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Entraîneurs de football au Burkina : Entre passion, compétence et indigence

Publié le jeudi 1er février 2007 à 07h43min

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Les entraîneurs burkinabè de football sont depuis quelque temps, sinon depuis longtemps, au coeur d’un des débats les plus acharnés : celui portant sur leur compétence. Pour certains observateurs, ils n’ont pas le niveau requis pour exercer.

Pour d’autres, nos techniciens du ballon rond sont à la hauteur mais c’est l’environnement et les conditions de travail qui ne leur permettent pas de mieux s’exprimer.

Mais comment juger, surtout dans un contexte où les initiés se comptent du bout des doigts, et où le niveau d’un encadreur de football, sa compétence ou capacité ne sont pas toujours connus et certifiés ? C’est toute la problématique qui s’en dégage . Pour la décortiquer, nous sommes allé à la rencontre de certains acteurs-clés du football national.

Profession : entraîneur. Oui, le métier d’entraîneur, surtout de football, est de nos jours devenu sous nos cieux, une profession comme celle de journaliste, de médecin, d’architecte, ... Ce n’est plus comme à l’époque où l’encadreur de joueurs de football travaillait dans une entreprise privée ou à la Fonction publique, où il ne faisait pas grand-chose, et attendait les heures de descente pour entraîner .

A cette époque, les premiers acteurs de l’entraînement, à savoir les footballeurs, étaient soit des élèves et des étudiants, soit des travailleurs ou des chômeurs. De plus en plus aujourd’hui, on ne dira pas que notre football est professionnel mais les footballeurs sont disponibles, puisqu’ils n’ont que pour seule activité professionnelle, jouer au football.

Il faut donc des entraîneurs disponibles, pour s’occuper des entraînements. C’est ce qui explique aussi qu’aujourd’hui les relations entre l’employeur (le club) et l’employé (l’entraîneur) se font de plus en plus sur la base de contrats écrits. Quoi qu’on dise, ils sont nombreux à vivre de leur métier d’entraîneur et certains y gagnent bien leur vie, même si la durée d’un entraîneur à la tête de l’encadrement d’une équipe est toujours fonction des résultats sur le terrain.

Aussi, bon nombre d’observateurs s’interrogent-ils sur la valeur des entraîneurs burkinabè . Ont-ils le niveau requis, les compétences nécessaires ou les capacités pour entraîner des clubs ? Difficile d’y répondre pour un profane du football.

On ne s’improvise pas entraîneur

"Le niveau du football burkinabè est le reflet du niveau de nos entraîneurs", nous a confié le technicien Daouda Sanou Famozo. Une phrase qui en dit long par rapport aux différentes supputations que suscite le sport roi dans notre pays.

Ce qui pourrait bien signifier : si nous sommes tous unanimes à reconnaître que le niveau du football burkinabè est bon, c’est que le niveau des entraîneurs est bon et inversement ; s’il ne l’est pas, il en va de même pour les encadreurs locaux. Disons - le, s’il n’est pas facile d’apprécier nos entraîneurs de football, il faut tout de même reconnaître qu’ils font face à beaucoup de difficultés, ce qui ne leur permet pas toujours de s’exprimer convenablement.

Cela dit, comment devons-nous les juger sur leur travail ?

Pour une équipe senior, ce qui importe, ce sont les résultats et un entraîneur doit le savoir. Et pour les atteindre, il doit à sa prise de fonction connaître le niveau de l’équipe, ses conditions techniques, financières, et humaines, cela en accord avec les objectifs de ses dirigeants. Ce sont certes des questions internes mais nécessaires pour juger objectivement un entraîneur sur ses résultats. Ce n’est qu’à partir de ces éléments de base que l’on peut affirmer qu’il est bon parce qu’il est parvenu à maintenir le club en première division comme cela lui avait été demandé au départ. Cela signifie aussi que ne devient pas bon entraîneur qui veut.

En effet, un entraîneur de football est d’abord une personne qui exerce une responsabilité et intervient sur les paramètres et les facteurs de la performance. C’est dans cette logique que le Directeur technique national (DTN) de la Fédération burkinabè de football (FBF), Jean Macagno, indique qu’un entraîneur est un technicien qui prend un groupe de joueurs pour l’amener au niveau de performance le plus élevé possible.

