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Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

Publié le lundi 18 septembre 2023 à 22h05min

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Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

Au Burkina Faso, le chômage est le mal qui touche le plus les jeunes diplômés. Mais il ne faut pas occulter un autre phénomène qui frappe durement notre pays, en l’occurrence le sous-emploi. Selon l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (ERI-ESI) de 2018, le taux de chômage pour les jeunes de 15 à 34 ans est de 6,6%, et le taux de sous-emploi de la même tranche d’âge se situe à 40,7%. A l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), certains diplômés viennent tenter leur chance de décrocher un boulot.

Sur les lieux, le calme qui règne dans la cour est saisissant. Certains aspirants au travail rémunéré ont la tête baissée, les regards fixés sur leurs dossiers. D’autres font la queue devant le guichet pour les déposer. Le comportement d’un jeune diplômé nous tape à l’œil. Il s’agit d’Oumarou Sana. Nous allons vers lui. A cœur ouvert, il se confie à nous. Des échanges, l’on retient qu’il a fait ses premiers pas en géographie à l’actuelle université Thomas-Sankara. Après la licence en 2019, il se spécialise en comptabilité où il obtient son certification. La motivation pour la comptabilité est, selon lui, la conjugaison de plusieurs facteurs dont le plus essentiel est le salaire.

En effet, la majeure partie des métiers de ce secteur sont réputés bien payés. Malgré ce parcours diversifié, M. Sana peine à trouver du travail. Vient un jour où il est informé des opportunités offertes par l’ANPE. Il introduit alors son dossier et se voit octroyer une carte de demandeur d’emploi. Jusqu’à ce jour, la chance ne lui a pas encore souri. « A plusieurs reprises, j’ai postulé à des offres de recrutement. J’ai passé l’écrit sans difficulté mais à l’entretien, on retient généralement ceux qui ont une forte expérience », lâche-t-il désespéré. Malgré ce coup dur, ce chercheur d’emploi ne cède pas à la tentation de jeter l’éponge.

Le directeur général de l’ANPE, Yakouba Guigma.

Comme lui, ils sont nombreux, ces jeunes diplômés qui vivent également cette situation. Désiré Bationo est détenteur d’une maîtrise en économie. Vêtu d’un sous-corps noir et d’un pantalon, il est en plein dans son train-train quotidien. « Aujourd’hui, c’est lundi, donc je suis venu voir s’il y a une offre qui correspond à mon profil pour postuler. Dans la semaine, je viens plus de quatre fois à l’ANPE », nous souffle-t-il d’une voix recouverte par le brouhaha des autres postulants. En quête d’emploi depuis une dizaine d’années, M. Bationo s’interroge sur les critères de recrutement, invitant les premiers responsables à revoir leur copie. Pour joindre les deux bouts, il mène une activité qui ne correspond pas à sa qualification, en attendant d’avoir mieux.

Larissa Imien, de son côté, vient d’entamer une expérience avec l’ANPE. Nous l’avons rencontrée autour de midi quand elle s’apprêtait à enfourcher son engin. Pourquoi voulez-vous détenir une carte de demandeur d’emploi ? « La nécessité s’est présentée quand l’ANPE Bobo-Dioulasso a lancé un concours pour le recrutement d’un étudiant détenteur d’une licence ou d’un master en agronomie. C’est la carte de demande d’emploi qui a été un couac pour moi. C’est pourquoi je suis venue à l’ANPE pour essayer d’acquérir cette carte afin de postuler et voir si la chance va me sourire », raconte la demoiselle.

A 27 ans, et malgré un master en agronomie dans la poche, elle doute toujours de son avenir professionnel. « Depuis ma soutenance, je reste cloîtrée chez moi. Il ne se passe pas grand-chose dans ma vie. La dynamique est cassée. J’ai l’impression de stagner à un moment où je devrais prendre mon envol », conclut-elle. Dominique Dolkom, quant à lui, travaille depuis 2018 comme réceptionniste dans un centre de la capitale. Il évoque son alternance dans une structure de la place avec un brin d’amertume dans la voix : « Ça ne s’est pas très bien passé, surtout en termes relationnel et salarial. Une année après avoir établi ma carte de demandeur d’emploi, j’ai été retenu à l’issue d’un tirage. Ce jour-là, nous étions environ 200 candidats pour quatre personnes à recruter ».

