Burkina Faso : Les défenseurs des droits humains recommandent une véritable protection des droits
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Au Burkina Faso, la défense des droits humains s’inscrit dans un paysage de plus en plus complexe, marqué par un rétrécissement inquiétant de l’espace civique, estime la Commission nationale des droits humains (CNDH). Au regard des risques et des menaces auxquels sont désormais exposés les défenseurs des droits humains, la CNDH a organisé, avec l’appui du Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), une revue à mi-parcours de la mise en œuvre des recommandations issues du Forum national de protection des défenseurs des droits humains, tenu en 2022. La cérémonie d’ouverture officielle des travaux s’est déroulée ce samedi 9 décembre 2023 à Ouagadougou, à l’occasion de la Journée internationale des défenseurs des droits de l’homme.
Le Burkina Faso, autrefois salué pour son engagement en faveur des droits de l’homme, connaît actuellement une période difficile dépeinte par la Commission nationale des droits humains (CNDH). « Pour être sincère, la question des droits humains aujourd’hui est très problématique. J’ai l’habitude de dire : nous, défenseurs des droits humains, nous tenons une patate chaude ! On attend beaucoup de nous, nous marchons sur des œufs. Que faire ? », affiche clairement la présidente de la CNDH, Gonta Alida Henriette Da.
À cette revue à mi-parcours sur la protection des défenseurs des droits humains, il est question de dresser l’état des lieux de la mise en œuvre des recommandations issues du Forum national organisé à cet effet, en 2022. « J’espère qu’au sortir de cet atelier, nous pourrions ensemble trouver les stratégies, les approches qu’il faut pour faire prendre en compte nos recommandations, mais aussi nous protéger », a indiqué la présidente de la CNDH.
« Offrir l’occasion à chacun d’apporter sa contribution pour sortir de la crise »
Malgré la situation difficile de la question des droits humains au Burkina Faso, Henriette Da se réjouit néanmoins de l’élaboration d’un document qui représente un dispositif d’alerte précoce et de réponses rapides aux cas de violations des droits humains, allant dans le cadre de leur protection. Pour la présidente de la CNDH, il y a de quoi se réjouir à également du fait de l’existence même de l’institution placée sous sa responsabilité.
« On se bat toujours pour que la CNDH puisse exister. Mais nous restons sur notre soif », a-t-elle déclaré. Les recommandations que madame Da formule pour l’amélioration des droits humains au Burkina Faso sont les suivantes : « Il faut que l’on accepte les critiques objectives et que l’on aille dans le sens de protéger véritablement les droits. Il est nécessaire d’offrir l’occasion à chacun d’apporter sa contribution pour ensemble travailler à sortir de cette crise sécuritaire ».
Dans son allocution, la représentante du Bureau du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme au Burkina Faso, Zeinab H. Diaby, a souligné que l’espace civique est l’environnement permettant à la société civile de jouer un rôle dans la vie politique, économique et sociale. « L’espace civique est indispensable pour assurer une participation effective des individus (hommes, femmes et jeunes) à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques qui affectent leurs vies, notamment en leur garantissant les libertés d’expression, de participation, de réunion et d’association.
Le rôle du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme
Zeinab Diaby a expliqué que le Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme (HCDH) a un rôle unique à jouer dans la protection de l’espace civique et le renforcement de la participation. Elle précise en effet que l’institution œuvre pour soutenir les moyens d’améliorer l’espace civique au niveau des pays, tout en améliorant les réponses stratégiques aux menaces. « Le rôle du HCDH consiste aussi à renforcer les bonnes pratiques en matière de protection, y compris les réseaux de protection. Il permet de rendre le travail des défenseurs des droits humains plus visible, en leur offrant davantage de soutiens et changer le discours », a-t-elle présenté.
Pour rappel, en janvier 2020, la CNDH avait pris l’initiative de rassembler les acteurs engagés dans la défense des droits humains au Burkina Faso, lors de son premier Forum national des défenseurs des droits humains. La thématique centrale portait sur la protection des défenseurs des droits humains dans un contexte de crise sécuritaire. À la suite de ce forum, la mise en place d’un Mécanisme national de protection des défenseurs des droits humains a été recommandée.
Les recommandations du FNDDH de 2022
En septembre 2022, la CNDH a organisé son deuxième forum national sous le thème : « Opérationnalisation du mécanisme national de protection des défenseurs des droits humains dans un contexte de crise sécuritaire ». Ce forum a également formulé des recommandations adressées d’abord à l’État. Elles invitent notamment à respecter, protéger et réaliser les droits des défenseurs des droits humains en prenant toutes les mesures pour enquêter sur les violations et atteintes à leurs droits, à s’assurer que les opérations de sécurisation du territoire s’inscrivent dans le respect des droits humains tout en veillant à apporter des suites judiciaires aux allégations de violations des droits humains.
D’autre part, des recommandations ont été adressées à la CNDH, dans le but d’assurer le bon fonctionnement du Mécanisme national de protection des défenseurs des droits humains et d’accompagner les défenseurs des droits humains dans la mise en place d’un réseau national.
En outre, il a été convenu de tenir le Forum national des défenseurs des droits humains chaque deux ans et de faire une revue à mi-parcours de la mise en œuvre des recommandations du forum chaque année.
Dans la dynamique de mise en œuvre de ces recommandations, la CNDH, en collaboration avec le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), a formé 100 défenseurs des droits humains à l’utilisation du Manuel de procédure opératoire du dispositif d’alerte précoce et de réponse rapide. Une première formation s’est déroulée à Bobo-Dioulasso du 30 mai au 1 juin 2023 au profit des défenseurs des droits humains de la Boucle du Mouhoun, des Cascades, du Sud-Ouest et des Hauts-Bassins. Et une seconde session s’est tenue du 20 au 22 juin 2023 au profit des acteurs des régions du Centre-Est, de l’Est, du Plateau central et du Centre-Sud, à Tenkodogo.
Hamed Nanéma
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