Selon Daouda Sanou Famozo, il y a au moins cinq critères pour être un entraîneur. Il faut être un excellent théoricien, un bon pratiquant, un fin psychologue, un bon pédagogue, un leader c’est-à-dire avoir une personnalité capable de mener un groupe. Avec tous ces paramètres, on note qu’il y a des entraîneurs qui ont des profils pour diriger des seniors, d’autres les plus jeunes, puisque ce ne sont pas les mêmes difficultés, ni les mêmes objectifs.

Il y a aussi un volet formation, parce qu’on ne devient pas entraîneur par improvisation et il y a à mettre en application, un vécu de footballeur. Ce qui permet de mettre en pratique les données que l’on a, tout ce qu’on peut recevoir par la formation et l’expérience. Le vécu de footballeur est des fois un atout pour certains, puisqu’il leur permet de comprendre ce qui se passe sur le terrain.

Des anciens internationaux arrivent ainsi à faire passer des messages tout comme à l’inverse, il y en a qui ne l’ont pas été mais arrivent à être de bons meneurs d’hommes. Nous constatons au Burkina que nous avons des entraîneurs qui réunissent les paramètres de la performance, mais est-ce que les dirigeants tiennent compte de tout cela, avant de recruter un entraîneur ?

Ce n’est pas toujours évident, parce que c’est selon les moyens et les ambitions des clubs. Pendant que certains s’attachent les services du premier venu, d’autres comme l’ASFA-Y, le RCK ou encore l’EFO, l’USO, le RCB, l’ASFB cherchent celui qui va leur donner le titre de champion ou la coupe du Faso, voire les amener le plus loin possible en compétitions africaines.

L’environnement dans les clubs ne s’y prête pas souvent quelle que soit la bonne volonté de l’entraîneur. Ce dernier est parfois à la merci des clans d’une même famille, subit la pression des dirigeants, lesquels, à la veille d’un match, montent au créneau, en demandant à l’entraîneur de ne pas aligner tel joueur, parce qu’il ne sera pas à la hauteur du derby ou que ce joueur-ci doit figurer dans le onze de départ.

Autant de situations qui se vivent dans nos clubs. Disons-le, dans notre football, tout le monde agit en amateur. C’est pourquoi, l’on ne doit pas toujours reprocher à l’entraîneur d’être subjectif, si le football lui-même n’est pas professionnalisé. La seule façon de mettre l’entraîneur face à ses responsabilités, c’est de le recruter de façon professionnelle, le mettre dans un contexte professionnel, et le laisser s’exprimer de façon professionnelle.

Entraîneurs made in Burkina

Pour être recrutés, les entraîneurs mettent de plus en plus en valeur leur CV (curriculum vitae) où il est fait mention des formations reçues. Certains d’entre eux sont formés au Burkina, notamment à l’INJEPS.

La formation à l’Institut national de la jeunesse, de l’éducation physique et sportive (INJEPS) est générale. Elle concerne toutes les disciplines sportives et s’étale sur 3 et 4 ans en fonction du niveau. L’institut est actuellement en pleine mutation et met à la disposition du ministère des Enseignements et celui des Sports et des Loisirs, des enseignants d’éducation physique et sportive (EPS). Cet établissement assure aussi la formation de spécialistes en sport.

La formation des enseignants d’EPS intéresse ceux qui apprennent toutes les disciplines sportives, et à partir de la 2e année pour ceux qui finissent en 3 ans. Il y a également ce que l’on appelle l’option. Elle consiste à avoir plus de temps pour la spécialisation (en football, basket-ball, handball, ...), afin d’approfondir ses connaissances d’encadreur d’équipe dans les différentes catégories (minimes, cadets, ...).

Ainsi, les enseignants reçoivent tout ce qui concerne l’entraînement au niveau technique, tactique, physique. C’est ce que font également les optionnaires en football qui abordent aussi les aspects sur la psychologie de l’entraînement, le coaching (comment préparer et gérer une équipe pendant une compétition). Ils ont un quota horaire de 60 heures par année de formation.

En faisant un calcul par rapport à la formation des entraîneurs de football dans des centres spécialisés, selon des spécialistes, on peut les classer au niveau 2, soit le 2e degré. Il faut souligner que dans le cadre de leur formation, les étudiants doivent trouver des clubs ou des équipes pour pratiquer ce qu’ils ont appris.

