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Coopération : « Nous aimerions que la Russie prenne la place qui lui revient en tant que grande nation », a déclaré le chef du gouvernement, Me Kyelem Apollinaire de Tambèla

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Publié le mercredi 21 décembre 2022 à 13h33min

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Coopération : « Nous aimerions que la Russie prenne la place qui lui revient en tant que grande nation », a déclaré le chef du gouvernement, Me Kyelem Apollinaire de Tambèla

Le Premier ministre du Burkina Faso, Me Kyelem Apollinaire de Tambèla, a effectué une visite privée à Moscou le 7 décembre 2022. Lors de ce déplacement, il a accordé une interview à la correspondante en France de RT ( Russia Today), Vera Gaufman. Les domaines de coopération entre la Russie et le Burkina Faso étaient au menu de cet entretien que nous vous proposons.

Quel est l’état des relations bilatérales entre Moscou et Ouagadougou ?

A l’heure actuelle, les relances ne sont pas très poussées. Dans le passé, nous avions des relations un peu plus suivies, mais par la suite, ces relations se sont détériorées. Nous aimerions que ces relations se renforcent davantage. C’est la raison de ma présence ici à Moscou

De quelle période parlez-vous exactement ?

Après la chute de l’Union soviétique, et aussi après le changement de régime chez nous au Burkina Faso. Vous savez par exemple que sous le président Thomas Sankara, les relations étaient suivies entre l’Union soviétique et le Burkina Faso. Le président Thomas Sankara a eu même à effectuer une visite ici. Il a visité la cité des étoiles que moi je n’ai pas pu visiter alors que j’aurais bien aimé visiter. Il a eu des entretiens à l’époque avec le président Michaël Gorbatchev. La compagnie soviétique aeroflot venait à Ouagadougou. Tout cela ça s’est arrêté. Il y avait une ambassade et un centre culturel soviétique au Burkina Faso. À un moment donné, tout cela s’est arrêté. Donc, les relations ont un peu décliné.

Vous souhaiteriez que ça revienne au même niveau ou bien vous souhaitez développer davantage les relations ?

La Russie figure parmi les grandes nations alors qu’elle est pratiquement inexistante chez moi au Burkina Faso. Nous aimerions que la Russie prenne la place qui lui revient en tant que grande nation dans mon pays. Parce que il y a une histoire, une expérience de la Russie et nous aimerions qu’elle partage cela avec nous.

Lors des entretiens que vous avez faits à Moscou, quels étaient les sujets de vos échanges avec les collègues russes ? Est-ce qu’il est possible d’évoquer les aspects de la coopération que vous voulez entretenir avec la Russie ?

Nous avons rencontré pas mal de personnalités dans les ministères et les services. Ils sont ouverts. Ce que nous aimerions, c’est renforcer la coopération dans tous les domaines possibles entre la Russie et le Burkina Faso.

Est-ce qu’il y a des priorités pour vous, peut-être le domaine sécuritaire ?

Sans doute. Actuellement, la priorité au Burkina Faso, c’est le domaine sécuritaire. Donc, nous en avons discuté. Mais au-delà du domaine sécuritaire, nous avons discuté sur d’autres domaines. Parce que le domaine sécuritaire, c’est conjoncturel. Nous espérons que d’ici quelques temps, on va régler ce problème. Mais au-delà de ça, il faut que nos relations se poursuivent. Parce que nous avons tous intérêt à gagner.

Est-ce que la Russie peut être un allié du Burkina Faso dans la lutte contre les djihadistes ?

Oui, c’est ce que nous souhaitons. Nous souhaitons que la Russie soit un allié comme tous nos partenaires. Nous savons que la Russie est une grande puissance. Si la Russie le veut, elle peut vraiment nous aider dans ce domaine.

Il est prévu l’organisation d’un sommet Russie-Afrique en 2023. Est-ce que le Burkina Faso prévoit de participer à ce forum ?

On m’a remis une lettre du président Poutine pour mon président, le capitaine Ibrahim Traoré. Donc, je vais la lui remettre. A priori, si je suis là, c’est pour que les relations entre la Russie et le Burkina Faso se renforcent. Donc, il n’y a pas de raisons pour que nous ne venions pas.

Ce sera visiblement l’occasion d’organiser une visite d’État ?

Mois je suis là en précurseur. C’est pour voir si vous les russes vous êtes disposés à coopérer avec nous. Si vos intentions sont bonnes et que les choses se précisent, notre coopération va se renforcer. Et il y aura des visites d’État. Peut-être même que mon chef d’État viendra ici ou peut-être moi-même je reviendrai ici. C’est ce que nous espérons.
Il y a aussi le volet du commerce qui pourrait être un aspect de la coopération entre la Russie et le Burkina Faso.

Est-ce qu’il y a des produits que la Russie pourrait fournir au marché burkinabè ?

Ça c’est à vous de répondre. Comme j’ai eu à répondre à mes interlocuteurs, la Russie est une grande puissance mais on ne voit pas la Russie chez moi alors que vous produisez beaucoup de choses. Par exemple en matière de médicaments, vous produisez beaucoup de médicaments qui pourraient être moins chers. Pourquoi, les russes ne viendraient pas ouvrir des pharmacies chez moi au Burkina Faso comme le font les français. Pourquoi, on ne vendrait pas les médicaments russes comme on vend les produits français ? Tous les chantiers sont ouverts. Ça dépendra aussi de la disponibilité des russes. Nous souhaiterions avoir plus de produits russes chez nous au Burkina Faso pour diversifier notre partenariat et ne pas être lié seulement aux occidentaux.

