Burkina / Crise sécuritaire : Les enseignants de Diapaga entre peur et manque de nourriture
Dans un communiqué dont Lefaso.net a obtenu copie, les chefs d’établissements publics des enseignements post-primaire et secondaire de Diapaga (province de la Tapoa, région de l’Est) ont annoncé suspendre les cours du lundi 20 au samedi 25 novembre 2023 à cause des actions des groupes armés. Depuis le lundi 27 novembre, la situation est revenue à la normale, ou presque. Si les cours ont repris, les enseignants se plaignent du manque de tout. Pour mieux comprendre la situation, Lefaso.net a contacté l’un d’entre eux.
Le chef-lieu de la province de la Tapoa subit depuis quelques années la pression des groupes armés terroristes. L’une des conséquences des actions de ces forces obscurantistes allergiques au savoir (l’école) est la fermeture d’établissements de façon continue ou périodique.
Le 18 novembre 2023, les groupes armés ont encore semé la terreur à Diapaga. Le bilan fait état de 15 personnes assassinées dont des civils et des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), selon nos confrères de L’Observateur Paalga. Cette situation a eu pour conséquence, la fermeture des écoles pendant six jours.
Nous avons recueilli le témoignage d’un enseignant de Diapaga. Pour des raisons de sécurité, nous préférons taire sa véritable identité. Nous l’appellerons Mr X. « A Diapaga, nous vivons une situation très difficile avec des incursions terroristes fréquentes dans différents secteurs de la ville. La vie devient de plus en plus intenable, tout manque. Quelques denrées présentes ne sont pas accessibles à tous. C’est le cas de l’essence qui coûte entre 4 000 et 5 000 FCFA le litre et qui est souvent introuvable. Le litre de l’huile varie de 3 000 à 4 000 FCFA et est également introuvable. Le paquet de sucre qui est à 3 000 FCFA est aussi introuvable. Cela fait un bon moment qu’on ne parle plus de riz. Il faut se contenter seulement du tô. Le plat de haricot est très cher. Il coûte 3 000 FCFA », a confié Mr X.
Il renchérit en précisant que « Les élèves sont dans une situation d’angoisse permanente, avec un moral très bas. Nous ne savons plus quoi faire. Une seule nuit ne peut se passer sans qu’on entende des tirs. En plus de cela, ils ont le ventre vide. N’en parlons même pas du manque de sommeil », a-t-il ajouté.
Malgré l’adversité, ces enseignants ne veulent pas abandonner leurs élèves à leur sort. Ils ont repris les cours depuis le lundi 27 novembre 2023 dans l’ensemble des établissements de Diapaga. Mr X confie que si les enseignants ont décidé de reprendre les cours, c’est parce qu’ils ne veulent pas délaisser les élèves, surtout ceux qui sont en classe d’examen. Mais, « d’ici là, si rien n’est fait pour nous accompagner, surtout sur l’approvisionnement en carburant et en alimentation, nous serons dans l’obligation de suspendre encore les cours », a-t-il insisté.
Il a expliqué que si les cours avaient été suspendus, c’était pour protéger le personnel éducatif et les élèves. C’était également une manière pour eux d’attirer l’attention des autorités afin qu’elles se penchent sur la situation délétère dans cette partie du territoire national. Il souligne en outre qu’une grande partie des élèves sont bloqués dans les villes et villages environnants de Diapaga à cause des groupes armés terroristes. Il a lancé un appel à l’aide à l’endroit du gouvernement afin que la question sécuritaire et humanitaire dans la Tapoa s’améliore.
Les enseignants de Diapaga, ces « VDP »
Selon le coordinateur régional des syndicats de l’éducation de la région de l’Est, Ysa Kintiga, en fonction de l’évolution de la situation sécuritaire et humanitaire à Diapaga, les écoles seront fonctionnelles ou pas. « Refermer les établissements n’est pas à exclure, mais pour le moment cela n’est pas à l’ordre du jour. Tout dépendra de l’évolution de la situation », a-t-il déclaré.
Il a affirmé que les enseignants du primaire sont au nombre de 193 sur les lieux et sont repartis volontairement. Au secondaire, il dit n’avoir aucune idée sur leur nombre, car ce sont essentiellement des enseignants communautaires.
A ses collègues, Ysa Kintiga a dit ceci : « j’ai un message d’encouragement. Nous étions en atelier avec le directeur provincial du primaire de la Tapoa la semaine dernière et il disait que tous ces enseignants étaient des VDP. Bon courage aux enseignants VDP de Diapaga », a-t-il exprimé.
Il a demandé aux autorités qu’elles accordent une attention particulière aux enseignants qui sont dans les zones à forts défis sécuritaires en termes de sécurité, d’alimentation et de santé. Aussi, il a espéré qu’elles mettent tout en oeuvre pour qu’ils puissent régulièrement rendre visite à leurs familles.
Samirah Bationo
Lefaso.net