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Mine d’or de Poura : L’armée quitte les lieux, la pagaille s’installe

Publié le mercredi 14 avril 2004 à 07h35min

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Le détachement militaire qui assurait la sécurité de la Société de recherche minière du Burkina (SOREMIB), après sa fermeture, a décampé de Poura depuis le 31 mars.
Le départ des militaires pour des prises en charge non respectées par le nouveau repreneur de la mine a favorisé l’infiltration de plusieurs orpailleurs au sein de la mine.

De retour d’une mission à Boromo, le mardi 30 mars, le premier responsable administratif du département de Poura s’est dit étonné d’apprendre que les militaires ont décidé de replier le lendemain mercredi sur Ouaga.

Selon nos renseignements, ce départ est dû à la non prise en charge de ces militaires détachés à Poura pour veiller sur les installations techniques, les galeries et le matériel restant de la SOREMIB après sa liquidation. De ces renseignements, on nous apprend que le responsable de cette situation est le nouveau repreneur de la mine, à savoir la Société Oscar Industries SA basée à Genève et à Londres.

Pourtant, le président de cette société, Jean Berceau ainsi que son représentant, Jean-Baptiste N’Drin, directeur du cabinet Ingénierie Afrique ont maintes fois envoyé des téléfax pour rassurer les responsables de la sécurité, qu’ils régleront dans les meilleurs délais, les impayés. Ce qui ne serait pas effectif jusqu’au 31 mars, jour du départ du détachement qui en avait raz-le-bol. Les populations ainsi que la police et la gendarmerie de Poura ont donc vu plusieurs cars embarquant ces hommes qui contrecarraient les orpailleurs et les cambrioleurs dans la maison de la mine. La cité de la SOREMIB où habitaient ces cadres est aujourd’hui délabrée du fait des voleurs ayant souvent démonté les portes, les fenêtres et des climatiseurs. Un habitant de Poura nous a informé qu’on invitait les fonctionnaires à occuper les maisons dans de meilleurs délais pour éviter les cambriolages.

Une sorte de police de proximité pour dissuader les orpailleurs

Le vide laissé par les hommes de tenue a occasionné une descente spontanée de plusieurs badauds, d’orpailleurs et bandits dans la mine. Alertés le matin du départ des militaires, certains étaient allés cambrioler le patrimoine de la SOREMIB tandis que d’autres ne voulaient que la terre dans les galeries pour la laver et se faire de l’or.

Cela devant des agents de police et de gendarmerie impuissants face aux vandales, explique le préfet Vincent Koulidiati. Il a fallu l’intervention du chef de Poura-village, Yéreni Nignan pour dissuader ces envahisseurs de la mine. Informé de la situation, il a avec l’accord des autorités, désigné 54 jeunes du village et dans la commune de Poura pour venir en renfort aux forces de l’ordre. Des dispositions sécuritaires ont été prises pour occuper les points stratégiques de la mine en procédant parfois à des courses-poursuites contre les vandales.

Dans la soirée du jeudi 1er avril aux environs de 16 heures, poursuit le préfet Koulidiati, c’est un service de gardiennage, la Brigade burkinabè de sécurité qui débarque à Poura de la part du liquidateur de la SOREMIB pour sécuriser les lieux. Pour ce faire, les jeunes volontaires désignés par le chef du village se verront recrutés sur place et dotés de matériels adéquats pour la cause .

Par la suite, le même jour vers 22 heures, c’est un autre service de gardiennage qui vient de la part du repreneur de Oscar Industries, tout en voulant un recrutement parallèle, le chef de mission de ce service, la Société d’assurance et de protection a présenté au premier responsable administratif de Poura, une lettre leur mandatant d’assurer la sécurité des installations.

A ce sujet, le préfet dit ne pas se mêler pour retenir tel ou tel service de gardiennage et soutient que dès le départ des militaires, les lieux ont été sécurisés même s’il y a eu quelques débordements.

Cette affaire de prise en charge des militaires est également constatée au sein des 23 réquisitionnés au lendemain de la fermeture. Selon Ablassé Nana, tout le monde en veut au repreneur qui tarde à démarrer les activités minières, "On ne peut pas s’amuser avec l’armée comme on s’amuse avec nous qui sommes des chercheurs d’emplois !", martèle Ablassé Nana, ancien travailleur réquisitionné.

Pour lui, il faut que l’Etat prenne des décisions fermes pour sommer le président de la société Oscar Industries Jean Berceau à s’exécuter dans les meilleurs délais pour la reprise de la mine.

S’il n’est pas capable, qu’on trouve une solution, s’exclame M. Nana.

La situation de prise en charge n’est guère meilleure chez les travailleurs réquisitionnés qui, selon M. Nana , totalisent près de 8 mois d’arriérés de salaires. Il remercie tout de même les liquidateurs de la société Michel Sanou, expert-comptable et maître Benoît Sawadogo qui, de temps à autre, les soulagent en vendant des fois, les ferrailles, dit-il pour leur donner quelque chose.

Une des conséquences de la fermeture de la mine a été la diminution du pouvoir d’achat des populations, entraînant le départ de plusieurs commerçants vers d’autres horizons.

Il ne reste que quelques-uns dont l’activité commerciale est soutenue par une population cosmopolite qui tente de se réadapter à la nouvelle situation.

Mais face à cet état de fait, les uns et les autres restent toujours optimistes et croient à la réouverture de la mine d’or.

Rasmané ZONGO
AIB/Balé


Bref rappel historique

La mine d’or de Poura a une longue histoire.
Son exploitation débuta pour la première fois en 1960 par la Société des mines de Poura (SMP). Elle fut fermée en 1966.

En 1974, après des recherches qui ont abouti à la mise en évidence de près de 22 tonnes d’or de réserves pour un rythme d’exploitation de deux tonnes par an, la Société de recherche minière du Burkina (SOREMIB) fut créée pour reprendre l’exploitation. Ainsi la reprise de l’exploitation de la mine débuta le 18 octobre 1984 avec la coulée du premier lingot et SOREMI devenait SOREMIB. En mars 1996, l’arrêt de la production pour le démarrage de la réhabilitation, 15,5 tonnes d’or ont été commercialisées. Les difficultés de l’exploitation commencèrent en 1989. Elles étaient consécutives à l’effondrement en 1988 de la galerie d’accès à la mine souterraine.

Avec la baisse du cours de l’or, SOREMIB s’est retrouvée dans une situation de cessation de paiement. Placée par la suite sous administration provisoire, l’exploitation s’est poursuivie difficilement malgré l’intervention successive des partenaires IGR (International golds ressources), Ashanti Goldfields, Sahelien Golfields etc.

Avec la baisse du cours du métal jaune, plusieurs mines ont été fermées. La SOREMIB, pionnière de l’industrie minière ne pouvait échapper à cette conjoncture internationale défavorable : le 31 août 1999, elle sera fermée à son tour avec à la clé, le licenciement de plus de 300 travailleurs .

R.Z. AIB/Balé
Source Minergie septembre octobre 1999

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