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SN-SOSUCO : SOS des syndicats pour une société qui se meurt

Publié le mercredi 13 septembre 2006 à 07h40min

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Dans la lettre ouverte ci-dessous, les organisations syndicales de la province de la Comoé (ONSL, CSB, USTB) demandent au président du Faso, à qui elles rappellent au passage sa promesse de campagne électorales, de peser de tout son poids pour sauver la SN-SOSUCO "qui se meurt à cause de la mauvaise gestion manifeste".

Excellence Monsieur le Président,

En novembre 2005, lors de votre passage à Banfora à l’occasion de la campagne à l’élection présidentielle, vous avez déclaré au grand soulagement des travailleurs et des vaillantes populations de la région des Cascades qu’il n’y avait pas de souci à se faire pour la SN-SOSUCO qui exporte une partie de sa production de sucre en Europe (ce qui est vrai). En plus, comme pour rassurer davantage les travailleurs et les autres partenaires de la SN-SOSUCO, un publi-reportage entendu plusieurs récemment sur les ondes de Radio France internationale (RFI) montre, selon les dirigeants de l’entreprise, que tout va bien.

Excellence Monsieur le Président,

Aujourd’hui, nous sommes obligés de porter à votre très haute connaissance l’inquiétude qui règne au niveau des travailleurs de la SN-SOSUCO.

Excellence Monsieur le Président,

La SN-SOSUCO se porte mal et tous les travailleurs de l’entreprise le savent en vivant eux-mêmes les dures réalités.

Depuis plusieurs mois, les salaires sont payés dans le meilleur des cas plus d’une semaine après la fin normale du mois.

Le matériel de travail fait éternellement défaut et ce n’est un secret pour personne qu’il est même arrivé qu’il manque jusqu’aux simples pièces à coller au garage. Les lubrifiants, les emballages pour la production du sucre en morceaux sont constamment en rupture et l’agglomérerie connaît des arrêts techniques intempestifs. Les engrains, les herbicides et le matériel d’irrigation aussi font souvent défaut ou arrivent en retard et c’est ce qui explique le piteux état de la canne à sucre et les mauvais rendements agricoles constatés depuis plusieurs années.

Le trop lourd endettement de l’entreprise dont on dit qu’il se situe aujourd’hui à pris de 20 milliards de FCFA dus notamment aux banques, aux impôts et aux fournisseurs.

Excellence Monsieur le Président,

Comment la SN-SOSUCO qui faisait la fierté de la région des Cascades et du Burkina Faso est-elle arrivée à cette triste situation 8 ans après sa privatisation et sa reprise par le groupe IPS ?

Les raisons pour notre part sont à rechercher dans le non-respect des engagements du repreneur et la mauvaise gestion des hommes en charge de la conduite de l’entreprise et les grosses erreurs de départ lors de la privatisation. On se rappelle notamment la chasse à l’homme engagée par les nouveaux responsables dès leur arrivée dans l’entreprise contre :

- les travailleurs qu’ils ont trouvés sur place sont toujours marqués par les traitements inhumains dont ils ont fait l’objet. Des travailleurs ont fait l’objet de rasage forcé pour conserver leur emploi ;

- les fournisseurs traditionnels de l’entreprise ont été éjectés au profit de parents et d’amis qui jadis n’avaient aucun commerce connu. Aujourd’hui on les trouve dans de grosses cylindrées du futur ;

- les commerçants distributeurs du sucre ont eux aussi été purement et simplement chassés pour avoir aux yeux des nouveaux dirigeants composé avec des concurrents à eux qui ont perdu l’appel d’offre. La suite est connue puisque les nouveaux commerçants de la première vague ont laissé à l’entreprise une ardoise de près de 5 milliards de FCFA (ce qui est l’équivalent du montant de la cession de la SN-SOSUCO).

Du non-respect des engagements du repreneur

On retiendra tout d’abord que la clause d’extension des champs de canne et de l’usine est restée sans suite et les investissements prévus pour 20 milliards n’ont pas été effectués puisque l’usine croule aujourd’hui sous le poids de l’âge et il faut toute l’ingéniosité des honnêtes travailleurs pour leur assurer un fonctionnement minimal.

Il n’est pas rare de voir des techniciens fouiller les fonds de poubelles à la recherche de pièces usagées stockées avant la privatisation et se livrer à toute sorte de colmatage même sur des parties essentielles de l’usine, ce qui est indigne et inquiétant pour une entreprise de la taille de ce joyau de l’industrie burkinabè.

