Burkina : Les conditions de rebaptisation d’infrastructures au nom de « Thomas Sankara »
L’économiste-fiscaliste Zacharia Zabsonré estime, dans cette tribune, qu’au regard de la vision et des pensées de Thomas Sankara, des conditions minimales sont nécessaires pour rebaptiser une infrastructure en son nom. Thomas Sankara fait partie des présidents qui ont toujours été contre l’endettement des pays pauvres. De ce fait, il n’acceptera pas qu’une infrastructure financée sur ressources extérieures porte son nom. Cela va à l’encontre de son idéologie, dit M. Zabsonré.
Le 15 octobre 2023, les autorités de la transition ont procédé à la rebaptisation du boulevard « Charles De Gaulle » en boulevard « Thomas Sankara ». Charles De Gaulle a été président de la république Française de 1958 à 1969 et Thomas Sankara fut président du Burkina Faso de 1983 à 1987. Pourquoi cette rebaptisation maintenant ? Qu’est ce qui avait motivé les révolutionnaires à baptiser ce boulevard au nom du président français « Charles De Gaulle » ? Quelles sont les conditions requises pour la rebaptisation d’une infrastructure au nom du père de la révolution burkinabé ? Pour répondre à ces questions, il importe tout d’abord de rappeler le parcourt de chacun des deux présidents.
1. Qui est Charles De Gaulle ?
Charles, André, Joseph-Marie De Gaulle, est le troisième enfant de Henri, Charles, Alexandre De Gaulle, professeur de lettres, et de Jeanne, Caroline, Marie Maillot. Il est né le 22 novembre 1890 à Lille. Après ses Études secondaires à l’Immaculée-Conception de Paris-Vaugirard d’Octobre 1900 à juin 1909, Charles De Gaulle est reçu à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr d’Octobre 1909 à septembre 1912. En octobre 1912, il est promu sous-lieutenant et affecté au 33ème Régiment d’Infanterie. De Mai 1922 à octobre 1923, il est admis à l’École supérieure de guerre. En novembre 1931, Charles De Gaulle est nommé à la 3ème section du secrétariat général de la Défense nationale à Paris.
Il est promu au grade de lieutenant-colonel le 25 décembre 1933, ensuite officier de la Légion d’honneur le 19 décembre 1934. Le 13 juillet 1937, il est promu au grade de colonel. Nommé commandant des chars de la 5ème Armée dans la région Lorraine-Alsace le 2 septembre 1939, Charles De Gaulle prend le commandement de la 4ème Division cuirassée du 17 au 30 mai 1940, puis contre-attaque l’Allemagne avec succès. Le 1er juin 1940, De Gaulle est promu au grade de général et nommé sous-secrétaire d’État à la Défense nationale et à la Guerre.
Le 13 novembre 1945, l’Assemblée nationale constituante élit le général Charles De Gaulle président du gouvernement provisoire de la République à l’unanimité. Le 8 janvier 1958, il prend fonctions comme président de la République. Le 19 décembre 1965, la première élection du président de la République au suffrage universel est organisée en France et le général Charles De Gaulle est réélu Président. Le 28 avril 1969, le général Charles De Gaulle annonce qu’il cesse d’exercer ses fonctions de président de la République. Le 9 novembre 1970, le général Charles De Gaulle meurt dans sa propriété de La Boisserie à Colombey-les-Deux-Églises.
2. Qui est Thomas SANKARA ?
Thomas Sankara est né le 21 décembre 1949 à Yako dans le Yatenga. Il est le troisième enfant de Joseph SANKARA, ancien soldat colonial spécialisé en médecine et de Marguerite KINDA. Thomas SANKARA avait neuf frères et sœurs. Dans le moule militaire, Joseph a élevé ses enfants pour qu’ils soient obéissants et respectueux. Sankara commence son école primaire en 1956 à Gaoua. A douze ans, Thomas Sankara part pour le lycée Ouezzin Coulibaly à Bobo Dioulasso en 1962. Pourtant, les prêtres de Gaoua l’avait préparé pour le séminaire. Mais bien que Thomas n’ait pas fréquenté le séminaire, il portait certainement en lui une sorte de but moral.
En 1966, Sankara obtint son Brevet d’Etude du Premier Cycle (BEPC) et opta pour le Prytanie Militaire du Kadiogo (PMK), la plus prestigieuse institution d’enseignement secondaire de la Haute-Volta, dans le but de devenir un médecin militaire. Une carrière qui n’était pas sans rappeler celle de son père. En 1966, Thomas Sankara est admis au test d’entrée au PMK à la surprise de son père qui cherchait un poste des eaux et forets pour lui. En 1969, il obtint son baccalauréat. De 1970 à 1973, Thomas entre à l’Académie militaire d’Antsirabe à Madagascar. Il écrivit déjà à cette époque dans son journal : « Un militaire sans formation politique n’est qu’un criminel en puissance ».
