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Entreprises d’Etat : Les D.G. ne doivent pas trinquer seuls !

Publié le lundi 3 juillet 2006 à 07h09min

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En ce temps-là, c’était Kadré Désiré Ouédraogo qui était le locataire de la Rue Agostino Neto, et donc le président, par délégation, de l’Assemblée générale des sociétés d’Etat (A.G-S.E.).

A l’époque, lors de la présentation des rapports des conseils d’administration et des commissaires aux comptes de ce conclave des entreprises étatiques, un D.G. d’une société avait été vertement tancé par Kadré pour sa gestion.

Ce fait, rapporté par un journaliste qui avait réussi à rester dans la salle, le D.G. en question avait voulu le contester. Mais l’enregistrement du dictaphone était là et... il a dû s’excuser et fumer le calumet de la paix avec le gratte-papier tout en cherchant à "rattraper l’écrit". Ce rappel, pour dire que l’AG des sociétés d’Etat constitue une instance idéale. En tout cas si l’on s’en tient à l’esprit et à la lettre de sa création, c’est-à-dire analyser annuellement le fonctionnement des "boîtes" appartenant à l’Etat. Une radioscopie pour connaître la santé des structures, en l’espèce pour savoir si X entreprise est bénéficiaire ou déficitaire.

Un rendez-vous annuel qu’il faut saluer, car il permet, en tout cas dans le principe, de passer au peigne fin la gestion et les méthodes de travail de ceux qui sont chargés de diriger ces boîtes publiques. En effet, pour souvent le non-initié aux arcanes économiques et financières, tout se ramène à deux possibilités : ça marche et il y a beaucoup d’argent, ou ça ne marche pas et les caisses sont vides. Ce qui, au-delà du caractère prosaïque, est vrai. Mais combien sont-ils qui savent ce que sont la valeur ajoutée, les effets induits, ce que représentent les taxes et impôts reversés à l’Etat, les conseils d’administration... ?

A l’heure aussi de la mondialisation à tous crins, où le protectionnisme se fait de façon tacite et où les entreprises non compétitives sont appelées à disparaître, une telle rencontre à l’avantage de permettre de tirer la sonnette d’alarme pour dire : "attention, ici ça ne va pas !", "il faut rectifier le tir de l’autre côté !" En un mot, comme en cent, de signifier que les places se rétrécissent pour les canards boiteux.

Cette 14e grand-messe, tenue dans la salle de conférences du CBC (29-30 juin 2006), n’a pas dérogé à ce rôle de sentinelle du fonctionnement des sociétés. Si après la lecture du rapport général par le S.G. du ministère du Commerce, Jean-Claude Bicaba, les "adopté à l’unanimité" ont été timorés, incitant le P.M., Ernest Paramanga Yonli, à en redemander, ce qui a alors crevé l’applaudimètre, c’est que dans la salle, il y avait ceux qui étaient contents et ceux qui l’étaient moins.

Il y avait de quoi. Sur l’ensemble des 14 sociétés présentes à cette A.G., 10 ont obtenu des résultats satisfaisants ; il s’agit principalement d’entreprises prestataires de services. Mais si cette embellie financière à de quoi réjouir, il faut néanmoins mettre un bémol : ainsi, l’ONEA devra par exemple revoir la copie de son conseil d’administration, qui n’est pas réglementaire, et ce, d’ici le 31 juillet prochain. La LONAB, quant à elle, fonctionne avec un C.A. irrégulier et en dépit des recommandations des deux dernières sessions de l’A.G. des sociétés d’Etat ; qui pis est, avec un statut non conforme aux textes organiques.

La SONABHY, jusque-là 1re pourvoyeuse de fonds à l’Etat, détrônée en 2005 par l’ONATEL, devra, selon l’A.G. des sociétés d’Etat, communiquer de façon efficace en vue de faire comprendre aux citoyens les tenants et les aboutissants du tango que dansent les prix des hydrocarbures. Si en effet, la hausse-baisse des prix de l’or noir est objectivement explicable, il revient à la nationale burkinabè des hydrocarbures de l’expliciter jusque dans les chaumières, l’essence, le pétrole lampant, le gazoil étant utilisés partout au Burkina. Une autre société épinglée à cette rencontre a été, ce qui n’est pas nouveau, la CNSS, à qui l’A.G. a enjoint de "régulariser les conventions de prêt non signées, de fiabiliser davantage sa comptabilité ... et de tout mettre en œuvre pour donner aux conventions de prêt dont le recouvrement est douteux le traitement approprié". La CNSS, entreprise à caractère spécifique, a été sous les feux de l’actualité pour justement ces ténébreuses affaires de placement d’argent à l’extérieur et de prêts consentis à des privés qui n’ont pas respecté l’échéance de remboursement. Par contre, des entreprises qui semblaient avoir touché le fond ont émergé et reçu les félicitations de l’A.G. : la plus illustre est sans conteste la SONAPOST, qui, en 2003, se trouvait dans une "situation catastrophique" et qui, en 2005, est bénéficiaire, et c’est légitimement que son D.G., Arthur Kafando, dira en aparté : "nous revenons de loin".

Si des sociétés peuvent se présenter à cette instance, d’autres, en liquidation (CENATRIN), ne le peuvent. La LONAB, vu sa situation, n’a pas été autorisée à présenter ses comptes. L’arbre ne doit cependant pas cacher la forêt, souvent à force de prêts, légaux du reste (à des taux intéressants), l’Etat siphonne certaines sociétés et, in fine, ce sont les pauvres D.G. qui doivent œuvrer à ajuster cela et surtout à éviter à la boîte la banqueroute ; un véritable exercice de trapéziste. C’est connu, il peut arriver, il arrive que l’Etat soit "coincé", à court de trésorerie, et il ponctionne alors dans les caisses d’une boîte surliquide. Ce que l’on ne sait pas, c’est si ce prêt est remboursé dans les délais, car il n’y a pas que les privés qui connaissent ce genre de retard.

La société prêteuse retrouve-t-elle ses billes avec tous les intérêts ? Sans oublier que des sociétés "investissent" à tout vent (construction d’infrastructures, sponsoring de coupes de football de députés, de ministres...) alors que tout n’est pas rose dans la maison, loin s’en faut. L’A.G. des sociétés d’Etat a prouvé sa pertinence et si elle n’existait pas, il fallait l’inventer, car elle est une tribune où la méritocratie est valorisée et la médiocrité décriée, surtout que cela concerne les fleurons de l’économie nationale.

Quoi de plus normal, mais une des lacunes visibles de ce rendez-vous est la vague impression que certaines insuffisances ne sont pas imputables aux seuls D.G., mais aussi à l’Etat, ici à l’Exécutif, le premier ministre au premier chef, qui doit avoir le courage de battre sa coulpe, conjointement avec les D.G. indélicats et inopérants. Après tout, ne sont-ils pas nommés en conseil de ministres ?

Pourquoi seraient-ils seuls à trinquer ? Et puis, entre nous, il n’y a pas de raison que l’on dise qu’une société est à l’agonie et que son responsable soit maintenu surtout si c’est de son fait. Car, être responsable, n’est-ce pas "répondre de ... et se porter garant de quelqu’un ou d’une situation" ? C’est seulement à ce prix, que l’on déclenchera la dynamique de la compétitivité de toutes ces boîtes, réclamée à cor et à cri à chaque A.G.

Observateur Paalga

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