Larissa Imien

En moyenne 15 000 jeunes demandeurs d’emploi par an

Selon l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (ERI-ESI) de 2018, le taux de chômage pour les jeunes de 15 à 34 ans est de 6,6%, et le taux de sous-emploi de la même tranche d’âge se situe à 40,7%. S’appuyant sur le diagnostic secteur privé pays (juillet 2019) de la Banque mondiale, le directeur général de l’ANPE, Yakouba Guigma, estime qu’il faudrait créer 300 000 emplois supplémentaires chaque année pour absorber la population croissante de jeunes au Burkina Faso. Ainsi, l’emploi des jeunes, ces dernières années, est de plus en plus préoccupant aussi bien au niveau national que sur le plan sous-régional, régional et international.

L’ANPE, l’interface entre les demandeurs d’emploi et les employeurs, reçoit des demandes de divers profils avec des niveaux d’instruction disparates : CEP, BEPC, BAC, DUT, BTS, Licence, Maîtrise, Master. Pour la période 2016-2022, ce sont 105 036 jeunes demandeurs d’emploi qui ont été inscrits dans les bases de données tous profils confondus, a indiqué le directeur général. C’est donc en moyenne 15 000 jeunes demandeurs d’emploi qui s’inscrivent dans les registres de l’ANPE chaque année. Spécifiquement, sur la période de janvier à mars 2023, l’agence a enregistré au total 4 430 demandeurs d’emploi pour 26 tests de recrutement organisés et 176 postes pourvus. D’avril à juin 2023, le nombre s’affichait en baisse. Il est passé de 2 759 demandeurs d’emploi pour 153 postes pourvus.

Oumarou Sana se dit confiant

Allier études et travail à temps partiel

Pour lutter contre le chômage des jeunes, l’on doit réfléchir en dehors des sentiers battus et adopter une approche plus holistique qui permet de tester des solutions diverses et créatives. Le travail à temps partiel peut changer la donne du chômage des jeunes car il peut être un atout dans les choix de carrière, stimuler l’esprit entrepreneurial, renforcer les compétences que les employeurs recherchent, et tout simplement donner aux jeunes un bon départ dans le monde du travail et dans la vie.

Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 18 septembre 2023 à 16:17, par Indjaba En réponse à : Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

    Il faut juste déconstruire les mentalités dans la perception du chômage et ou du boulot. La quasi-totalité des jeunes ayant fréquenté nos écoles pensent que ce qu’on appelle boulot c’est être fonctionnaire. Ils n’ont peut être pas tord puisqu’à la fonction publique, il y’a les sous, le laxisme et la pérennité et la garantie de l’emploi. Comment comprendre qu’un jeune sous prétexte qu’il a un master soit assis du matin au soir dans l’attente des concours pendant qu’il peut faire des pavés, vendre des galettes, de la bouillie , des habits, du ’’Mouyi bonguo’’, vider des poubelles, faire des briques, coiffer, faire des livraisons, travailler dans des restos etc etc. Pour réduire le chômage et façonner les mentalités l’État n’a qu’à communiquer et suspendre la plupart des concours pendant 7ans, lutter contre la corruption à la fonction publique (surtout au ministère des finances), lutter contre le laxisme à la fonction publique pour donner l’impression qu’il est aussi difficile d’être fonctionnaire que d’être un employé dans une boulangerie privée. La facilité avec laquelle les fonctionnaires sont traités donne envie aux jeunes de tomber dans le rêve. Un fonctionnaire peut abandonner son poste pendant 6 mois et le salaire tombe. Ensuite on fait un communiqué pour lui dire de faire encore 10 jours de plus avant de reprendre sinon on va enfin commencer une procédure de licenciement à son égard. Ce fonctionnaire sera un employé d’une mine, d’une boulangerie, d’un maquis, ou d’une banque privée qu’il n’oserait pas faire une telle absence. Bizarrement le Basol est ministre là-bas mais il e s’occupe que de l’impérialisme lointain.

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    • Le 19 septembre 2023 à 07:46, par Hamado Aloïse En réponse à : Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

      Quand j’enseignais au privé avec ma licence en LM, les enfants des non lottis à qui la vente des terre avaient permis d’avoir des motos se moquaient régulièrement de moi quand je leur parlais des possibilités pour ceux qui auront leur bac de combiner études et cours à domicile ou études à la blanchisserie.
      Tous rêvaient assis devant un ordinateur en train de compter des billets 😁.