Le 25 novembre 1974, la guerre dite de la bande d’Agacher éclate à la frontière entre le Mali et la Haute-Volta, région prisée pour ses sources potentielles de manganèse. La seule grande action qui a eu lieu a été lorsque les Maliens ont attaqué un village de la Haute Volta et Thomas Sankara mobilise sa troupe et les poursuit jusqu’en territoire malien. Il libère le chef voltaïque et le ramène, apparaissant ainsi comme un héros de la guerre.
Avant de quitter le front, Sankara fait la rencontre de Blaise Compaoré, un jeune officier qui est finalement devenu son bras droit. Né en 1951, fils d’un ancien combattant, Compaoré grandit à Ziniaré, fréquente l’école catholique de Fada N’Gourma et le lycée de Ouagadougou. En 1978, Thomas Sankara fut envoyé au Maroc. De janvier à mai, il participa à un stage de formation de parachutistes. Parmi ses collègues officiers il retrouve Blaise Compaoré. En logeant ensemble dans la capitale marocaine, les deux hommes ont pu approfondir leur amitié.
Au retour de Thomas à Ouagadougou, fin 1978, il fut nommé commandant des unités de commandos. C’est là qu’il commença son travail de révolutionnaire. Ainsi, il devint secrétaire d’État à l’Information dans le gouvernement de Saye ZERBO en Septembre 1981. En 1982, Sankara fut nommé Premier ministre par le président Jean-Baptiste Ouedraogo. En janvier 1983, Sankara prononce un discours révolutionnaire à New Dehli qui va le rapproche de Fidel Castro. Sa rencontre avec ce dernier, va fondamentalement influencer sa pensée. Dès lors, les services secrets occidentaux commencèrent à s’intéresser de près à ce jeune capitaine trop cultivé, trop intelligent, trop libre de pensée.
Le 17 mai 1983, Sankara fut arrêté. Très vite, les étudiants, les élèves, les fonctionnaires envahirent la capitale Ouagadougou pour exiger la libération du capitaine Sankara. A Pô, Blaise Compaoré, qui seul parmi tous les camarades de Sankara à avoir échappé aux arrestations, organisa la résistance pour la libération de son ami. Cela va faire perdre le pouvoir à Jean-Baptiste Ouedraogo. Le 4 août enfin, le mouvement populaire allié aux soldats de Compaoré libéra Sankara qui prit alors la tête du Conseil national de la révolution (CNR) à Ouagadougou, renversant de fait le président Ouedraogo.
Quatre jeunes officiers se retrouvent alors à la tête de l’Etat : Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Bukari Lingani et Henri Zongo. Toutefois, Sankara exprimait les valeurs irrépressibles de l’homme humilié, cherchant sa libération : justice sociale, tolérance, réciprocité, complémentarité, dignité, autant de valeurs formant un imaginaire de convocation. Il y avait, sans aucun doute, une large coïncidence entre son discours et les espérances ardentes, les désirs de dignité, les refus de l’humiliation qui habitaient des millions de jeunes Africains. Malheureusement, il fut assassiné le 15 octobre 1987 lors d’un coup d’Etat.
3. L’héroïsme et le courage de « Thomas SANKARA » et de « De Gaulle »
Le courage est un comportement permettant de surmonter les obstacles et faire face aux conséquences négatives potentielles. Le courage moral vise à protéger les valeurs morales et les normes sociale. Il est considéré comme un comportement prosocial visant spécifiquement à empêcher un agresseur de violer les normes éthiques. Ces normes portent sur diverses questions, comme la protection des droits de l’homme, les principes d’égalité et de justice ou les droits des minorités. Ils représentent tous une compréhension commune de ce qui est « mal » et de ce qui est « bien » selon le consensus sociétal et les proscriptions culturellement spécifiques.
Ce type de comportement est hautement souhaitable, mais implique des conséquences négatives (sociales) potentielles. Le comportement moralement courageux est souvent dirigé vers une personne ou un groupe plus puissant. De plus, il est caractérisé par un déséquilibre avec les inconvénients qui tombent du côté de la personne moralement courageuse. Le courage moral est rare parce que la personne intervenante doit souvent surmonter les fortes influences de l’obéissance sociale en refusant d’adhérer aux règles des autorités ou de la conformité de groupe en tant que réglementation par une majorité sociale.