"Nos entraîneurs ne sont pas bons". C’est une expression entendue très souvent dans les tribunes de nos stades où autres lieux de discussions. Il ne faut pas être aussi catégorique, puisqu’au Burkina, nous avons des entraîneurs de référence qui ont fait et continuent de faire leur preuve. La plupart d’entre eux ont été anciens footballeurs.

Nous pouvons évoquer en premier, le nom de Malo Idrissa Traoré dit Saboteur. C’est lui qui, pour la première fois, a qualifié sur le terrain les Etalons pour une phase finale de la CAN (Afrique du Sud 96). Il a aussi dirigé les équipes nationales du Niger et de la Centrafrique, avant de se retrouver présentement et une fois de plus à la tête des Etalons pour un nouveau challenge. Saboteur a conduit le Kadiogo en 1978 aux demi-finales de la coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe.

L’homme a bourlingué sur le continent avec en Côte d’Ivoire, les clubs de l’ASEC Mimosas, du Sporting club de Gagnoa, du Sabé sports de Bouna et du Stade d’Abidjan. Il s’est occupé du Djoliba du Mali, de la JS Ténéré du Niger, du M’Bilinga du Gabon, de l’AS cheminots de Pointe-Noire du Congo, du FC Medenine de la Tunisie. Notons aussi le mérite de Bernard Bayala d’avoir qualifié, en 1973, les Etalons pour les Jeux africains de Lagos.

Outre ces deux, d’autres techniciens pétris de talent ont également su apporter leur touche à la bonne marche du football burkinabè. Grâce à Sidiki Diarra qui encadre actuellement les Etalons juniors et espoirs, les Etalons ont participé à la CAN 2002 au Mali. Diarra a été deux fois champion du Burkina avec l’USFRAN et l’USFA et a eu à prendre en charge l’encadrement du Djoliba du Mali.

Sidiki Diarra est depuis l’année 2006, le premier entraîneur à qualifier, sur le terrain, le Burkina pour une CAN juniors, celle qui se déroule présentement au Congo. L’on ne saurait par ailleurs oublier cette belle page écrite par les Etalons cadets deux fois vice-champions d’Afrique (1999 et 2001) et auteurs de deux participations à la coupe du monde aux mêmes années avec en prime une 3e place en 2003. Cela s’est passé sous la houlette du fameux duo Jacques Yaméogo-Pihouri Webonga.

D’ailleurs, Pihouri vient de réussir une autre qualification à la CAN 2007 au Togo. Si certains d’entre eux sont encore en activité, d’autres techniciens ont commencé à mettre en exergue leurs qualités d’entraîneur. Nous pouvons citer Brama Traoré qui fut déjà champion avec le RCB, Séraphin Dargani qui a réussi en deux années consécutives à remporter le titre de champion avec le RCK (2005) et l’ASFA-Y (2006), Ousmane Compaoré dit Lato, Gualbert Kaboré, Seydou Zerbo dit Krol, Zaïdi Compaoré, Lassinan Savadogo. Mais, il faut avouer que le Burkina reste attaché aux techniciens expatriés.

Le mythe de l’entraîneur étranger

Sous nos cieux, l’entraîneur européen pour ne pas dire étranger, a toujours eu une place de choix. Selon certaines personnes, le Burkinabè dans le temps avait le complexe de ce qui vient de l’étranger, en attribuant cette situation au fait que "cela nous a été imposé peut-être par le colonisateur". Elles font savoir qu’il faut aussi prendre en compte des facteurs subjectifs, de pauvreté et d’ignorance.

Pour d’autres, "on ne s’aime pas entre nous Burkinabè", parce que l’un ne veut pas voir l’autre faire mieux que lui ou réussir là où il a échoué. Il y a également le respect de l’étranger mais le constat qui est fait souvent, c’est que le Burkinabè prend du plaisir à découvrir l’étranger.

Il y a un malin plaisir à admirer celui qui arrive d’un autre pays, précédé de la marque de ce technicien qui vient révolutionner notre sport-roi et nous conduire là où nous ne sommes jamais arrivés. Cela se vit aussi avec les joueurs, lesquels sont précédés de leur qualité de grand joueur, de leur talent de meilleur buteur, ou encore de leur efficacité de défenseur.

