de la Farm Bill 2002 actuelle.

En liaison avec le débat interne aux Etats-Unis, des pressions extérieures sur le
processus législatif américain continuent à s’exercer. En particulier le texte sur
les modalités agricoles de l’OMC a été publié le 17 juillet 2007 et le différend à
l’OMC soulevé par le Canada contre les subventions agricoles américaines va
commencer sérieusement le 24 juillet.

Le Brésil est lui aussi décidé à engager sa
propre affaire contre des subventions américaines. La présente note étudie
l’impact de ces dynamiques sur la Farm Bill en cours d’élaboration.
Essence du problème
Le principal problème du soutien américain à l’agriculture qui se concentre sur
les prix ou le soutien au revenu liés aux prix est que cette dynamique a une
incidence négative sur les agriculteurs plus compétitifs, tant aux Etats-Unis
qu’ailleurs dans le monde.

Il existe donc des raisons de changer les modes de
distribution actuels en cours de révision, tant de milieux venant de l’intérieur des
Etats-Unis que de la part de l’étranger, et aussi bien directement que par le biais
des négociations de Doha à l’OMC.
Le problème essentiel des Etats-Unis s’auto-entretient. Les subventions
poussent à la surproduction, cette surproduction entraîne un excédent de l’offre
qui à son tour comprime le prix des produits de base, et ces prix déprimés déclenchent alors encore plus de subventions compensatoires. Cette dynamique
itérative représente une véritable ‘course à l’abîme’.

Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’aux Etats-Unis, ces subventions favorisent une
poignée de grandes exploitations agricoles qui produisent quelques cultures
sélectionnées, telles que le coton. La plupart de l’aide est dépensée dans
seulement six Etats, et les deux tiers de cette manne bénéficient à seulement 10
pour cent des exploitations, ce qui désavantage les petits producteurs que ce
soutien était conçu pour protéger.

Les retombées sur les petits agriculteurs
africains sont encore plus marquées, car les économies africaines résistent
moins bien aux chocs des prix et les agriculteurs touchés n’ont pas accès aux
filets de sécurité sociale. L’ironie du sort veut que les montants dépensés par le
Département de l’agriculture portent préjudice aux économies africaines tandis
que le Département d’Etat injecte de son côté des sommes considérables sous
forme d’aide en vue d’encourager la stabilité régionale en Afrique. Cette ironie
est encore accrue par le fait que cette aide ne représente qu’une petite fraction
de l’avantage que l’Afrique pourrait tirer de marchés fonctionnant correctement et
sans entraves.

Chances de réformes

De manière générale, rappelons que le projet de texte de Farm Bill de la souscommission
de la Chambre des représentants datant de juin 2007 est très
favorable aux planteurs de coton américains. La principale occasion de réforme
devant la Chambre émane d’un texte intitulé Loi sur la gestion des risques
alimentaires et agricoles pour le 21e siècle ou ‘Farm 21’ en abrégé. Cette
législation est défendue par Ron Kind (député démocrate à la Chambre des
représentants) et Jeff Flake (député républicain à la Chambre)1.

Le texte de la loi
Farm 21 est vanté par ses auteurs comme étant capable de mettre un terme aux
incitations à la surproduction en mettant fin aux paiements aux produits de base
ayant un effet de distorsion des échanges, et de traiter les agriculteurs ‘comme
des entrepreneurs et non comme des quémandeurs’. Les auteurs estiment
également que ces réformes mettraient les Etats-Unis à l’abri de plaintes pour
non-conformité avec les règles de l’OMC.

Notamment, deux de ces plaintes ont
été récemment déposées, l’une par le Canada et l’autre par le Brésil. Ces deux
1 Pour de plus amples informations sur le projet FARM 21, voir :
http://www.house.gov/kind/press/070613-%20RMA%20Intro.pdf
cas invoquent le non respect par les Etats-Unis de leurs engagements MGS et
de leurs promesses au titre des subventions à l’exportation, en particulier sur les
garanties de crédit à l’exportation.

Dans le cas précis du coton, si la Farm Bill
actuelle était simplement reconduite, les Etats-Unis subventionneraient la
production de coton à raison d’au moins $8 milliards sur les cinq prochaines
années. En raison de ces subventions, le prix du coton resterait faible, si bien
que 75% de la production se retrouverait sur les marchés d’exportation. Il existe
désormais une littérature bien établie qui confirme qu’une telle manière de faire
continue à frapper de plein fouet les producteurs de coton des pays en
développement, notamment en Afrique, en raison de la dépression qu’elle
provoque sur le marché mondial.