Agir de manière désobéissante ou enfreindre les règles sociales est une autre caractéristique importante du comportement moralement courageux. Bien qu’il soit basé sur la moralité, il peut être considéré comme un comportement antisocial parce qu’il viole généralement les normes pour un plus grand bien. Pour ce qui de l’héroïsme, il est défini comme un comportement orienté vers un but noble, impliquant la volonté d’accepter des conséquences négatives. Si le courage moral est lié à la propension d’une personne à adopter les valeurs de justice, l’héroïsme est fortement associé à la loyauté. De plus, le courage moral est associé à des coûts sociaux potentiels, tandis que l’héroïsme implique principalement des coûts physiques potentiels tels que des dommages physiques ou la mort.
Se basant sur ces définitions, il est permis de dire que les deux présidents ont été très courageux. Chacun d’eux a libéré son pays de la guerre. Toutefois, en plus du courage, Thomas Sankara fut un héros. De toute évidence, les deux présidents ont une notoriété internationale. La reconnaissance internationale de leur bravoure efface les frontières nationales. C’est ainsi qu’à travers l’Afrique et le monde entier, beaucoup d’infrastructures portent leurs noms. Des infrastructures sont baptisées au nom de « Thomas Sankara » en France et des avenues se trouvant au Burkina et au Mali portant également le nom de « Charles De Gaulle ».
Le caractère international du président « Charles De Gaulle » semble être relayé au second plan par les autorités actuelles de la transition. Pourtant, les livres d’histoire enseignés à nos enfants en fait mention. De plus, toute biographie sincère de Thomas Sankara ne peut se faire sans l’invocation du nom de Blaise COMPAORE. La bravoure et l’intelligence de ce dernier ont été très déterminant pour la réussite du coup d’Etat ayant porté Thomas Sankara au pouvoir le 4 aout 1987.
Par conséquent, l’héroïsme de Thomas Sankara intègre aussi le courage du président Blaise Compaoré. Mais personne ne veut en parler. Evitons d’être complices de ce silence ingrat. Si certains ne peuvent pas chanter les louanges du président Blaise Compaoré, nous avons au moins le devoir de dire à nos jeunes frères et à nos enfants que Blaise Compaoré fut l’acteur clé dans le succès du père de la révolution burkinabé.
4. Les raisons de la baptisation du boulevard au nom de « Charles De Gaul » ?
Le baptême de toute infrastructure obéit à une histoire et à un argument convaincant. Nos investigations révèlent que le boulevard qui a été inauguré sous la révolution le 6 octobre 1985 est baptisé « Charles De Gaulle » pour au moins trois raisons. La première est essentiellement financière. En effet, étant confronté à la rareté des ressources financières pour financer ce qui n’était qu’au stade de projet, les autorités d’alors n’avaient d’autres choix que de se retourner vers la France pour solliciter un appui financier. Parmi les arguments avancés pour avoir l’appui financier de la France figurait entre autres, le baptême de l’infrastructure au nom de l’ancien président français « Charles De Gaulle ».
Après plusieurs jours d’âpres négociations avec le président François Mitterrand, l’Agence Française de Développement (AFD) accepta de financer la réalisation du boulevard. C’est ainsi qu’il sera baptisé boulevard « Charles De Gaulle » sous la révolution en présence du commandant Jean Baptiste Boukary Lingani, ministre de la défense et représentant le président du CNR, Thomas SANKARA. La deuxième raison est la reconnaissance du bienfait de la France pour avoir contribuer grandement à financer l’infrastructure dont le coût de réalisation dépassait la capacité budgétaire du Burkina Faso. La troisième raison est historique.
Depuis 1898, une garnison militaire française avait été établie à Gaoua. Cette partie de la colonie était une riche zone agricole destinée à la production de cultures commerciales, mais les Lobis ont farouchement résisté à la conquête coloniale. Finalement, la région est passée sous le contrôle colonial et a fourni d’importants contingents de travailleurs forcés pour travailler sur les routes, les ponts et les chemins de fer.
Mais après la Seconde Guerre mondiale, la région est redevenue un bastion de la résistance anticoloniale, avec ses liens avec le dirigeant ivoirien de la RDA Houphouët-Boigny et sa proximité avec le Ghana nouvellement indépendant. Cependant, en tant qu’admirateur de Charles De Gaulle, Joseph Sankara était du côté conservateur de la politique. Comme de nombreux soldats coloniaux de sa génération, il a soutenu le maintien de liens étroits avec la France et se méfiait des jeunes gauchistes.
