Maladies cardio-métaboliques : L’Afrique dispose désormais d’une base de données sur les risques génétiques et environnementaux
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L’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) a procédé à la présentation des résultats de l’étude AWI-Gen (Africa Wits-INDEPTH for Genomic Research), ce jeudi 20 juillet 2023 à Ouagadougou. Il s’agit d’une étude de dix années sur les facteurs de risques génétiques et environnementaux des maladies cardio-métaboliques en Afrique.
L’étude AWI-Gen s’est intéressée aux facteurs des maladies cardio-métaboliques comme l’hypertension, le diabète, l’obésité, les maladies rénales dans quatre zones d’étude à savoir le Burkina Faso (commune rurale de Nanoro), le Ghana, l’Afrique du Sud et le Kenya. L’objectif de cette étude est d’évaluer la contribution génétique et environnementale aux maladies cardio-métaboliques chez les Africains. Elle permet également à l’Afrique de disposer désormais d’une base de données sur les facteurs génétiques pour les prochaines recherches.
12 000 individus ont fait l’objet de cette étude de dix ans. Selon les résultats de cette étude décennale, les maladies cardio-métaboliques et leurs conséquences résultent de la combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Toujours selon cette étude, il y a beaucoup plus de maladies cardio-métaboliques en Afrique du Sud qu’au Kenya et beaucoup moins en Afrique de l’Ouest notamment au Burkina Faso et au Ghana que ces deux autres parties du continent.
Au Burkina Faso, cette étude a été réalisée dans la commune rurale de Nanoro, région du Centre-ouest sur 2000 personnes (dont 1000 femmes et 1000 hommes) âgées de 40 à 60 ans et a permis d’évaluer leur santé cardio-métabolique. Au cours de cet atelier de restitution des résultats de l’étude AWI-Gen, une démonstration d’extraction d’ADN a été réalisée par les différents participants.
Pour Dr Roger Zerbo, représentant le délégué général du CNRST, « cet atelier a pour objectif de faire le point d’une décennie de recherches sur un sujet d’actualité que l’on ne peut plus ignorer : la transition épidémiologique avec l’émergence des maladies non transmissibles qui vont sans doute être le prochain problème de santé publique majeur pour les pays comme le Burkina Faso ».
Yacouba Ouédraogo, chargé de mission, représentant le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, a indiqué que le projet de recherche sur « les facteurs de risques génomiques et environnementaux des maladies cardio-métaboliques chez les Africains », vient à point nommé. Pour lui, le Burkina Faso se saurait rester en marge de cette révolution génomique, lui qui continue de faire face à des défis majeurs en termes de santé des populations. Des défis exacerbés notamment par l’avènement de la crise sécuritaire. Il a profité de cette occasion de présentation des résultats générés par cette étude pour saluer les efforts de l’équipe de l’unité de recherche clinique de Nanoro dans la conduite de cette étude.
Pour le Pr Halidou Tinto, chef de recherche de l’unité de recherche clinique de Nanoro et directeur régional de l’IRSS au Centre-ouest, cette étude permet à l’Afrique de se mettre à niveau par rapport à certains continents comme l’Europe ou l’Amérique en matière de données sur les facteurs génétiques. « Nous avons ciblé essentiellement les facteurs génétiques parce que vous savez que les gênes d’un individu peuvent porter des marqueurs qui peuvent faire que cet individu soit prédisposé à développer des maladies cardio-métaboliques comme l’hypertension, le diabète, etc. Des études étaient menées aux Etats-Unis, en Europe et on connaissait un peu quels sont les facteurs génétiques qui prédisaient ces maladies au sein de ces populations. Mais en Afrique on n’avait aucune connaissance sur ces facteurs génétiques. Un consortium s’est donc mis en place pour lever des fonds pour investiguer sur cette question et donner des précisions pour l’Afrique. Il s’agit de voir quels sont les facteurs génétiques susceptibles de développer des maladies cardio-métaboliques chez l’Africain », explique-t-il.
Selon le Pr Halidou Tinto, chef de recherche de l’unité de recherche clinique de Nanoro et directeur régional de l’IRSS au Centre-ouest, il ressort de cette étude que le diabète n’est pas un grand problème en milieu rural, contrairement à l’hypertension, qui y est plus développée.
« Cette étude nous montre qu’on a moins de diabète et beaucoup plus d’hypertension. Souvent on dit si vous avez une maman ou un papa qui a fait l’hypertension, vous pouvez vous attendre à le faire, tout simplement parce que les parents nous transmettre leurs gênes avec ces tares. Ce qui est dommage est que sur les personnes sur lesquelles cela a été détecté, elles ne savaient même pas qu’elles étaient hypertendues. L’autre facteur est que vous pouvez porter les gênes mais si vous ne prenez pas en compte les facteurs de risques ou vous les prenez suffisamment en compte, cela peut vous permettre d’éviter la maladie. Le facteur génétique est important mais cela dépend de votre comportement. Lorsque quelqu’un a un facteur de risque d’hypertension et fume, il augmente cela de 15% par rapport à un non-fumeur. La principale conclusion est qu’on ne peut pas changer son risque génétique mais on peut changer ses habitudes et son environnement pour une meilleure santé », précise-t-il.
Mamadou ZONGO
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