Et c’est un rêve pour beaucoup de supporters, avec la complicité des dirigeants. Un complexe qui habite tout ce beau monde mais nous notons que ce sont les dirigeants qui entretiennent cet état de fait. Il ressort par exemple des propos tels que "nos entraîneurs ne connaissent pas grand-chose de l’évolution du football", "ils ne maîtrisent pas la science et l’art du football", "on se connaît tous ici et qu’est-ce qu’ils peuvent bien nous apprendre en plus".

Il est vrai que des entraîneurs se compromettent parfois, pour pouvoir conserver leur poste, ou trouver un club à entraîner. Il faut avouer que lorsqu’ils recrutent des entraîneurs nationaux, les dirigeants ne font pas assez d’efforts pour les mettre dans de bonnes conditions de travail, mais pour l’Européen ou l’étranger, on est prêt à tous les sacrifices possibles, afin qu’il réussisse sa mission.

Par Antoine BATTIONO


Foi du DTN de la FBF, Jean Macagno

Dans sa démarche pour le développement du football, la Fédération burkinabè de football (FBF) a engagé le Français Jean Macagno comme directeur technique national. Il nous explique en quelques mots le processus de formation des entraîneurs entamé par la Fédération.

Pouvez-vous nous parler de la politique de formation des entraîneurs mise en place par la FBF ?

Jean Macagno : C’est tout à l’honneur de la FBF d’avoir mis en place une formation diplomante au Burkina en respectant un peu les profils. On ne peut pas s’adresser aux tout-petits de la même manière que l’on aborde le problème des adolescents et des seniors. On a différencié tout de suite trois catégories d’entraîneurs. D’abord à la base, un premier initiateur de la FBF s’occupera des 6 - 11 ans. On le fera déborder un petit peu jusqu’aux 14 ans. Un deuxième entraîneur fédéral prendre en charge les jeunes de 15-19 ans ; et un autre, des seniors. A ce niveau, il est question de l’organisation et du plan de jeu, la préparation d’une équipe, la planification d’un entraînement. La préparation athlétique d’une équipe est moins importante chez les jeunes que chez les seniors. On a prévu un spécifique gardien de but, parce qu’on pense que c’est un poste qui nous fait défaut ici au Burkina.

Quand on aura cette formation diplomante, on va essayer de la faire labelliser peut-être par une fédération européenne dans le cadre d’un partenariat et permettre aux intéressés d’obtenir des diplômes qui ont cours en Europe.

A partir de là, il s’agira de mettre en place un statut d’éducateurs avec des droits et devoirs pour les uns et les autres, peut-être des amicales d’éducateurs pour que les liens soient un peu plus resserrés, et des réunions régulières entre des gens qui sont adversaires toute l’année à travers des matches.

La Fédération va-t-elle imposer un cahier des charges aux clubs pour le recrutement des entraîneurs ?

Ce qu’on espère, c’est que les clubs burkinabè utilisent les compétences des entraîneurs burkinabè qui seront formés, sans pour autant qu’il y ait une obligation. Un club est libre de faire venir un entraîneur étranger. Sachant qu’un entraîneur d’une équipe première est très souvent un fusible qui saute rapidement et donc ne travaille pas dans le long terme, il est souhaitable que dans les clubs, il y ait des gens du pays formés qui assurent la relève, à moyen et à long terme, pour l’avenir et la subsistance du club. Il y aura des choses qui vont se mettre en place et je pense que les présidents sont devant des personnes responsables et capables de comprendre ce type de problème.


Idrissa Traoré (entraîneur national) : "Nous avons de bons entraîneurs mais ..."

L’entraîneur national des Etalons, Malo Idrissa Traoré, dit Saboteur fait dans cet entretien, la différence entre un entraîneur national et celui d’un club. Nous avons saisi l’occasion pour avoir son avis sur la question de la compétence des entraîneurs burkinabè.

Quelle est la différence entre un entraîneur d’une équipe nationale et celui d’un club ?