Pendant ces années, l’armée française et ses soldats africains ont joué un rôle important dans le contrôle des processus politiques. Après donc sept ans à Ouagadougou, le père de Thomas Sankara va être affecté au poste colonial de Gaoua pour servir d’infirmier militaire. Le fait que le géniteur du père de la révolution soit un fervent partisan de Charles De Gaulle pourrait aussi peser en faveurs de la baptisation du boulevard du nom de Charles De Gaulle par les révolutionnaires.
Ces raisons suscitent l’interrogation suivante : pourquoi rebaptiser un boulevard financé sur ressources extérieures au nom de « Thomas Sankara » ? L’idéologie de ce dernier a-t-elle été pris en compte ? Quelle satisfaction supplémentaire cette rebaptisation apporte-t-elle à l’usager ?
5. Les conditions de rebaptisation du boulevard au nom de « Thomas Sankara ».
Thomas SANKARA se battait pour un idéal. Tous ceux qui ont lu les idéaux du père de la révolution burkinabé se rappellent de quelques-uns. En effet, le Burkina Faso était en 1983, au moment de la prise de pouvoir de Sankara, le neuvième pays le plus pauvre de la terre, si l’on considère le revenu par tête. Sur la liste publiée par la Banque mondiale cette année-là, le Burkina Faso figurait en 161ème position. Le déficit alimentaire du pays était de 200 000 tonnes céréalières. L’infrastructure industrielle ? Inexistante. Les réseaux routiers, ferroviaires ? Rudimentaires.
L’espérance de vie ? La moitié de celle de la France. Le budget de fonctionnement de l’État ? Déficitaire en permanence ; chaque année, dès le mois d’octobre, le Burkina Faso devait quêter à l’extérieur les fonds nécessaires au paiement de son fonctionnariat pléthorique et largement parasitaire. L’héritage institutionnel enfin ? Totalement inadapté aux exigences d’un développement accéléré autocentré d’un pays à l’agriculture primitive et à l’accumulation interne inexistante. Thomas Sankara et les siens combattirent pendant quatre ans, avec la dernière énergie, chacun de ces fléaux. Aujourd’hui le pays de Thomas Sankara a fortement reculé par rapport à sa situation de 1983 malheureusement. En effet, selon la Banque Mondiale (2023), la pauvreté a fortement augmenté au Burkina Faso entre 2021 et 2022.
L’augmentation de la pauvreté est estimée à 5,9 points de pourcentage, soit 1,5 million de pauvres supplémentaires. De la 161e place en 1983 le Burkina Faso est classé 184e en 2022. Selon l’Indice de Développement Humain (IDH) de 2022, le pays de Thomas Sankara ne dépasse que le Mali et le Niger dans la zone UEMOA. Pendant que son IDH est de 0,449, celui du Mali s’établi à 0,428 et le Niger 0,400. En termes d’espérance de vie à la naissance, le Burkina Faso (59,3) ne dépasse que la Côte d’Ivoire (58,6) et le Mali (58,9) en 2022 parmi les pays de l’UEMOA. Selon le bureau des affaires humanitaires des Nations unies, ce sont désormais plus de 3,5 millions de personnes, soit 17 % de la population burkinabè, qui ont besoin d’une aide pour vivre et survivre en 2022. Le Burkina Faso compte actuellement plus de 2 500 écoles fermées, soit environ 12,5% des établissements du pays.
Ce recul du pays des hommes intègres sur le plan économique et social doit faire très mal au père de la révolution ; lui qui en avait fait son cheval de batail. Avec une telle dégradation de la situation du Burkina Faso, la jeunesse actuelle est-elle digne de scander le nom de Thomas Sankara ? La poursuite du combat de Thomas Sankara n’exige-t-elle pas que la génération actuelle tiennent au moins compte de ses aspirations lorsqu’il s’agit de donner son nom à une infrastructure ? Nous pensons qu’au regard de sa vision et de ses pensées, des conditions minimales sont nécessaires pour rebaptiser une infrastructure au nom de « Thomas Sankara ».
a. L’infrastructure doit être réalisé directement par le peuple burkinabé
La souveraineté et le patriotisme ont un coût à payer. Thomas SANKARA l’a vite compris. A son époque déjà, il prônait les travaux à haute intensité de main d’œuvre. Le peuple sortait pour travailler avec ses propres moyens pour développer le pays sans compter sur une quelconque aide extérieure. Ainsi quelques kilomètres de chemin de fer ont été posés par le vaillant peuple pour aller à Dori. Les écoles, les dispensaires, les administrations sont nettoyés par le peuple à travers les opérations « mana-mana ».
