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Hantise de la grippe aviaire : “Même pour les sacrifices, les clients refusent de toucher aux poulets”

Publié le lundi 6 mars 2006 à 07h47min

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Le Nigeria, l’Egypte, le Niger, et maintenant l’Ethiopie... La liste des pays africains frappés par la grippe aviaire s’allonge. Officiellement, la maladie ne sévit pas au Burkina Faso. Mais déjà, à Ouagadougou c’est la débâcle sur les lieux de vente de poulets et autres types de gallinacés.

Les clients fuient de plus en plus les vendeurs de poulets. Un tour chez ces vendeurs, le 28 février 2006, a laissé transparaître leur désarroi consécutif à la psychose créée au sein de la population par l’apparition de la grippe aviaire en Afrique.

Assis, tout crispé devant sa cage à volaille vide, au pied du château d’eau de Katré yaar (secteur n°29) à Ouagadougou, Adama Ouédraogo ne cache pas son amertume face à cette crise qu’il redoutait tant : « Nous sommes devenus des vagabonds », dit-il. « Les clients ont peur d’attraper la grippe aviaire et ne viennent plus ». En effet, un coup d’œil, dans les quinze cages qui font vivre au moins trois personnes chacune, permet de se faire une idée de la triste réalité.

Ces cages, d’habitude remplies à craquer, sont maintenant clairsemées de pigeons et de poulets. Avant l’apparition de la grippe du poulet au Nigeria et plus proche de nous au Niger, le marché de volaille était on ne peut plus généreux pour Adama Ouédraogo et ses collègues.

C’était le temps où les clients leur arrachaient littéralement les poulets. Adama Ouédraogo se rappelle à son bon souvenir ces périodes de fête où certains coqs étaient vendus entre 2500 et 4000 FCFA. « Je vendais une centaine de poulets par jour mais aujourd’hui, je n’en vends pas plus de trente », se lamente-t-il.

Les Ouagalais se méfient même du poulet flambé

Ce qui est encore plus triste, c’est lorsque ces « débrouillards » sont contraints de vendre à perte. Ainsi, après avoir acheté 110 pintades à 135 000 FCFA, M. Ouédraogo s’est vu obligé de les céder à 80 000 FCFA. « Je les ai revendues avec une perte de 55 000 FCFA, à cause de cette sale maladie », souligne-t-il. Aussi, s’il ne tenait qu’à Adama Ouédraogo, il dirait aux consommateurs de continuer à manger de la volaille. « Les responsables de la santé disent que la maladie n’existe pas au Burkina Faso », ajoute-t-il.

Du côté de Nabi Yaar, le constat est le même. Un marchand de volaille rencontré là-bas ne semble pas comprendre l’attitude de la population. « Je pense que nos autorités nous disent la vérité lorsqu’elles affirment qu’il n’y a pas de grippe aviaire au Burkina, donc les gens peuvent continuer à manger du poulet », explique Gaston Compaoré. « Je pense que nos autorités ne vont quand même pas laisser les gens consommer des oiseaux atteints de la grippe aviaire ».

Gaston Compaoré écoulait quotidiennement plus de 200 poulets et pintades. Un chiffre vite grippé qu’il a vite fallu diviser par trois depuis qu’il est question de cette grippe parachutée d’Asie via l’Europe. Gaston Compaoré est d’autant plus surpris par le comportement des clients que certains rechignent même à toucher du poulet. « Même ceux qui viennent acheter les poulets pour des sacrifices refusent de les toucher et exigent qu’on les mette vivants dans les sachets en plastique », dit-il, exaspéré.

Pour lui, le constat est clair : si rien n’est fait, ce sera la faillite et donc le chômage de tous ceux qui exercent dans le domaine. A Nabi yaar seulement, ce sont plus de 76 emplois directs qui sont menacés de disparition. Mais le pire est peut-être à venir.