Le dispensaire de l’entreprise quant à lui ressemble plus à un mouroir qu’à un centre de santé au vu de son état de délabrement et de son dénuement total et ses murs badigeonnés à la hâte lors du passage de son altesse n’y changent rien.

Enfin, s’agissant de l’engagement à maintenir les emplois et à créer d’autres emplois, le constat est triste. En effet, s’il y a eu des recrutements après la privatisation, il s’est agi le plus souvent d’embauches de complaisance de proches des dirigeants de l’entreprise pour occuper des postes dits juteux mais sans lien direct avec leur profil comme le cas célèbre de ce déjà douteux technicien parachuté au service des achats où il dit avoir été placé par son "koro" pour "manger", rien que ça !

On retiendra par contre le licenciement des 8 responsables syndicaux dont le dossier est toujours en cours au niveau de la justice malgré l’apaisement de toutes les longues procédures engagées par la SN-SOSUCO.

En outre, tous les engagements qui se font correspondent presque toujours à des emplois de cadres supérieurs et du personnel à la retraite a été rappelé pour occuper des emplois fictifs comme le cas au garage. Et avec ça on s’étonne que la masse salariale ne fait que monter au lieu de baisser pendant qu’il y a eu beaucoup de départs à la retraite et des décès.

De la mauvaise gestion

La mauvaise gestion est manifeste, car l’on se rappelle l’intervention énergique des syndicats de la société en mai 1999 et la réaction de l’Etat qui s’en était suivi dans le sens d’une meilleure protection de la SOSUCO contre l’importation frauduleuse de sucre et l’assainissement du marché local favorable à l’entreprise, toute chose qui devrait permettre à la SOSUCO un meilleur épanouissement. Mais hélas, tous les sacrifices de ces travailleurs de la SOSUCO et les efforts consentis par l’Etat ont été ruinés par une gestion mafieuse.

Excellence Monsieur le Président,

Nous n’en voulons pour preuve que les faits notoires suivants :
- Une commission d’enquête interne a conclu à des malversations de tout genre au magasin général se chiffrant à plusieurs centaines de millions de FCFA. La suite, on la connaît : après un bref séjour à la Maison d’arrêt de Bobo-Dioulasso, le principal accusé se la coule douce et intente même un procès contre la SOSUCO pour licenciement abusif.

- Une somme de 1,5 millard de FCFA reçue du repreneur en août et septembre 2005 a été utilisée pour régler essentiellement un seul fournisseur comme cela ressort d’une lettre d’explication de certains directeurs opérationnels de l’entreprise.

- Une somme de 30 millions de FCFA a été remise en espèces à un opérateur économique à Bobo-Dioulasso sur simple coup de téléphone et l’objet du paiement n’a pu être précisée (SOSUCO) ne lui devant rien). Cependant, si le directeur du complexe a été licencié entre autres pour ce motif, les donneurs d’ordre et les exécutants n’ont nullement été inquiétés pour cette légèreté notoire.

- Une somme d’environ 76 millions de FCFA a été remise à un avocat pour être donnée à des hommes politiques pour des soutiens politiques. Si pour cultiver la canne et la transformer en sucre on a besoin de soutien politique, il y a fort à parier qu’entre autre ce genre de soutien a pu être sollicité pour bloquer le dossier des responsables syndicaux à la Justice pendant 7 ans.

- Du sucre commandé à Perké et pays par SOSUCO est toujours sous douane, SOSUCO ne disposant même pas des documents nécessaires pour son dédouanement et sa mise à la consommation pendant qu’elle connaît actuellement une période de rupture de stock. Il s’agit là d’affairisme mais là encore, on préfère incriminer l’Etat qu’on dit être dur envers la SOSUCO or ici encore il s’agit ni plus ni moins que de tentative de fraude et de cupidité.

- Une quinzaine de véhicules ont été loués chez une société de la place pour une moyenne d’un million de FCFA par mois et par véhicule en remplacement du parc de la SOSUCO. Cette location simple est une aberration et l’ex-directeur du complexe l’a reconnu dans sa lettre d’explication puisqu’il soutient qu’une renégociation du prix peut être envisagée.

