LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

Dossier du nucléaire iranien : L’Amérique embarrassée

Publié le mercredi 19 avril 2006 à 07h48min

PARTAGER :                          

Faut-il ou non envisager des sanctions contre l’Iran qui a montré sa ferme détermination à poursuivre ses activités d’enrichissement à l’uranium et qui ne « capitulera pas devant la menace » ? Cette question était au coeur d’une rencontre, hier à Moscou, qui a regroupé les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies, plus l’Allemagne.

Le Conseil a donné jusqu’au 28 avril au pays de Mahmoud Ahmadinejad pour suspendre ses activités, les Occidentaux soupçonnant fortement le programme nucléaire iranien de ne pas avoir un but purement civil. Ceux-ci croient, en effet, que Téhéran dissimule un volet militaire dans son programme nucléaire civil, et nourrit l’ambition de détenir l’arme nucléaire. Des ambitions osées et inacceptables pour l’Administration Bush qui n’excluait pas le recours à la force. Après l’Irak, à qui le tour ? L’Iran sera-t-il la prochaine cible de l’Administration américaine ?

En tous les cas, dans l’immédiat, l’hypothèse d’une intervention militaire américaine chez le voisin irakien paraît peu probable. Première raison. L’ouverture d’hostilités pourrait avoir d’énormes conséquences sur le plan international. Car, la place importante qu’occupe la région sur l’échiquier énergétique mondial est incontestable. Ce pays représenterait, en effet, une part de marché de l’ordre de 15% au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

Déclarer la guerre à l’Iran, c’est, pour les Etats-Unis, courir le risque de menacer ses propres intérêts pétroliers, surtout que le terrain iranien semble jusque-là inconnu et pas encore très maîtrisable. On comprend, dès lors, la position de certains Américains pour qui le poids de l’Iran dans le dossier global de l’énergie doit être pris en compte. Tout cela, l’Iran en est conscient, qui n’avait d’ailleurs pas hésité à agiter le spectre « d’une crise dans le secteur pétrolier » en cas de sanctions décidées par l’ONU.

Deuxième raison. Si les Etats-Unis « n’ont pas de plan d’attaque de l’Iran », c’est qu’ils sont toujours hantés par le douloureux épisode irakien, une guerre qui reste toujours comme une épine à leur pied. Jusque-là embourbée en Irak, la machine de guerre américaine n’a aucun intérêt, pour l’instant, à ouvrir un autre front, bien qu’aient été lancées çà et là des intimidations à l’endroit du régime de Téhéran. Donner l’assaut, ce serait vraisemblablement faire un saut à corps perdu dans l’inconnu. D’autant plus que d’éventuelles frappes auraient peu de chances de détruire toutes les installations nucléaires disséminées et souterraines, et déclencherait, en retour, une réaction dont la force de frappe pourrait surprendre. La capacité de nuisance du régime de Téhéran, vraie ou supposée, n’étant pas, jusqu’à présent, connue, l’Administration Bush s’aventurerait-elle dans une autre galère ?

Troisième raison d’une improbable intervention militaire américaine. La Chine et la Russie sont hostiles à tout usage de la force et privilégient plutôt la voie du dialogue. Quant à d’éventuelles sanctions de l’ONU contre Téhéran, là également, elles sont réservées. Deux voix qui comptent beaucoup. Il n’est pas exclu que Moscou et Pékin opposent leur veto. Une position somme toute compréhensible. Pékin qui a conclu avec Téhéran des accords pétroliers stratégiques, a besoin du gaz et du pétrole iraniens. Quant à Moscou, qui a notamment signé un accord avec le régime iranien pour lui fournir de l’uranium civil, il rêve d’avoir la mainmise sur le marché nucléaire iranien.

A ces raisons, il faut ajouter que la leçon semble avoir été retenue après que Washington a passé outre la décision du Conseil de sécurité, et avait décidé, de façon unilatérale, de déclarer la guerre à l’Irak, violant ainsi le droit international. On sait ce que cette irrévérence lui a coûté. Et si aujourd’hui, elle tente d’obtenir du Conseil de sécurité de l’ONU qu’il vote des sanctions contre Téhéran, en ne mettant pas en avant l’argument de la force, et se déclare toujours engagée dans la voie de la diplomatie, c’est en connaissance de cause et non de gaieté de coeur.

Autre raison : une autre attaque en rajouterait au sentiment antiaméricain déjà vivace à travers le monde. L’ancien président iranien, Hashémi Rafsanjani, s’est voulu clair : les pays du Golfe arabo-persique n’apporteraient pas leur aide aux Etats-Unis si Washington utilisait la force.

Si l’Iran a l’ambition de se doter un jour d’une arme nucléaire, pourquoi l’en empêcher ? Est-il plus dangereux que Israël passé maître d’ exercer un terrorisme d’Etat ? Pourquoi l’Iran n’aurait-il pas le droit à l’arme nucléaire au même titre que tous les autres pays détenteurs de la bombe atomique ? Il y a comme une injustice qui ne saurait être réparée que si on remettait tout à plat. Ou bien tous ceux qui la désirent la possèdent, ou aucun Etat ne la détient.

En réalité, ce que craignent les Américains, c’est que cette arme de dissuasion qu’ils permettent à leurs alliés comme Israël, l’Inde et le Pakistan de posséder, soit neutralisée si l’Iran et bien d’autres qui ne partagent pas leur vision du monde venaient à la posséder. Plus qu’ un atout militaire, l’arme nucléaire est aussi un gage de souveraineté, un ticket d’entrée dans le club des grandes puissances. Quel crime y a-t-il en cela ? A vrai dire, si les « Etats voyous » ont la bombe, le rapport de force risque de changer. Alors que deviendraient le Gendarme du monde et ses alliés ? Un scénario redoutable pour ces puissants du jour. Mais à trop brimer, on finit par ne plus faire peur à celui qui est écrasé. Le parti palestinien Hamas est là pour le témoigner. Rien n’indique que demain, les contestaires ne seront pas plus nombreux.

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos réactions (15)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
France : Michel Barnier est le nouveau Premier ministre
Un expert militaire analyse les actions de l’Ukraine en Afrique