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  • Le 18 septembre 2023 à 16:31, par Renault HÉLIE En réponse à : Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

    Je suis vraiment triste pour la jeunesse burkinabè qui ne mérite pas ça.
    Mais impossible de se raconter des contes de fée, cela ne peut que s’aggraver.
    L’emploi ne peut se contenter de postes de fonctionnaires financés par l’étranger, il faut des emplois venant des entreprises privées, de vrais emplois qui rapportent de l’activité et des impôts. Qui peut les créer, sinon des entrepreneurs, des petits, des moyens, des grands, des internationaux ?
    Or, on n’en prend pas le chemin, car toutes les mesures prises depuis un an par vos gouvernants du BF ne font que tuer des emplois, faire fuir les entrepreneurs, tout en pourchassant littéralement l’investissement étranger et même les aides au théâtre et à la culture.
    On sait déjà qu’une foultitude d’artistes et de petits employeurs burkinabè bi-nationaux sont en train de se recaser dans des pays où l’air est moins irrespirable pour la petite entreprise et la culture, pays côtiers, pays anglophones, pays d’Europe ou d’Amérique du Nord.
    Le triste problème pour votre belle jeunesse burkinabè, c’est que ces erreurs économiques gravissimes ont déjà été commises moult fois depuis l’indépendance ; et surtout depuis 1966, où s’est amorcée l’infernale rafale de coups d’état ... qui donnent une grandiose réputation au Burkina.
    Eh oui, que voulez-vous, quand on fait de la politique avec un bon salaire étatique bien gras, on regarde d’un air hautain les conséquences terribles de ses actes sur les employeurs et, conséquemment, sur les dégâts du chômage induit.
    C’est tellement facile de décréter que « tout est politique » du haut d’un bureau climatisé avec bar réfrigéré et cave à cigares cubains ...
    D’ailleurs, vous allez voir, on va vous raconter en long et en large que tout ça, c’est la faute à de lointains nassaras ; on connait la chanson, elle est chantonnée bruyamment depuis une bonne cinquantaine d’années.

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    • Le 19 septembre 2023 à 10:32, par pfff En réponse à : Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

      Avec neuf coups d’états tentés, et huit réussis, le Burkina est le 5ᵉ pays ayant eu le plus de coup d’État au monde, et le premier si on considère les coups d’État réussis. Statistiques prises depuis 1950.

      Pour les tentatives, il est surclassé par le Soudan (17 coups d’états, mais seulement 6 réussis), Le Burundi (11/5), le Ghana et la Sierra Leone (10/5) exæquo.

      Il y en a une excellente étude en ligne sur le sujet (projects point voanews point com ). Avec votre tirade sur le « tout est politique » du haut des bureaux climatisés, vous avez mis dans le mille, de bien des façons !

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  • Le 18 septembre 2023 à 17:22, par J.E. Sonde En réponse à : Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

    Nombre de jeunes s’embarquent dans des formations de niveau supérieur dont on sait qu’elles ne mènent à aucun débouché. Malheureusement il semble qu’il n’y ait personne pour le leur dire. Cela dure depuis des décennies. On a tous vu ces jeunes rassemblés autour d’un grain de thé pour faire passer le temps.

    N’y a-t-il pas une forme d’irresponsabilité des écoles qui proposent ces formations qui ne mènent à rien ?
    Le Burkina ne pourrait-il pas s’inspirer de l’expérience des pays d’Afrique de l’Est qui promeuvent désormais les centre de formation technique et professionnelle (TVET Schools) qui offrent des formations pour lesquelles il existe de véritables débouchés ?

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    • Le 19 septembre 2023 à 07:35, par Renault HÉLIE En réponse à : Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

      @J.E. Sonde
      Mais, Messire J.E. Sonde, cela existe au BF !
      Lycées techniques et professionnels, Centres de Formation et Apprentissage Professionnel et ONG qui dispensent des formations pratiques.
      Seulement voilà : le sahélien méprise ces formations, car il se voit fonctionnaire des finances ou officier ...
      Vous voyez le fils d’un colonel sahélien apprendre la charpenterie ?
      Le jour où vous aurez un vrai gouvernement qui veut vraiment développer le pays, il fermera 80% des places dans vos « facs à baratin », fermera toutes les filière non scientifiques/non technologiques de lycée et interdira la fonction publique à qui n’a pas travaillé dans le privé pendant 15 ans.
      En gros, vos universités et 50% de vos lycées, ce sont des parasites qui forment des chômeurs ...

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  • Le 18 septembre 2023 à 19:13, par Jean En réponse à : Chômage des jeunes : Le phénomène a la peau dure au pays des hommes intègres

    Avec un taux de chômage officiel de 6,6%, le problème serait minime. Mais, la réalité est toute autre ! On peut d’ailleurs se poser la question de savoir si l’ANPE joue son rôle et est encore utile. Quand pour un concours à la fonction publique, on recense plus d’un million de candidats pour quelques milliers d’emplois, on peut se poser la question. Que dire de certains candidats, comme elle « Depuis ma soutenance, je reste cloîtrée chez moi..." Évidemment, ce n’est pas cette attitude qui va permettre à cette dame de trouver un emploi !

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