On n’a pas besoin d’être sorti d’une grande école de gestion pour savoir que cette opération est ruineuse pour la société à moins que ce ne soit effectivement le but recherché à des fins d’enrichissement personnel. Pour notre part, cette somme que la SOSUCO a du mal à payer aurait pu suffire à doter l’entreprise d’un parc automobile digne de ce nom depuis cette location hasardeuse.

Pendant ce temps, les cars de location destinés au transport du gros du personnel est dans un état lamentable et il n’est pas rare de voir les travailleurs à pieds à cause des multiples pannes.

Au niveau des achats, c’est le comble car ce qui est réclamé à la SOSUCO par les fournisseurs (environ 3 milliards) représente plusieurs exercices de commandes avant privatisation. En apparence, plusieurs fournisseurs ne seraient que des prête-noms pour certains dirigeants de l’entreprise qui gagnent toujours les appels d’offre. Nous recommandons une vérification par les services du repreneur car les bruits de trop grande surfacturation se font entendre depuis bien longtemps déjà.

Un service contractuel de sécurité est en train de devenir une charge trop lourde pour l’entreprise, or par le passé la sécurité était assurée par des travailleurs même de l’entreprise et aucun problème majeur n’a été enregistré. Aujourd’hui, ce responsable en plus des paiements mensuels sur contrat bénéficie d’un logement, d’un véhicule et les longues absences sur la capitale prise en charge par la société deviennent très coûteuses.

S’agit-il là aussi d’embauche de complaisance masquée d’amis ?

Excellence Monsieur le Président,

Si nous avons tenu à porter à votre très haute connaissance les difficultés de la SOSUCO, c’est parce que, comme vous le savez, la SOSUCO est différente d’une simple industrie qui peut redémarrer après s’être arrêtée quelques temps. Dans le cas de la SOSUCO, il y a le volet agriculture qui nécessite un suivi permanent, sinon à terme, il ne s’agira pas d’injecter 20 ou 30 milliards de FCFA pour sa mise en route mais bien plus.

En effet, la prochaine campagne est déjà presque compromise, car les champs ont manqué d’entretien et ont souffert du manque d’eau (non pas à cause de l’aridité des barrages) mais surtout du manque de certains équipements élémentaires d’irrigation.

Excellence Monsieur le Président,

Si cette situation perdure, il y a que ceux qui devraient défendre les intérêts de l’entreprise ont choisi de la ruiner. C’est pourquoi, il est temps que des mesures adéquates soient prises afin de sauver ce qui peut l’être. Cela n’est possible que par une remise en cause du fonctionnement actuel et du respect des libertés. Nous restons à votre entière disposition pour vous communiquer toutes les informations complémentaires en notre possession pour vous permettre de peser de tout votre poids pour sauver cette importante société qui se meurt à cause de la mauvaise gestion manifeste. Veuillez agréer Excellence Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

Ont signé les organisations syndicales de la province de la Comoé

Youssouf Ouédraogo, Secrétaire général

Emmanuel Karama, Secrétaire général
Secrétaire chargé des secteurs privés et publics

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 13 septembre 2006 à 14:37, par wend zoa En réponse à : > SN-SOSUCO : SOS des syndicats pour une société qui se meurt

    los promesse de campagne electorales ne son que des faux promesse ! remarque combiens de promesse on ete fait dans notre pays et combien on ete realisé ?

  • Le 15 septembre 2006 à 15:07, par N. Ouedraogo En réponse à : > SN-SOSUCO : SOS des syndicats pour une société qui se meurt

    Voilà un très bel exemple que le FMI peut utiliser pour convaincre le Burkina de continuer dans la voie de la privatisation à outrance. A côté la SOTRACO est un exemple de bonne gestion ! Vraiment je suis surpris par la tolérance et la patience des employés qui ont vraiment attendu le dernier moment pour jeter ce cris du coeur. Comment ne peut-on pas réagir à une telle lettre si on a un minimum de fibre nationaliste. Monsieur le président, prenez vos responsabilités et faite respecter la loi. Il n’y a déjà pas beaucoup d’industrie au Burkina Faso, tentez de préserver le peu qu’il y a. Le sucre sera toujours nécessaire pour le Burkina Faso, pourquoi ne pas défendre une production locale ?

    Bon courage aux employés de l’entreprise et j’espère que l’équipe dirigeante sera mise sous les verrous pour toutes ces fraudes.

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