Idrissa Traoré : L’entraîneur national a une fonction nationale. Ce qui fait que, c’est tout le peuple de l’intérieur et de l’extérieur qui le regarde. Sa fonction est plus délicate par rapport à celle de celui d’un club, dans la mesure où les résultats de l’équipe nationale peuvent avoir des conséquences positives ou négatives sur l’opinion nationale. Le club est une équipe locale appartenant à une région ou une ville donnée, et il peut avoir des supporters ou des adhérents au niveau du pays mais ce n’est pas la même dimension, puisque ce ne sont pas les 12 millions de Burkinabè qui le supportent. Avec l’entraîneur national, il y a beaucoup d’enjeux autour de l’équipe nationale, dont les dimensions sociologique, politique, et la fibre patriotique.

Il n’y a pas de grande différence dans la façon de travailler. Les joueurs performants dans les clubs sont ceux qu’on retrouve en principe dans l’équipe nationale. Donc, la méthodologie d’entraînement de l’entraîneur des clubs ne doit pas différencier de celle de l’entraîneur national. Et cela, qu’on prenne les parties techniques, athlétiques, foncières. La différence se situe dans la durée. En club, le travail technique se fait de façon permanente tant que le championnat national et la coupe nationale ne sont pas finis. En équipe nationale, c’est selon les compétitions prévues par la CAF et la FIFA qu’il y a des regroupements ponctuels qui permettent à l’entraîneur d’effectuer un travail technique.

Peut-on avoir votre jugement sur la qualité des entraîneurs burkinabè ?

C’est un problème global qui aura sa solution avec la présence de la Direction technique nationale (DTN) au niveau de la FBF. Normalement, il doit y avoir un statut des entraîneurs professionnels comme dans d’autres corps de métier. Le statut détermine la qualification et les conditions de recrutement des entraîneurs nationaux de même que des expatriés. Dans ces conditions, il y a un dossier complet à fournir par l’entraîneur. Ce dossier doit parvenir à la Fédération qui le transmet à la DTN pour analyse et avis, afin de savoir si l’entraîneur est en mesure de diriger un club de D1 ou D2, ... Si ce processus est mis en place, les choses vont rentrer dans l’ordre.

Ce que j’observe sur le plan pratique par rapport à ce que je vois, je peux dire que d’une manière générale, nous avons de bons entraîneurs mais il y a certains qui n’ont pas le niveau. Cela est dû à un manque de formation ou de stages de recyclage. Il arrive que des clubs, par manque de moyens, engagent des entraîneurs qui n’ont pas la qualification requise ; par contre, il y en a qui ont de bon niveau et il suffit seulement de leur donner les moyens nécessaires pour qu’ils s’épanouissent.


Le rôle d’un entraîneur national

D’une manière générale, selon l’entraîneur national des Etalons, Idrissa Traoré dit Saboteur, un entraîneur national est la personne chargée de la préparation morale, physique, technique, mentale et psychique de l’équipe senior d’un pays. Il peut arriver que la Fédération lui assigne d’autres missions supplémentaires par rapport à ses qualifications.

Conformément au contrat que Saboteur a signé avec la FBF, il est dit que l’entraîneur national des seniors a pour mission, la composition de la liste des joueurs sélectionnés appelés à disputer les différentes rencontres officielles ou amicales ; la composition de l’équipe retenue, le choix de l’organisation du jeu et des déplacements en cours de match ; l’organisation, la programmation et la direction des entraînements de la sélection nationale, tant sur le plan technique, physique que mental.

Pour le bon déroulement de sa mission, la FBF s’engage à prendre toutes les dispositions financières et administratives nécessaires pour la mise à disposition des joueurs du Burkina évoluant à l’étranger ou localement, dans les délais requis.


Le coup de gueule de "Famozo"

"Les entraîneurs burkinabè sont victimes de la gestion technique de notre football. Rien n’est fait pour améliorer leurs connaissances, pour les propulser, ni pour assurer la relève. Dites aujourd’hui, quels sont les entraîneurs en devenir au Burkina et qu’est- ce qu’on fait pour que dans 5, 10 ans, nous ayons de bons entraîneurs ? On se contente de les prendre au niveau des clubs et lorsqu’ils font de mauvais résultats, on les met de côté.

Il revient de droit à la Fédération de football d’avoir une politique de formation des entraîneurs, et ce n’est pas en allant dans les arrondissements qu’on aura de grands entraîneurs demain, puisqu’on prend à ce niveau-là des animateurs qui ne savent même pas écrire. Leur marge de progression n’existe pas quelque part.

