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Exclusion du Burkina de l’AGOA : « L’impact économique n’est pas extraordinaire », estime Pr Ousseni Illy

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Publié le dimanche 6 novembre 2022 à 22h27min

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Exclusion du Burkina de l’AGOA : « L’impact économique n’est pas extraordinaire », estime Pr Ousseni Illy

Les États-Unis ont suspendu les avantages commerciaux octroyés au Burkina Faso dans le cadre de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), après deux coups d’État militaires en l’espace de moins de neuf mois (23 janvier et 30 sept 2022). Cette mesure prend effet à partir du 1er janvier 2023. Pour Washington, la démocratie est la seule voie de gouvernance. Il appartient ainsi au Burkina Faso, s’il veut bénéficier de ce type de programme, de travailler à consolider le processus démocratique et à y rester. Dans une interview accordée à lefaso.net, Pr Ousseni Illy, enseignant-chercheur en droit monétaire et financier international, s’est prononcé sur ce sujet qui anime les causeries depuis quelques jours.

Lefaso.net : Pour un profane, qu’est-ce que l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) ?

Pr Ousseni Illy, enseignant à l’université Thomas Sankara : L’AGOA, c’est la loi sur les opportunités de croissance en Afrique. Souvent, j’entends dans les médias que c’est un accord. Ce n’est pas un accord mais une loi américaine adoptée en 2000 par le congrès des États-Unis sous le président Bill Clinton et qui vise à faciliter les exportations africaines vers les États-Unis.

Cette loi répond à un changement de paradigme au niveau des États-Unis à cette époque où les dirigeants ont pensé, plutôt que de donner de l’aide aux pays africains, il faut les appuyer dans leur commerce. Parce que cela est beaucoup plus durable que l’aide. C’est ce qui a milité à la mise en place de cette loi qui permet concrètement aux pays africains éligibles de pouvoir exporter leurs produits aux États-Unis hors douanes. Ce qui les rend en principe plus compétitifs par rapport à d’autres pays.

Quelle appréciation faites-vous de la sanction infligée au Burkina Faso par les États-Unis ?

En réalité c’est une sanction qui est automatique même si lors du premier coup d’État, on avait bénéficié d’une certaine magnanimité. Pour bénéficier de l’AGOA, il y a un certain nombre de conditions qui sont définies par la partie américaine. Parmi ces conditions, il y a la démocratie. Ce qui veut dire que tout pays qui est considéré par les États-Unis comme non démocratique ne peut pas bénéficier de l’AGOA. Et comme vous le savez, notre pays est à son deuxième coup d’État.

Lorsqu’un coup d’État intervient, ça interrompt le processus démocratique. Automatiquement, le pays est exclu. C’est pour cela que des pays comme le Mali, la Guinée ont été exclus. Comme je le disais tantôt, lors du premier coup d’État, les États-Unis avaient peut-être estimé que ça ne valait pas encore la peine de suspendre le Burkina Faso. Mais, avec ce deuxième coup d’État, ils ont considéré que le pays n’était plus sur la voie de la démocratie. Donc, il fallait le suspendre.

Cette sanction a-t-elle des bases légales ?

Oui, puisque la loi américaine fixe les conditions pour bénéficier de l’AGOA. Il peut avoir d’autres considérations juridiques au niveau de l’OMC qui estime que les pays développés ne doivent pas entretenir des discriminations entre pays en développement lorsqu’ils leurs accordent des avantages. Mais, je pense que ça sera un peu plus compliqué à ce niveau.

A votre avis, quel est l’objectif recherché par la prise de cette sanction ?

Lorsque les États-Unis excluent un pays de l’AGOA, c’est pour ramener le pays vers le processus démocratique ou le respect des droits de l’homme. Il y a des pays qui ont été exclus et qui ont été réintégrés par la suite. Le jour où on fera des élections ou bien le jour où le pays donnera plus de gages aux yeux des États-Unis qu’il est sur le chemin de la démocratie, ils vont le réintégrer. Le but de cette suspension, c’est véritablement de forcer le pays à retourner vers le chemin de la démocratie. On peut ne pas aimer ou être d’accord mais c’est la vision américaine des choses.

Elle aura sans doute des conséquences sur notre économie. Est-ce que vous pouvez vous prononcer sur la question ?

Cette sanction a des conséquences. La première étant économique. Puisqu’il y a des exportations burkinabè qui vont vers les États-Unis et qui bénéficiaient de ces avantages. Naturellement, ces exportations seront impactées parce qu’elles ne pourront plus entrer aux États-Unis sans droit de douane. Je vois que ça affole les gens mais globalement l’impact économique n’est pas extraordinaire, parce que les exportations burkinabè vers les États-Unis ne sont pas si importantes à plus forte raison, les exportations qui bénéficient de l’AGOA.

Quand vous regardez les chiffres des dernières années, nos exportations totales vers les États-Unis, c’est autour de 3 à 4 milliards de francs CFA. Sur ces exportations, celles qui ont bénéficié de l’AGOA, c’est autour de 1 milliard de francs CFA maximum. Mais, il faut noter que les entreprises dont les exportations sont essentiellement faites sur la base de l’AGOA notamment les entreprises qui évoluent dans la transformation d’anacarde, du sésame et bien d’autres produits agricoles vont sentir l’impact de cette sanction. Même si l’impact n’est pas important au plan économique, il a un coup sur l’image de notre pays. Puisque dans tous les médias, on chante le nom du Burkina Faso ces dernières 24 heures. Cela peut avoir des répercussions sur l’attractivité du pays qui n’était déjà pas très reluisante.

