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Burkina /Football : « Nous avons mal à notre relève, nous avons le potentiel, mais on n’arrive pas à l’organiser », Idrissa Congo, sélectionneur national adjoint des U20 des Etalons

Publié le mardi 27 février 2024 à 21h20min

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Burkina /Football : « Nous avons mal à notre relève, nous avons le potentiel, mais on n’arrive pas à l’organiser », Idrissa Congo, sélectionneur national adjoint des U20 des Etalons

Idrissa Congo est entraîneur de football de formation. Il a déjà coaché en première division des clubs comme l’AS Police, Salitas, et aussi en D2 Téma Bokin. Il est par ailleurs engagé dans la formation et manage un centre de formation. Il est présentement le sélectionneur national adjoint des U20 des Etalons du Burkina. En exclusivité, il a bien voulu accorder une interview à Lefaso.net, dans laquelle il dresse une analyse du niveau des équipes lors de la CAN Côte d’Ivoire 2023. Il se prononce également sur la contre-performance des Etalons lors de cette CAN CIV 2023.

Lefaso.net : Côte d’Ivoire vainqueur, Nigeria 2e, Afrique du Sud 3e, est-ce que vous vous attendiez à un tel podium, à l’entame de la CAN ?

Idrissa Congo : Il faut dire que c’est l’Afrique du Sud qui a déjoué les pronostics. On ne l’attendait pas à ce niveau. Par contre le Nigeria et la Côte d’Ivoire oui. Le Nigeria parce que c’est une équipe habituée et qui a un passé glorieux dans cette grande compétition, et la Côte d’Ivoire en tant que pays organisateur, donc avec ces atouts on se disait que ces deux derniers pouvaient aller loin, ceci étant, dans ce podium, on peut dire que seule l’Afrique du Sud déjoue les pronostics.

D’aucuns disent que cette CAN CIV 2023 fut celle qui a connu beaucoup de surprises, avec les éliminations prématurées de grosses pointures, comment peut-on expliquer cela ?

Effectivement il y a eu beaucoup de péripéties, beaucoup de rebondissements, beaucoup de surprises, il y avait des grandes nations que tout le monde attendait au dernier carré, qui malheureusement sont sorties très tôt en phase de groupes. Cela s’explique par le travail abattu par ces nations que les gens pensaient être des petits poucets.

Pour arriver à un tel niveau de compétition, il faut réunir trois conditions : il faut d’abord avoir des joueurs compétitifs, ça c’est très important, il faut avoir une qualité d’effectif et en quantité. Si j’avance ces deux paramètres, il faut que dans tous les compartiments, il y ait des remplaçants de taille. Et puis une équipe de football n’est pas un regroupement de stars, mais d’individus qui se comprennent, qui s’entendent, où il y a une cohésion.

Quand on parle d’équipe, on parle de mental. Quand je parle de la Côte d’Ivoire, c’est grâce à cet aspect-là qu’elle est arrivée à se métamorphoser, car au début c’était un regroupement de stars. Mais après le séisme de « magnitude 4 », je fais allusion aux 4-0 contre la Guinée Equatoriale, ça été un événement qui a fait du bien à la Côte d’Ivoire. Cela a permis aux joueurs de se souder parce que la nation était en colère, l’opinion internationale était ébahie, les familles des joueurs étaient menacées. Donc quand on parle de surprises, c’est comme si l’on sous-estime les équipes qui ont travaillé pour arriver là, je pense que c’est le fruit du travail qui a permis quand même aux équipes que l’on n’attendait pas de frapper de grands coups.

Comment jugez-vous le niveau d’ensemble de cette CAN CIV 2023 ?

C’était une CAN d’un très bon niveau. Ça s’explique déjà par le fait que de grandes nations aient été éliminées très tôt. Ceux que l’on appelait des outsiders ont élevé leurs niveaux pour venir à bout de ces grandes nations, donc la compétition était très relevée. Sur le plan organisationnel, ça été une réussite, parce que qui parle de beauté du jeu, parle d’infrastructures. Et là, la Côte d’Ivoire a mis à la disposition des équipes des terrains de qualité, des hôtels de qualité, des terrains d’entraînements de belle facture, et tout cela a concouru à donner des jeux de très bon niveau.

Quels sont les pays qui vous ont impressionné ?

Je citerai pêle-mêle l’Angola, l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Cap Vert, la Mauritanie. Ce sont des pays qui m’ont impressionné. Quand vous prenez l’Angola, c’est une équipe très collective. Elle n’a pas beaucoup de stars, mais une formation très redoutable, efficace, bien soudée avec un jeu bien élaboré. Quand vous prenez l’Afrique du Sud, elle est arrivée avec un effectif à 98% de locaux, dont une dizaine de joueurs d’un seul club, le Mamelody Sundowns.

C’est vraiment un message que l’Afrique du Sud lance pour dire que l’équipe prime sur les individualités et l’avenir appartient aux équipes qui se baseront sur les joueurs du terroir. L’Afrique du Sud avait un jeu vraiment collectif, très élaboré. La Côte d’Ivoire, depuis sa résurrection entre guillemets, était devenue une équipe très cohérente, très joueuse, très entreprenante et immunisée sur le plan mental. Le Mali était aussi impressionnant, seulement qu’elle a croisé un adversaire mentalement plus fort, la Côte d’Ivoire, en quarts de finale.