Le projet Farm 21 remplacerait les paiements directs versés aux agriculteurs par
ce que l’on appelle des comptes de gestion des risques. Ces comptes de gestion
des risques seraient soutenus par le gouvernement, qui les financerait également
dans un premier temps, mais uniquement pour les mettre en place. Ces comptes
seraient utilisés par les agriculteurs pour gérer la nature cyclique de la production
agricole - essentiellement en faisant des investissements (comme sur un compte
d’épargne) et en achetant des assurances de cultures et de revenus destinées à
les protéger contre les pertes extraordinaires.

Ces changements déplaceraient
nettement l’accent vers des éléments nouveaux, en ce sens que la responsabilité
de la protection du revenu de l’agriculteur passerait du gouvernement à
l’agriculteur. L’agriculteur devrait se charger de gérer son propre risque, mais
avec un mécanisme d’encouragement transitoire et progressif contenant encore
certains éléments de subventions, mais qui seraient sans doute plus faciles à
intégrer à ce qui est alloué aux Etats-Unis à l’OMC. Les économies au titre des
dépenses directes sont estimées à $20 milliards sur les cinq prochaines années.

Des recherches favorables à cette idée ont également montré que la proposition
Farm 21 permettrait à la plupart des agriculteurs de s’en tirer aussi bien, voire
mieux qu’aujourd’hui.
La question demeure de savoir si la faible voix des consommateurs, des
contribuables, du lobby écologiste, des pauvres et des législateurs responsables
des intérêts de sécurité nationale aux Etats-Unis suffira pour entamer l’efficacité
des puissants lobbies qui défendent les grands producteurs de cultures
spécifiques.

Ce point reste essentiel, car l’opinion des législateurs la plus vigoureusement exprimée (bien que pas nécessairement la plus répandue) est
que la Farm Bill doit être élaborée pour répondre aux intérêts des agriculteurs
des Etats-Unis sans faire référence à l’OMC. Il semble que la logique voudrait
que l’on traite ultérieurement des questions de l’OMC le moment venu,
lorsqu’elles se présenteront.

Beaucoup, dans les milieux américains intérieurs,
ne parviennent pas à voir l’ironie d’une telle attitude, car ces questions de l’OMC
se posent en tandem direct avec le projet de Farm Bill. L’avis de Kind lui-même
sur la conformité à l’OMC est plutôt plus lucide et conforme aux aspirations des
producteurs de coton africains.

Le 13 juin 2007, il déclarait en effet :
‘Si nous ne procédons pas à quelques changements, l’Organisation
Mondiale du Commerce écrira nos politiques agricoles à notre place. Ce
projet [Farm 21] est un moyen pour nous de réformer nos politiques aux
conditions qui sont les nôtres. De plus, le fait de mettre nos programmes
agricoles en conformité avec les accords commerciaux pourrait relancer
des négociations internationales qui ouvriraient de nouveaux marchés à
nos produits agricoles.’

Voilà qui semble effectivement fort rationnel.
Evaluation des chances
Il est intéressant de noter que lorsque l’actuelle Farm Bill était en cours de
révision en 2002, Ron Kind avait proposé un projet de texte alternatif, qui avait
recueilli le soutien de 200 voix. Cela l’a sans doute en partie incité à revenir à la
charge cette année avec un projet réformiste. Le chiffre à atteindre lors du vote à
la Chambre sera 218.

Rappelons que la Chambre des représentants a 435
membres ayant droit de vote, et qui, chacun, représentent une circonscription du
Congrès. Pour qu’un vote l’emporte sur le projet de Farm Bill, il faut qu’une
proposition recueille plus de 50% des voix. Sur la base du résultat obtenu par
Kind en 2002, il semblerait que les réformistes ne soient pas obligatoirement hors
circuit. En fait, ils posent une menace crédible au status quo.

