Grève à Moov Africa Burkina : « Les travailleurs ne supportent plus d’être méprisés par le directeur général », dénonce le personnel
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Dans l’après-midi du vendredi 9 décembre 2022, les travailleurs de Moov Africa Burkina (ex-Onatel) ont organisé une conférence de presse pour dénoncer le non-respect des engagements pris par Maroc Télécom avec l’État burkinabè, au moment de la privatisation de l’entreprise.
Plus rien ne va entre les travailleurs de l’ex-Onatel SA et le premier responsable de la société. Depuis le 17 novembre 2022, les agents observent un mouvement d’humeur. Ils ont plusieurs griefs contre le directeur général. La première préoccupation est liée au non-respect du cahier des charges. Si au moment de la privatisation, l’entreprise était le leader des télécommunications au Burkina Faso tant en termes de parcs d’abonnés que de qualité de service, l’insuffisance d’investissement au fil des ans l’a conduite à perdre sa place de leader dans plusieurs segments du marché, selon les travailleurs. L’examen des derniers chiffres issus de l’observatoire de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) confirmerait cet état de fait. Au troisième trimestre de l’année 2022, Moov Africa Burkina aurait perdu sa place de premier opérateur. Pour les agents, cela est le signe patent de l’incompétence et de l’échec de Maroc Télécom.
A cela s’ajoute l’obligation de recruter au moins 200 personnes dans les cinq premières années de privatisation, qui n’a pas été respectée. Pour le personnel, le motif invoqué pour refuser de recruter du personnel (effectif déjà pléthorique) montre l’incompétence du management marocain en matière de gestion des ressources humaines. Or, cette situation, à l’en croire, pèse lourdement sur l’entreprise qui a besoin aujourd’hui de sang neuf au niveau du personnel pour retrouver un nouveau souffle.
Au-delà du non-respect du cahier des charges, les travailleurs dénoncent des actes de gestion qui, selon eux, plombent l’entreprise dans son développement. Entre autres, le traitement « discriminatoire et inhumain » réservé aux entreprises de sous-traitance et fournisseurs nationaux de l’entreprise. « Les factures des sous-traitants et fournisseurs nationaux sont toujours payées avec un retard. Si les fournisseurs veulent être payés dans les délais, il leur est fait une obligation de céder une partie de leur dû. Quant aux fournisseurs étrangers, notamment marocains, leurs factures sont payées à bonne date, souvent avant la date limite », a relevé Bonaventure Kafando, qui a lu la déclaration liminaire.
Il y a d’autres actes dont la finalité est la fuite des capitaux vers le Maroc. Sur ce point, les travailleurs ont confié que Moov Africa Burkina paie à Maroc Télécom une redevance pour l’utilisation de la Marque Moov Africa, qui s’élève à 1,125% du chiffre d’affaires trimestriel réalisé à l’Onatel. En valeur absolue, ils estiment cela à près de deux milliards de francs CFA que l’entreprise doit reverser annuellement à Maroc Télécom. La prise en charge « exorbitante » d’expatriés marocains à travers un contrat de service et d’expertise est également considérée par les travailleurs comme une forme déguisée de fuite de capitaux vers le Maroc.
En plus de tout ce qui est cité plus haut, la vente du patrimoine de l’entreprise par la direction générale et le dialogue infructueux constituent des points de désaccord. « Les travailleurs ne supportent pas d’être méprisés par le directeur général qui les considère comme des sous-hommes par rapport aux Marocains », a lâché M. Kafando. Pour ce dernier, les travailleurs mènent un combat patriotique qui vise d’une part à empêcher Maroc Télécom de sucer l’ex-Onatel et de ne laisser qu’un squelette quand il sera amené à partir, et d’autre part à restaurer aux travailleurs burkinabè de la société, aux sous-traitants et fournisseurs burkinabè leur dignité. « Nous ne pouvons pas accepter que quelqu’un, qui s’installe chez nous pour des affaires, méprise notre peuple », a-t-il martelé. Avant de lancer un appel aux autorités afin qu’elles se penchent sur ce qui se passe dans la gestion de l’Onatel, entreprise ayant des capitaux publics. Pour terminer, M. Kafando a sollicité le soutien du peuple dans cette lutte contre l’oppression des travailleurs et pour le respect des Burkinabè.
Présent à la conférence de presse, le secrétaire général du Syndicat national des télécommunications, Souleymane So, a déploré l’incident qui s’est produit avec le directeur général et invité le personnel à travailler pour éviter une telle scène à l’avenir. En effet, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montrait un homme, présenté comme le directeur général de la société, être forcé à monter dans un taxi. Est-ce qu’à ce jour le directeur général a repris service ? A cette préoccupation, M. So a été peu rassurant : « Nous ne pouvons pas dire s’il a repris ou pas. Mais une chose est sûre, en tant que responsable syndical, on nous a délégué pour mener des échanges avec les autorités politiques et la direction générale. Nous cherchons tous à sortir de cette situation de crise. Parce que nous sommes une entreprise qui fait face à la concurrence ».
Aïssata Laure G. Sidibé
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