Au niveau des équipes nationales, il n’y a pas d’alternance, parce que ce sont à peu près toujours les mêmes. Quand ceux-ci ne seront pas là, il y aura un vide . Ainsi, à l’instar de la Commission centrale des arbitres, il faut une Direction technique nationale forte. La faiblesse de celle-ci peut mettre tout le football burkinabè en danger."


MORY SANOU (Enseignant à l’INJEPS) : "Des enseignants d’EPS font leur preuve"

Mory Sanou est professeur d’éducation physique et sportive à l’INJEPS où il est chargé de cours de football et d’anatomie. Il est également entraîneur et instructeur de football. Avec lui, nous avons essayé de comprendre le mécanisme de la formation à l’Institut.

"Le Pays" : Un enseignant d’EPS avec option football au sortir de sa formation à l’INJEPS, a-t-il les compétences requises pour entraîner une équipe de football ?

Mory Sanou : Les cours reçus à l’INJEPS sont également développés dans la formation des entraîneurs au niveau des fédérations. L’institut ne délivre pas de diplôme d’entraîneur mais fait acquérir aux enseignants d’EPS, des spécialisations en football ou dans d’autres disciplines. Ces personnes ont des connaissances nécessaires pour faire de l’entraînement parce qu’elles ont fait la théorie et la méthodologie de l’entraînement sportif. Dans leur spécialisation, elles ont appris comment planifier une séance d’entraînement, et faire un plan de carrière. Je pense que cela leur donne les moyens pour entraîner une équipe. Ce qui va faire la différence, c’est la personnalité de celui qui a appris et l’expérience qu’il a pu acquérir .

S’il a par exemple un passé de footballeur , il vient l’enrichir avec la théorie , la pratique et cela lui permet de pouvoir s’exprimer de façon efficace ou non. Au Burkina, des enseignants d’EPS ont fait leur preuve en tant qu’entraîneurs, tout en sachant qu’il y a pour eux des formations complémentaires d’entraîneurs dans d’autres pays.

A quel niveau ou degré peut-on classer ces enseignants issus de l’Institut ?

Pour le faire, il faut qu’il y ait un système d’équivalence qui soit mis en place. Les enseignants ont une moyenne de 60 heures par an et cela peut aller un peu au-delà avec les options. Le 1er niveau de formation d’entraîneur dans certains pays par exemple fait 20h, le 2e niveau 60 heures multipliées par le nombre d’années de formation. Si vous faites l’équivalence avec le total des heures de formation à l’INJEPS, vous avez une idée.

Existe-t-il un partenariat entre l’INJEPS et la Fédération de football ?

Il y a eu de nouvelles donnes à l’INJEPS, qui a commencé à élaborer un programme de formation des entraîneurs. Dans ce cadre, il a pris des contacts avec toutes les fédérations pour que les techniciens et les enseignants de l’institut puissent ensemble valider ces programmes de façon à pouvoir permettre aux optionnaires des différentes disciplines, d’avoir les diplômes des différentes fédérations. Ce qui enrichit le nombre des entraîneurs mis sur le marché. Toutes les fédérations ont réagi positivement sauf celle de football.

Pourquoi ?

Je ne connais pas les raisons mais je sais que le directeur technique national de la FBF est passé à l’INJEPS et a pris mes contacts. C’était lors d’une rencontre que nous avions eue dans le cadre d’un projet néerlandais qui appuie l’institut pour améliorer ses capacités de formation. Il a promis que nous devions nous revoir, pour qu’on puisse se pencher sur le programme mais depuis lors, c’est le silence total.

L’INJEPS est la structure de formation en matière de sport au Burkina et logiquement, elle est ouverte à toutes les structures sportives comme cela se voit dans d’autres pays. Il ne devrait pas y avoir de complexe, ni d’infériorité, ni de supériorité. C’est une complémentarité.

Quelle est votre opinion sur les entraîneurs burkinabè ?

Nous avons des personnes qui ont fait des formations et possèdent des compétences diverses. En analysant le contexte du football burkinabè, il n’est pas facile d’apprécier. Un diplomate m’a dit un jour qu’il n’y avait pas d’entraîneur au Burkina par rapport à ce qu’il avait vu. Je lui ai dit que je ne voyais pas les choses comme lui, parce qu’il y a beaucoup d’entraîneurs qui ont été formés dans son pays et s’il n’y a pas d’entraîneur au Burkina, c’est que la formation qui se fait dans son pays n’est pas bonne. Il a reconnu qu’il y a quelque chose qui n’allait pas dans ce qu’il a dit. Un entraîneur, même s’il est compétent, peut avoir beaucoup de difficultés pour s’exprimer quand l’environnement n’est pas très favorable.


