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La femme dans le secteur informel au Burkina Faso

Publié le mardi 20 février 2007 à 08h22min

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Le secteur informel est un pan entier de l’économie où les femmes sont dynamiques. Elles y mènent en effet toute sorte d’activités rémunératrices : commerce en détail, artisanat, finance, agriculture, élevage, restauration, hôtellerie, coiffure, management, ...

Elles participent ainsi de façon active à la vie économique du pays quand bien même il reste encore difficile de comptabiliser tous les résultats relevant de ces initiatives. Comment le secteur informel est-il « organisé » ? Pour la couche féminine, quels sont les défis majeurs à relever dans un avenir plus ou moins porche ?

Le faible niveau de scolarisation qui a longtemps perduré chez la fille fait que l’on rencontre peu de femmes dans les emplois publics ou privés. Le secteur informel, dit-on, est par excellence leur domaine de prédilection (58,1%) dans la mesure où les conditions d’accès sont faciles à remplir. Toutes celles qui n’ont pu être scolarisées évoluent plutôt dans le secteur informel ou y sont passées pour pouvoir mieux s’organiser.

Ainsi, le commerce a été souvent un refuge pour celles qui se retrouvent dans les milieux urbains. On les retrouve aux abords des grandes voies vendant des fruits et légumes ou gérant des kiosques à café ou des mini-restaurants. Elles sont aussi dans les marchés où elles réussissent à s’octroyer de petites boutiques à côté des hommes.

Exemple : le grand marché (Rood Wooko) de Ouagadougou avant d’être incendié était gorgé de femmes. Il en est de même du marché de Bobo-Dioulasso et de ceux des secteurs qui ont été rénovés ces dernières années pour la plupart avec l’appui direct de la municipalité ou des partenaires de la coopération décentralisée.

Dans le domaine du transport également les femmes sont très entreprenantes. Parfois elles vont acheter leurs marchandises elles-mêmes aux ports de Lomé (Togo), d’Abidjan (Côte d’Ivoire) ou d’Accra (Ghana).

Le secteur artisanal est encore beaucoup plus investi par les femmes. Elles sont nombreuses aujourd’hui à être des professionnelles de la teinture, de la vannerie, du tissage, de la porterie, de la couture, de l’esthétique ou de la coiffure. Elles y sont encouragées par les possibilités d’écoulement des produits que leur offrent les rencontres culturelles que sont le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (FESPACO) ou la Semaine nationale de la culture (SNC), et sans oublier les vitrines d’exposition tel que le village artisanal de Ouagadougou.

Comme on peut le constater, les femmes ne manquent pas d’initiatives et elles ont parfois de micro projets qui pourraient être viabilisés pour plus d’efficacité et de rentabilité.

Le secteur informel est très formateur pour les femmes. Elles y développent des initiatives allant dans le sens des programmes de développement du pays. C’est l’exemple récent de ce groupe de femmes qui, pour instaurer plus de propreté en milieux scolaires est en train de conduire un programme de nettoyage dans les écoles en commençant par les villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso.

Ces actions devraient s’étendre à toutes les écoles du pays.
Cependant, des contraintes objectives s’imposent aux femmes et constituent parfois des freins à leurs élans de créativité et d’action en faveur du développement. Par exemple, beaucoup de filles et de femmes, du fait qu’elles n’ont pas été initiées aux principes élémentaires de gestion et de comptabilité sont limitées dans la conduite de leurs entreprises.

Quand bien même elles peuvent piloter des affaires plus ambitieuses, elles se bornent à gérer de petites boutiques. Elles agissent dans l’informel parce qu’elles ne peuvent pas s’adapter à l’évolution de leurs activités et ne parviennent toujours pas à mettre en place les structures adéquates. Pourtant, ces femmes pour peu qu’elles soient encadrées, pourraient conduire avec succès de grands projets.

D’ailleurs, elles seront de plus en plus contraintes à plus d’organisation, avec le regard accru du fisc sur le secteur informel. En effet, avec la loi de finance 2007, le champ d’application de la contribution du secteur informel s’est vu élargi. Le législateur s’est inscrit dans une politique d’élargissement de l’imposition du secteur informel en y ajoutant de nouveaux contribuables (article 371 ter 7 nouveau du code des impôts).

Toutefois, les institutions financières (banques, structures décentralisées de crédit) qui étaient réticentes au financement du secteur informel commencent à s’y intéresser. Particulièrement, l’accès des femmes du secteur informel au crédit est devenu préoccupant compte tenu de leur poids dans ce secteur. Il y a de plus en plus d’initiatives à ce niveau : il faut leur accorder des crédits remboursables (exemples le Projet d’appui chinois au secteur privé ou l’Opération 200 moulins au profit des femmes du secteur informel). De même les actions du Fonds d’appui au secteur informel (FASI) et du Fonds d’appui aux activités rémunératrices des femmes (FAARF) en faveur des femmes peuvent être renforcées.

En définitive, le caractère vital du secteur informel pour l’économie burkinabè est aujourd’hui incontestable. Mais compte tenu de sa complexité, plusieurs interrogations se posent quant aux stratégies à adopter pour que les acteurs du secteur informel puissent jouer pleinement leur partition dans la question du développement. Le cas particulier des femmes mérite bien plus d’attention. C’est pourquoi, bien que tardivement pris en compte, il faut que les plans de développement accordent plus de place au secteur informel.

Le cadre institutionnel, légal et réglementaire qui ne répond pas aux besoins et aux attentes du secteur informel peut être repensé pour plus de flexibilité.
Pour ce qui concerne spécifiquement les femmes, d’aucuns pensent que la question de la formation est primordiale. Il faut des modules de formation adaptés à leurs besoins et correspondants aux différents niveaux qui sont les leurs. Les structures féminines qui existent peuvent être des appuis intéressants à cette formation.

Ainsi, les efforts d’adaptation de l’impôt doivent être suivis de mesures d’accompagnement tendant à une meilleure perception et acceptation de cet impôt par les acteurs du secteur informel. On peut payer moins d’impôt quand on est mieux structuré et déclaré.

A l’évidence, la conjonction de ces importantes initiatives et suggestions à l’égard du secteur informel, particulièrement en faveur de la frange féminine peut permettre d’atteindre des résultats insoupçonnés.

Mme Hien Mariam,
Docteur en Droit des affaires, cadre de banque

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