Car il n’est pas normal que ces gens qui manipulent le poulet à longueur de journée ne connaissent que très vaguement la grippe aviaire. En réalité, ils en ont seulement entendu parler. Ils ne savent pas comment elle se manifeste, ni comment s’en protéger, n’ayant reçu aucune formation ni information digne de ce nom. Ici, inutile de rentrer dans les ramifications du genre « la souche H5N1 est la plus virulente des souches de grippe aviaire. » Personne ne comprendra.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Le dicton selon lequel « le malheur des uns fait le bonheur des autres » n’a jamais été aussi vérifié. Longtemps reléguées au second rang, les viandes de mouton et de bœuf ont remplacé le poulet dans les maquis et restaurants de Ouagadougou. Le poisson a lui aussi bénéficié du « boycott » du poulet. Aussi, certains grilleurs de poulet ont vite opéré une reconversion vers le mouton ou le poisson.

C’est le cas de ce « flambeur » de poulet au secteur n°30 de Ouagadougou. « Je vais maintenant griller du poisson », dit Wahabou Baga. « Avant, je vendais plus de 40 poulets grillés par jour, mais maintenant je n’en vends que dix. Je ne peux plus continuer ». Mais fort heureusement, le tableau n’est pas aussi sombre partout. Au maquis TV5 du secteur n°29 par exemple, les clients redemandent du poulet.

Il y en a qui lancent des plaisanteries sur la grippe aviaire, mais ils consomment du poulet, qu’il soit sauté, grillé ou flambé, au grand bonheur de M. Alain Bouyain, le cuisinier chef grilleur du coin. « Moi, je ne me plains pas », dit-il tout heureux. « Mes clients continuent d’acheter mes poulets sans faire de problème ».

Comme les autres manipulateurs de volaille, Alain Bouyain a entendu parler de la grippe aviaire à travers les médias, principalement la télévision et la radio. Mais il ne sait pas exactement ce que c’est. Ce qu’il sait par contre, c’est que le ministère de la Santé « n’a rien dit ». « Donc on peut continuer à manger les poulets en attendant... »

Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 6 mars 2006 à 10:25 En réponse à : > Hantise de la grippe aviaire : “Même pour les sacrifices, les clients refusent de toucher aux poulets”

    Il faut se rappeler que cette gripe aviaire a fait moins de 100 morts dans le monde. Donc moins que toutes les autres maladies connus a ce jour. plus d’un million de fois moins que le palludisme.

    il ne faudrait pas qu’en Afrique on laisses les priorités pour s’occuper d’un problème que les pays riches médiatisent pour garder leur population dans une peur qui favorise l’oubli des vrais problemes de chomage, et de crises etc...

    En France on a plus parlé de la gripe aviare (zero contamination de français, zero mort de français) que du chicungunia (plus de 150 000 contamination de français, pres de 100 morts français)...

    • Le 6 mars 2006 à 13:14, par Sankara Raoul En réponse à : > Hantise de la grippe aviaire : “Même pour les sacrifices, les clients refusent de toucher aux poulets”

      Je suis d’accord que ce débat passionne tant les burkinabé instruits. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Laissons les débats de haut niveau aux pays de haut niveau. Le palu reste encore la première cause de mortalité au BF. La méningite est entrin de sévir dans certains districts sanitaires du pays. La famine est presque devenue un rituel annuel.
      Tournons SVP les yeux vers d’autres priorités.

      • Le 6 mars 2006 à 20:25, par Geppla En réponse à : > Hantise de la grippe aviaire : “Même pour les sacrifices, les clients refusent de toucher aux poulets”

        En clair, continuons de manger le poulet sans nous soucier. Ceux qui seront contaminés ferons de la courte liste des gens morts de grippe aviaire, une liste bien moins longue que celle du palu, du sida, ...

        A tous, surtout mesdames, ne rechignez pas devant le poulet. Miam miam, que c’est toujours doux. Reclamez toujours le sachet noir sans crainte. De toute façon on mourra bien un jour de quelque-chose !

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