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Burkina/Santé : « La médecine conventionnelle et celle alternative doivent pouvoir se compléter », Hamadi Konfé, chef du service de promotion de la médecine alternative

Publié le lundi 12 février 2024 à 22h55min

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Burkina/Santé : « La médecine conventionnelle et celle alternative doivent pouvoir se compléter », Hamadi Konfé, chef du service de promotion de la médecine alternative

La médecine alternative est en voie d’organisation au Burkina Faso. Elle regroupe plusieurs types de pratiques allant de la phytothérapie à la guérison par l’utilisation des énergies, les techniques manuelles, les thérapies de l’esprit... Dans cette interview qu’il a accordée à votre journal, Hamadi Konfé, chef du service de promotion de la médecine alternative, revient sur les différentes catégories de la médecine alternative au Burkina Faso, les garde-fous pour éviter les dérives, etc. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Qu’est-ce que la médecine alternative ?

Hamadi Konfé : Si on se réfère à la définition de l’OMS [Organisation mondiale de la santé], le terme médecine alternative désigne un ensemble de pratiques très variées qui ne relèvent ni de la tradition du pays, ni du système de santé prédominant du pays concerné. Ça veut dire qu’une médecine traditionnelle d’un pays peut être définie dans un autre pays comme une médecine alternative, parce que ça ne relève pas de leur système de santé officielle et ça ne relève pas non plus de leurs traditions. Par exemple la médecine chinoise ici au Burkina est classée parmi les médecines alternatives.

Quelles sont les différentes spécialités qui composent la médecine alternative ici au Burkina ?

C’est un vaste ensemble de pratiques. Dans le monde, on compte au minimum 600 pratiques en matière de médecine alternative. Au Burkina ici, on a essayé de les classifier en plusieurs catégories. Il y a en a qui ont les mêmes racines ; en fonction de ça, on les a classés en six catégories. Il y a les médecines traditionnelles alternatives. On a pris tantôt l’exemple de la médecine traditionnelle chinoise qui comprend entre autres l’acupuncture. Il y a d’autres méthodes comme l’utilisation de leurs plantes pour soigner. La deuxième catégorie, ce sont les techniques dites manuelles. Elles se fondent sur un dysfonctionnement ou une blessure. Le principe c’est que s’il y a un dysfonctionnement quelque part sur le corps, ça va jouer sur le fonctionnement de l’ensemble du corps. Donc, les praticiens vont manipuler une partie du corps pour soigner le corps entier. L’exemple, c’est la chiropraxie, l’ostéopathie, il y a aussi les massages, le yoga.

La troisième catégorie, ce sont les médecines diététiques et la phytothérapie. Leur fondement est que notre état de santé dépend intrinsèquement de ce que nous consommons. Ces techniques sont basées sur des régimes alimentaires pour corriger certains déséquilibres. Dans cette catégorie, on met la phytothérapie qui est l’utilisation exclusive des plantes, fleurs, essences pour soigner certaines maladies.

Il y a aussi les énergies extérieures. La guérison pranique et d’autres spécialités font partie de cette catégorie. Elle se penche sur la théorie que les énergies extérieures peuvent affecter la santé de l’individu. Tout est énergie. Dans notre environnement, même les murs dégagent des ondes qui agissent sur nous, les objets, les ordinateurs. Aujourd’hui il y a le développement de la technologie avec les ondes électromagnétiques. C’est connu, les téléphones portables, les antennes téléphoniques, les ordinateurs génèrent des rayonnements qui peuvent jouer sur notre énergie. Le corps humain, c’est comme une boule d’énergie qui beigne également dans l’énergie extérieure. C’est sur ce principe que les praticiens agissent pour pouvoir équilibrer l’énergie corporelle pour rétablir la santé. Il y a les thérapies électromagnétiques, le reiki, le QI gong, la guérison pranique, etc.

Il y a une cinquième catégorie, ce sont les thérapies de l’esprit. On a l’hypnose, la méditation, etc. Des études ont montré que la guérison est meilleure quand la santé émotionnelle et mentale est bonne. On travaille sur ton mental, ton esprit, tes émotions et lorsque c’est stable, ta guérison devient plus facile.

Il y a aussi les thérapies sensorielles. Elles se fondent sur les cinq sens que nous avons, notamment la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût. Ce que nous voyons peut affecter notre santé. Il y a des gens par exemple qui n’aiment pas la couleur rouge. Il y a d’autres qui sont à l’aise quand ils voient le bleu. Il y a plusieurs méthodes pour utiliser les cinq sens. Il y a l’art, la danse, la musique, les visualisations.

Il est possible qu’on révise cette classification pour rajouter d’autres catégories.

Etes-vous convaincu que ces médecines sont efficaces ?

Oui à 100%. C’est efficace parce que les vraies médecines alternatives se fondent sur le fonctionnement de l’organisme, sur l’environnement. Même dans la médecine conventionnelle, les enseignements qu’on donne, si tout est appliqué, ça va favoriser la santé. Mais il y a certains enseignements de la médecine conventionnelle qui ont été délaissés. Quand un malade vient, on ne doit pas voir uniquement que la maladie, mais l’individu dans son ensemble. On doit s’intéresser à son milieu de vie, à son entourage, à son état mental, à ses relations avec les autres. Mais dans la pratique, nous voyons que ce n’est pas ça. Ce sont ces parties très importantes qui intéressent plus la médecine alternative. On prend l’individu dans sa globalité. Ce ne sont pas des sciences qui sont venues comme ça, c’est basé sur la réalité.