Vous savez que la Côte d’Ivoire a remporté le match en étant réduite à dix joueurs, ça veut tout dire. Le Cap Vert et la Mauritanie présentaient également un jeu très cohérent, dans le même registre que l’Afrique du Sud. Ce sont des joueurs locaux. Voilà des formations qui m’ont vraiment impressionné, que les gens n’attendaient pas et qui ont prouvé que le collectif prime sur les individualités.

Avec ce nivellement des valeurs, doit-on s’attendre à une redistribution des cartes en Afrique pour les prochaines années ?

Il faut s’attendre à une redistribution des cartes de leadership sur le continent les prochaines années. Ces petits poucets qui se sont organisés pour arriver à ce niveau-là et ils y ont pris goût vont continuer dans cette dynamique.

Au vue de cette CAN CIV 2023, comment voyez-vous les éliminatoires à venir pour la CAN 2025 ?

Ces éliminatoires de la prochaine CAN seront très difficiles. La phase finale nous a fait comprendre que des nations ont beaucoup progressé, mais dorénavant les surprises que nous avons connues à cette CAN, commenceront même dès les phases éliminatoires. On n’attendra même plus les phases finales de poules à la CAN. Je pressens que les surprises risquent de débuter lors des éliminatoires.

Une équipe comme le Ghana, quadruple champion d’Afrique, éliminé au premier tour à la CAN 2021, cette CAN encore, une élimination dès le premier tour, selon vous comment peut-on expliquer ces contre-performances ghanéennes ?

Selon moi, il doit y avoir un problème d’organisation au sein du Ghana. Pour préparer une CAN, il y a certaines vérités qu’il faut se dire, en commençant même par la sélection des joueurs. Quel joueur doit venir, quel joueur ne doit pas venir, est-ce que l’entraîneur a les mains libres pour faire venir ceux qu’il veut, est-ce qu’au sein du groupe, il y a une cohésion, est-ce les plus méritants qui sont là. Tout ça c’est des questionnements. Et quand vous n’avez pas une vision de long terme, ça vous échappe, sinon il n’y a rien pour justifier ce que le Ghana vit deux CAN de suite.

Le Ghana est une grande nation de football, il a un vivier de joueurs où il peut puiser pour toujours exister dans la sphère des grandes nations. Mais malheureusement, le constat est là, depuis quatre, cinq ans ça ne va plus. Je ne suis pas dans les secrets des dieux, mais à mon sens il doit y avoir un problème organisationnel. Il faut mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut, faire valoir le collectif au détriment des individualités, car au football, il ne suffit pas d’avoir de grandes individualités pour y arriver.

Selon le coach Congo, beaucoup de joueurs des Etalons, sont arrivés à la CAN en état de méforme.

A peine deux ans après être parvenus en demi-finale, à Cameroun 2021, les Etalons étaient méconnaissables à cette CAN CIV 2023, comment peut-on expliquer cette grande méforme ?

A la CAN au Cameroun, il y avait des garçons comme Dango Ouattara, Bertrand Traoré, Cyrille Bayala, qui animaient notre secteur offensif. Ils étaient compétitifs en ce moment. Mais vous voyez qu’à la CAN en Côté d’Ivoire, l’équipe avait un effectif pas riche, car on n’avait pas le luxe de changer comme on le voulait. Quand vous prenez le poste de latéral gauche, il a fallu reconvertir un défenseur axial pour jouer ce rôle.

Quand vous voyez au niveau des flancs, si Dango, Bertrand ne sont pas là, les Fessal Tapsoba sont des jeunes, très volontaires certes, mais n’avaient pas cette expérience. Ceux qui étaient expérimentés sont venus en état de méforme. Les facteurs à remplir pour arriver à cette compétition, comme je l’ai déjà souligné, sont aussi de mise pour les Etalons également. Si vous ne remplissez pas ça, vous caracolez.

Il y a des moments où les stars ne répondent pas et en ce moment il faut faire avec les joueurs qui peuvent répondre. Moi je pense que quand quelqu’un est en méforme, c’est mieux de mettre quelqu’un d’autre qui est en forme. Même s’il n’a pas d’expérience, il peut jouer son va-tout. Tout un pays ne peut pas manquer de solutions de rechange. Il faudra que l’on se ressaisisse pour les prochaines échéances parce que l’opinion publique est devenue très exigeante avec les Etalons du Burkina. Ils ont quand même atteint un certain niveau, si bien que l’on ne pense plus ne pas pouvoir participer à une CAN.

Et c’est ça aussi le piège parce que toute grande nation de football connaît des périodes de disette, de creux de la vague, où il faut en profiter pour préparer sereinement l’équipe pour encore revenir au sommet. Une équipe fonctionne souvent en dents de scie, puisque le football est une activité humaine. Il y a les cadres qui vieillissent et qu’il faut remplacer avec des jeunes qu’on a préparés sur le long terme. Je pense que nous avons mal à notre relève. Nous avons le potentiel, mais on n’arrive pas à l’organiser, à le suivre pour qu’il soit prêt au moment voulu.

Barthélemy KABORE

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