Les pionniers, plus jeunes militants de la révolution, faisaient des travaux d’intérêt commun. Ainsi, chaque école disposait d’un jardin pour la culture de contre saison (tomate, oignon, salade, carotte, etc.). Tout cela contribuait à une sécurité et une indépendance alimentaire. Aujourd’hui les burkinabè consomment des oignons, des carottes, de la pomme de terre et autres légumes importés. Ce qui n’est conforme à la vision de Thomas Sankara. Porter des habits importés, manger du riz importé et rouler dans une voiture importée ensuite scander le nom de Thomas Sankara ne l’honore pas. La jeunesse doit magnifier Thomas Sankara par un comportement d’intégrité, d’ardeur au travail et d’honnêteté.
Quelle logique y a-t-il à consommer du riz et des oignons importés puis sortir crier le nom de Thomas Sankara ? Cela va à l’encontre de l’idéologie de Thomas Sankara. Pour Thomas Sankara, « Consommons burkinabé, produisons burkinabé ; consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons ». « Nous devons accepter de vivre africains, c’est la seule façon de vivre libre et de vivre digne ». Dans cette logique, si une infrastructure est réalisée entièrement à la sueur du peuple burkinabè elle pourrait être baptisée au nom de Thomas SANKARA. Cela ferait certainement honneur au président SANKARA. C’est ce qu’il toujours prôné de son vivant.
b. L’infrastructure ne doit pas être financée sur ressources extérieures
Thomas SANKARA fait partie des présidents qui ont toujours été contre l’endettement des pays pauvres. De ce fait, il n’acceptera pas qu’une infrastructure financée sur ressources extérieures porte son nom. Cela va à l’encontre de son idéologie. D’autres chefs d’Etat comme Fidel Castro, François Mitterrand, Félix Houphouët-Boigny ont également dénoncé la tyrannie de la dette.
Thomas SANKARA a fait savoir son opinion sur la dette à travers son discours prononcé à la vingt-cinquième Conférence du sommet des pays membres de l’OUA à Addis-Abeba, le 29 juillet 1987. C’était sous la présidence du chef d’État de la Zambie, Kenneth Kaunda, le père de l’indépendance de son pays. Thomas SANKARA démontre dans son discours que par le biais de la dette, nos pays versent annuellement aux pays riches beaucoup plus d’argent qu’ils n’en reçoivent d’eux sous forme d’investissements, de crédits de coopération, d’aide humanitaire ou d’aide dite au développement. Il trouve alors que l’aide publique au développement est l’expression même de la violence structurelle.
Il affirme que la dette à elle seule suffit pour asservir et soumettre les peuples. La dette extérieure constitue une arme de destruction massive selon lui. Elle soumet les peuples, détruit leurs velléités d’indépendance, assure la permanence de la domination planétaire des oligarchies du capital financier globalisé. Elle empêche les pays les plus démunis de réaliser les investissements minima dont leur agriculture a urgemment besoin. La dette permet de maintenir l’État débiteur à genoux. Par conséquent, une infrastructure financée sur ressources extérieures ne saurait porter le nom de Thomas SANKARA. Cela ne magnifie pas du tout le père de la révolution.
c. La dette ayant financé l’infrastructure ne doit pas être remboursée
Lorsque le gouvernement de la transition tient à rebaptiser une infrastructure réalisée sur financement extérieur au nom du président « Thomas Sankara », il va falloir qu’il signifie au bailleur de fonds, le non remboursement de la dette. Par cet acte, il se conforme à la vision du Thomas Sankara sur la dette. En effet, pour Thomas Sankara, « il n’est pas question de rembourser la dette parce que ce sont les colonisateurs qui ont endetté l’Afrique auprès des bailleurs de fonds, leurs frères et cousins ».
Il argumente que « si nous ne remboursons pas la dette, nos bailleurs de fonds ne mourront pas ; par contre, si nous la remboursons, c’est nous qui allons mourir ». Ceux qui nous ont conduit à l’endettement ont joué comme dans un casino ; quand ils gagnaient, il n’y avait point de débat, maintenant qu’ils ont perdu au jeu, ils nous exigent le remboursement. Thomas refuse cela : « ils ont joué, ils ont perdu, c’est la règle du jeu, la vie continue ». En signifiant donc le non remboursement de la dette ayant financé l’infrastructure, elle devient baptisable au nom de « Thomas Sankara ».
L’ex. boulevard « Charles De Gaulle » remplit laquelle de ces conditions minimales pour être rebaptisé au nom du président « Thomas Sankara » ?
Ouagadougou, le 25 Octobre 2023
Zacharia ZABSONRE, économiste-fiscaliste
Tel : (226) 708 187 82