Au regard de la crise alimentaire qui se profile dans le monde, est-ce que le Burkina Faso compte aussi sur le soutien russe dans ce domaine ?

C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je suis là. Nous ne cultivons pas le blé alors que nous en consommons. Par exemple, pour fabriquer le pain et les gâteaux, on a besoin du blé. Donc, à court terme, nous aimerions que la Russie nous aide en nous fournissant du blé. Parce que à moyen terme, nous aimerions cultiver le blé chez nous.

Si la Russie peut nous aider avec ses experts à produire le blé chez nous ça serait une bonne chose. Autre chose, vous savez également que la Russie est un grand fournisseur d’engrais. Ce que nous n’avions pas encore. Nous aimerions aussi que la Russie nous fournisse en engrais. Voilà autant de domaines de coopération. Dans le domaine de l’agriculture également, nous savons que vous avez de bons ingénieurs et de bons experts. On pourra avoir la coopération dans ce domaine également.

Actuellement, les engrais russes sont bloqués à cause des sanctions. Mais des efforts sont faits pour dégager les voies afin de fournir gratuitement certains produits aux pays d’Afrique.
La Russie est une grande nation, historiquement, économiquement et militairement. Si elle veut vraiment acheminer des produits chez nous, elle le peut et elle trouvera les moyens. Si elle ne le fait pas, c’est qu’elle ne le veut pas.

Est-ce que vous avez pu évoquer la coopération au niveau culturel et universitaire lors de vos échanges ?

Oui, on a évoqué cette question avec la vice ministre chargée de l’enseignement supérieur. Nous avons trouvé une grande disponibilité de leur part. Elle a promis que d’ici-là, la coopération va se renforcer à ce niveau. Je dois dire qu’au temps de l’Union soviétique, il y avait un centre culturel soviétique à Ouagadougou. C’est là-bas que nous en tant qu’étudiants, on partait lire les ouvrages de la Russie, les journaux etc. C’est ainsi que nous nous sommes imprégnés de la culture soviétique à l’époque. Mais malheureusement après la chute de Gorbatchev, tout cela s’est fermé. Il n’y a plus de présence russe au Burkina Faso sauf quelques armes.

Est-ce qu’avec la venue des spécialistes russes, la langue russe pourrait être apprise dans les écoles burkinabè ?

Pourquoi pas. C’est ce que nous souhaitons. Moi-même qui suis là, j’aurais voulu apprendre le russe. Là, notre intervention se serait passée en russe. Malheureusement, il n’y a pas cette occasion. Je vois les écrits dans la ville mais je ne sais pas ce que cela signifie. Parce que je ne sais pas lire en russe. Nous espérons que ceux qui viendrons après nous, seront formés et auront appris la langue russe de telle sorte que les relations seront beaucoup plus faciles. J’ai même proposé qu’il y ait un vol de aeroflot Moscou-Ouagadougou. Parce que la première fois que je suis venu ici en 1988, c’était avec aeroflot Moscou. Cette compagnie a été supprimée. Elle ne vient plus chez nous. Il n’y a vraiment plus de contact entre la Russie et le Burkina Faso.

Est-ce que les chaînes russes pourraient un jour remplacer les chaînes françaises ?

Remplacer, ça je ne sais pas. Notre objectif, c’est toujours avoir en plus. Ce n’est pas que quelqu’un vient remplacer un autre. Maintenant, si vous êtes présents chez nous, il reviendra aux burkinabè de choisir. Par exemple si vous venez avec des médicaments russes chez nous et que les gens remarquent que ces médicaments sont moins chers et les plus efficaces, spontanément les gens vont aller vers les médicaments russes. Pourquoi moi j’avais pris aeroflot pour faire Paris-Moscou-Moscou-Ouagadougou ? Parce que j’avais comparé les prix et c’était moins cher. C’est pour cela que j’avais pris aeroflot. Si les russes sont aussi présents sur le marché, les gens vont apprécier ; ils auront plus de diversités de choix.

L’arrivée de la Russie au Burkina Faso pourrait aussi créer la concurrence avec d’autres acteurs ?

Oui et même pour la Russie. Ça pourrait aider la Russie à perfectionner ses produits. Parce que les produits russes seront confrontés aux produits européens, américains, asiatiques. Donc, les russes vont se réadapter et faire face à la concurrence. C’est ce que nous souhaitons. Quand vous venez chez moi, il y a plein de voitures asiatiques qui viennent de Corée, du Japon. Les engins à deux roues qui viennent de la Chine, du Vietnam etc. Mais il n’y a rien de la Russie. Nous souhaiterions avoir plus de produits russes aussi chez nous au Burkina Faso et même des vêtements. Ça pourrait diversifier et ça sera un moyen de compétition pour tout le monde et d’amélioration au profit de la consommation.

Est-ce que vous pensez qu’il y a un public qui pourrait être réceptif aux chaînes russes ?

Tout dépend de la disponibilité et de la qualité du produit. Si ce que les chaînes russes proposent est compétitif, il n’y a pas de raison que les gens ne choisissent pas de suivre cette chaîne d’autant plus qu’actuellement ils sont saturés par les chaînes traditionnelles. Tout le monde connaît par exemple France 24, CNN qui est une chaîne américaine, et BBC. Mais on ne connait pas de chaîne russe. Vous avez l’avantage de la nouveauté. Les chinois ont une chaîne qui émet chez moi et les gens suivent. Donc, les chaînes russes si elles sont compétitives, il n’y a pas de raison qu’elles ne ravivent pas le marché aux autres.

Interview retranscrite par Aïssata Laure G. Sidibé
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