Le jugement de quelques observateurs

Nous avons approché certaines personnes qui ont accepté nous livrer leur opinion sur nos entraîneurs.

Cheick Karambiri (journaliste à la TNB) : "Nos entraîneurs ont quelques bagages. Je ne dirai pas qu’ils sont à 100% bons, mais au moins à 50%, on peut les apprécier positivement. Pour la plupart, ils ont été formés sur le tas comme c’est le cas avec les anciens footballeurs. Il y a ceux-là qui ont été formés à l’NJEPS comme professeurs d’EPS et transformés en entraîneurs de football.

Ce que je déplore au niveau de nos entraîneurs nationaux, c’est le manque de personnalité, d’autorité. Pour diriger aujourd’hui des jeunes, il faut être soi-même propre sur toute la ligne. Certains de nos entraîneurs n’ont pas cette faculté de s’imposer devant ces jeunes, parce qu’ils ne sont pas propres à 100%. Quand on veut inculquer le savoir à quelqu’un, il faut être un modèle. On a des éléments qui ont été de bons joueurs mais malheureusement pour transmettre le message aux enfants, ils ont des problèmes. C’est ce qui explique souvent que les clubs vont chercher des étrangers qui ne font pas souvent mieux que les nôtres, comme ce fut le cas avec l’EFO cette saison où Ousmane Compaoré dit Lato qui a pris l’équipe pour les derniers matches a mieux fait que l’Ivoirien Lama Bamba".

Aloys Yaméogo (ancien footballeur) : "Nos entraîneurs sont compétents par rapport aux joueurs que nous avons. Mais il y a des dizaines d’années de cela, on exigeait des entraîneurs de haut niveau, parce que les joueurs étaient de grande qualité.

Je connais nos entraîneurs actuels qui ont les compétences requises pour exercer leur métier et même hors du Burkina. Mais si nos dirigeants font parfois appel aux entraîneurs étrangers, cela est dû souvent, selon moi, à la pression qu’ils subissent de l’environnement qui règne autour d’eux".

Théophile Ouédraogo (président des supporters de l’EFO et 1er vice-président de l’UNSE) : "J’estime que les entraîneurs burkinabè sont à la hauteur et il suffit seulement de leur faire confiance. Je prends l’exemple de l’EFO où nous avons fait venir un entraîneur étranger en début de saison 2005-2006 et en qui nous avions confiance. Il a été remercié à quelques journées de la fin du championnat. Le Burkinabè qui était son adjoint a repris l’équipe en main et a réussi la fin de saison, en remportant la coupe du Faso. Si on va chercher des entraîneurs ailleurs, c’est parce que l’on pense qu’ils vont inculquer quelque chose de nettement mieux.

Mais il faut mettre nos entraîneurs à l’épreuve pour qu’ils puissent véritablement s’affirmer."

Victorien Marie Hien (journaliste à la RTB) :
"Nous avons de grands entraîneurs mais il y en a qui manquent de personnalité. Il y a des entraîneurs qui n’ont pas reçu une formation pointue mais grâce à la pratique et à leur volonté de réussir, sont en train de faire de bons résultats. Cela ne suffit pas, puisqu’ils peuvent mieux faire et c’est à travers des recherches personnelles, avec le soutien des instances dirigeantes pour la formation, qu’ils vont réussir.

Nous ne devons pas brûler les étapes même quand on a été ancien joueur et pour moi, il faut aller à l’école des clubs même des petites catégories. Sinon nous en avons vu ici au Burkina qui, à peine après avoir raccroché, sont devenus entraîneurs.

Nos entraîneurs sont compétents, mais je les classe en deux catégories. Il y a une catégorie de techniciens qui sont rigoureux et ont de la personnalité, c’est-à-dire qu’on ne peut pas influencer, tandis que dans l’autre catégorie, si ce ne sont pas des mendiants, ils sont dans le besoin. Ces derniers sont à la merci des dirigeants et je pense qu’ils n’ont pas de personnalité."

Propos recueillis par AB

Le pays

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