Ces médecines sont-elles habilitées à prendre en charge toutes sortes de pathologies ou devrait-il y avoir une limite ?

À mon avis, elles devraient avoir une limite. Utiliser la médecine alternative ne dispense pas quelqu’un d’aller consulter un spécialiste de la santé, un médecin. C’est vrai que dans la pratique, des témoignages montrent que des gens sont guéris de maladies. Mais dans le langage de la médecine alternative, on évite d’utiliser les termes soigner, guérir ; même si dans la pratique on voit que des gens utilisent et sont guéris. C’est un garde-fou qu’on doit mettre pour ne pas que les gens pensent que si on utilise la médecine alternative, on ne doit plus voir un médecin. Ça doit pouvoir se compléter. Il y a certaines catégories, par exemple la réflexologie, pour soulager le patient le temps qu’il aille consulter. Mais quand on prend la phytothérapie, les régimes diététiques, la guérison pranique, ça arrive à guérir. Mais c’est dans le langage qu’on doit observer cette prudence parce que les organismes ne sont pas les mêmes. Ce qui peut marcher sur moi peut ne pas marcher sur l’autre.

Ne craignez-vous pas des dérives ?

Si. C’est la raison de la création du service de médecine alternative au sein du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. On voit qu’il y a des pratiques qui, au fur et à mesure, sont en train de s’introduire au Burkina. Ce ne sont pas des soins gratuits, les gens peuvent s’ériger en tant que praticiens de la médecine alternative. Voilà pourquoi la première mission du service, c’est la règlementation. C’est de mettre en place les textes pour dire qui peut exercer la médecine alternative et dans quelles conditions.

Justement, en quelle année a été créé le service et quelles sont vos missions ?

C’est un service récent créé à la faveur du nouvel organigramme 2022 du ministère de la Santé. La première mission, c’est de règlementer, favoriser la mise en place des textes règlementaires, notamment un décret portant conditions d’exercice, le décret portant conditions de création, d’ouverture et d’exploitation d’un établissement de médecine alternative qui seront suivis par des arrêtés d’application. Après, nous allons établir une base de données, faire un recensement des praticiens de la médecine alternative, chacun avec sa catégorie, son numéro, sa localisation. En plus de ça, on va identifier les bonnes pratiques, ceux réellement qui pratiquent bien et qui arrivent à satisfaire les gens. On va faire le recensement de ces pratiques et les documenter pour pouvoir mettre à la disposition de la population. Notre mission également c’est de guider les gens.

On a déjà une liste de praticiens. Lors de nos tournées, au fur et à mesure que nous les découvrons, on les enregistre avec leurs coordonnées GPS de telle sorte que si vous avez besoin d’un, vous avez son adresse. Ce qui reste à faire, c’est d’améliorer cette base et de l’élargir.

Ce type de médecine n’est pas vraiment développé chez nous ici. Que faites-vous au sein de votre service pour le développement de la médecine alternative au Burkina ?

Pour l’instant, nous ne sommes pas à la phase de développer parce qu’il y a 600 types de médecine alternative. Ce que nous faisons, c’est de mettre d’abord les bases. C’est de canaliser la pratique. Avec la mondialisation, forcément, ça va se développer. Ce que nous comptons faire, c’est d’encadrer, mettre un accent particulier sur la formation. Dans la plupart des pays développés, ce n’est pas n’importe qui, qui pratique la médecine alternative ; soit tu es médecin, pharmacien, infirmier, sage-femme… en tout cas agent de santé. Ce sont les personnes déjà diplômées en santé qui vont allées faire un autre cursus.

La durée est variable en fonction des spécialités. Il y a certaines qui peuvent aller jusqu’à cinq ans. Par exemple l’homéopathie peut te prendre cinq ans d’études. Ici aussi, on peut voir les conditions pour que la pratique ne soit pas bafouée et qu’on permette aussi à ceux qui veulent pratiquer de pouvoir le faire. Mais on va exiger un minimum de formation. Nous avons déjà ce que nous appelons les autorisations provisoires que nous délivrons. Quand quelqu’un vient, on fait des vérifications pour voir s’il a reçu une formation, s’il a le matériel dédié à la pratique, on visite même son lieu de travail avant de lui donner l’autorisation provisoire.

Nous sommes au terme de l’entretien. Un dernier mot ?

Je voudrais lancer un appel à ceux réellement qui s’inquiètent pour leur santé. La santé ce n’est pas d’attendre de tomber malade pour aller se faire consulter. La maladie c’est comme un iceberg, avant de le voir, il y a beaucoup de choses qui se sont passées et que tu ne sens pas. Mais le jour que la maladie se déclenche, c’est que l’organisme a atteint sa limite. Je conseille donc aux gens de consulter régulièrement pour leur santé. La médecine alternative vise à rendre la personne responsable pour gérer elle-même sa santé. Donc, le conseil, c’est que les gens se renseignent. Il ne faut pas se contenter seulement d’apprendre que quelqu’un soigne quelque part et se lever pour aller se faire soigner, parce qu’il y a de faux praticiens. Je lance un appel à se renseigner au niveau du ministère de la Santé, nous avons un répertoire des personnes qui exercent selon les règles.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Photo et vidéo : Ange Auguste Paré

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