De toute évidence, la réforme se heurte à une vive opposition de la part des
bénéficiaires bien établis. Nous n’en voulons pour preuve qu’une déclaration de
l’Association nationale des planteurs de blé (National Wheat Growers
Association), qui appartient au camp du ‘non au changement’, et qui affirmait, le
13 juillet : "Les législateurs qui pourraient soutenir le projet Kind-Flake doivent
comprendre qu’un secteur qui assure 25 millions d’emplois américains, 17
pour cent du PIB américain et $3.500 milliards d’activité économique par
an a de la valeur - sans parler du fait qu’il fournit un approvisionnement
alimentaire national sûr. Un véritable filet de sécurité permettra aux
producteurs agricoles américains de continuer à faire ce qu’ils font le
mieux : fournir à nos citoyens l’offre alimentaire la plus abordable et la plus
abondante au monde. Le projet Kind ne marchera pas dans les zones
agricoles."

Cette position sera défendue par le président de la Commission de l’agriculture
de la Chambre des représentants, Collin Peterson (Démocrate), qui ne va pas
soutenir la réforme, bien qu’il ait une longue carrière à la Chambre et qu’il lui soit
parfois arrivé d’appuyer les Républicains.
La Commission de l’agriculture du Sénat est caractérisée par une certaine dose
d’influence réformatrice, même s’il faut reconnaître que cette appréciation est
relative par rapport au sentiment général qui prévaut à la Chambre.

Le président de la Commission de l’agriculture du Sénat, Tom Harkin, s’est montré quelque
peu critique envers l’avant-projet de la Chambre. Il a fait savoir que ce texte lui
semblait ‘une vue très étroite de la politique agricole, poussée par un segment
minoritaire de la communauté des agriculteurs.’ Harkin a récemment déclaré qu’il
doutait que la Commission de l’agriculture du Sénat puisse compiler (‘annoter’)
son projet de Farm Bill avant août 2007, mais continuera à tenter de soumettre
un projet de loi en plénière au Sénat avant la fin juillet. Il se bat contre vents et
marées pour tenter d’obtenir un financement supplémentaire pour la Farm Bill audelà
de la référence fixée par le Bureau du budget du Congrès (Congressional
Budget Office, CBO)3.

Cela signifierait que le projet souhaité par la Chambre
serait essentiellement une reconduction de la Farm Bill de 2002 moyennant
quelques changements. Harkin ne souhaite pas un tel projet de base parce qu’il
n’accorderait pas un important financement aux formes alternatives de
production d’énergie, d’alimentation et de conservation. Essentiellement, Harkin
souhaite pour l’avenir une Farm Bill réformiste, et estime qu’une partie de ces réformes devraient notamment mettre davantage l’accent sur la conservation des
terres. Cette position est fondée sur la quantité de terre marginale mise en
production à la suite de la flambée des prix du maïs induite par l’éthanol.

Conclusion

Les travaux de la Commission de l’agriculture de la Chambre des représentants
cette semaine seront à nouveau révélateurs de l’orientation que risque de
prendre la législation américaine sur les subventions agricoles pour les 5 années
à venir.

Le président du Comité de l’agriculture de l’OMC fera analyser son projet
de texte sur les modalités à l’OMC au cours de la même période. La fin du mois
de juillet 2007 devrait donc s’avérer décisive pour l’agriculture aux Etats-Unis
comme pour les agriculteurs du monde entier, puisque les processus législatifs
internes aux Etats-Unis et l’institution chargée d’élaborer les lois commerciales
multilatérales sont en train d’accoucher de leurs textes respectifs.

L’espoir que
ces processus puissent s’harmoniser semble bien mince, même si les différends
à l’OMC tentent de jeter un pont entre eux. Malgré tout, les réformateurs aux
Etats-Unis ont une chance relative d’atteindre le nombre magique de ‘218’
lorsque le projet de Farm Bill sera mis aux voix devant la Chambre.
Espérons qu’au moment du vote, l’observation suivante sera prise en compte :
« Les subventions aux cultures sont une relique des années 1930 qui aurait
dû être supprimée il y a bien longtemps. » [Commentaire de législateurs
américains : Richard Lugar, Sénateur, et Ron Kind, membre de la Chambre des
représentants]
IDEAS Centre offre des services de conseils de politique générale aux
gouvernements des pays en développement et en transition dans les domaines
du commerce international, du développement et de la gouvernance
économique.

IDEAS Centre aide les pays à faibles revenus à défendre leurs
intérêts commerciaux et ainsi à mettre à profit leur appartenance à l’OMC d’une
manière favorable à leur développement.

Source :
www.ideascentre.ch
IDEAS Centre, 10, rue de l’Arquebuse, 1204 Genève, Suisse
T +41 22 807 17 40, F +41 22 807 17 41

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