Quel pourrait être « le plan B » du Burkina Faso pour y faire face ?

Pour l’instant, les États-Unis n’ont pas dit quand est-ce qu’ils vont nous réintégrer. Mais c’est un peu comme le Millennium Challenge Account Burkina Faso qui a été suspendu sous le premier coup d’État et cela est encore beaucoup plus important. Ça fait plus de 200 milliards de francs CFA. C’est le jour où le Burkina Faso reviendra à la démocratie que les États-Unis discuteront les conditions de sa réintégration. Par conséquent, notre pays n’a pas quelque chose de spécial à faire sauf travailler au retour de la démocratie. A ce propos, il y a un calendrier qui a été défini. Si au bout des 21 mois, on donne des gages que le pays est sur le chemin du retour à la démocratie, les autorités américaines apprécieront et décideront de réintégrer ou pas le pays. Mais en attendant cette éventuelle réintégration, le pays peut travailler peut-être à réorienter les exportations impactées vers d’autres destinations.

A vous écouter, les États-Unis peuvent refuser de réintégrer le Burkina Faso dans l’AGOA ?

Comme je le disais tantôt, c’est une loi unilatérale américaine. Les États-Unis sont souverains dans l’application de cette loi. Donc, ce sont eux qui décident en dernier ressort quel pays va bénéficier et quel autre pays ne va pas bénéficier. Mais si vous êtes un pays qui respecte les standards de l’Etat de droit, à priori, à moins qu’il y’ait d’autres raisons, vous bénéficiez de l’AGOA.

Face à cette sanction, quel pourrait être le rôle des nouvelles autorités ?

Les autorités n’ont pas, où elles ne peuvent pas faire grand-chose. Puisqu’on a un calendrier de retour à la démocratie qui est fixé en 2024. Ce calendrier a été décidé de commun accord avec la CEDEAO. Est-ce que parce que le pays a été suspendu de l’AGOA qu’il faut organiser les élections avant la date prévue ? Je ne pense pas. Il appartient aux nouvelles autorités de travailler à respecter ce calendrier. Mais peut-être ce qui peut être fait, c’est de travailler à combler les pertes sur le plan économique même si elles sont modestes. Il s’agira par exemple comme je l’ai souligné tantôt d’essayer de trouver d’autres destinations pour les produits qui seront impactés ou bien travailler à les rendre plus compétitifs malgré les taxes qui seront désormais imposées.

Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
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Messages

  • Je ne suis pas convaincu de l’analyse du Pr Ousseni Illy. Selon certaines etudes rien qu’en 2013, 8% du cotton burkinabe etait exporte vers les USA. Combien coute 8% de notre cotton ? quel est le % aujourdhui ? Il est mieux place pour nous edifies.

    • Ce ne sont pas tous les produits exportés qui beneficiaient de l’AGOA, verifiez d’abord si le coton en faisait partie cher Nick.

    • Je suis surpris que le professeur trouve les benefices économiques liés aux exportations des produits tels que l’anacarde, le sésame... car ces produits font partie des exportation phares du BF. Et puis faut pas toujours raisonner avec des chiffres des années passées et oublier que la culture de ces produits progresse d’année en année donc il faut aussi tenir compte des prévisions dans une situation ou le BF n’était pas exclu de l’AGOA avant de pouvoir cerner les impacts réels de la situation de suspension sur un certain temps.

    • Moi aussi je ne suis pas d’accord avec l’avis du Pr. Je me rappelle qu’on s’est battu pour obtenir cette place dans l’AGOA et c’est les mêmes professeurs qui sur les plateaux télé nous en démontraient les avantages.
      Sous d ’autres cieux, quand ces genres d’accord sont rompus, c’est toute une bataille diplomatique Pour les ramener. On se rappelle des taxes douanières entre les USA et la Chine sous Donald Trump. Pour les gains, il n’y a pas que les retombées immédiates et directes que nOUs perdons, il y’a aussi l’espoir et les gains à long terme. Quand une marque d’un produit burkinabè arrive à se vendre aux USA, il devient plus facile de convaincre d’autres pays développés à accepter ce produit. Une marque qui a l’Europe, les USA et autres dans son parcours, est un produit avec beaucoup d’espoir pour l’avenir en terme de vente.

    • Oui le coton fait bel et bien parti des produits qui bénéficient de L’AGOA.

  • Ousseini a bien raison. Les exportations burkinabè vers les Etats Unis sont limitées par rapport à celles vers d’autres destinations plus importantes (Chine, autres pays d’Asie, Union européenne, Côte d’Ivoire, Mali). Donc l’effet macroéconomique immédiat de la suspension du Burkina Faso de l’AGOA est très limité.
    8 % des exportations de coton burkinabè vers les USA c’est dérisoire en terme global même si, comme l’a si bien dit Ousseini, des entreprises individuelles qui réalisaient ces exportations et en dépendaient fortement pourraient fortement et négativement affectées. Les producteurs burkinabè ne sont pas interdits d’exporter leurs produits vers les USA ; ils ne bénéficieront plus de droits de douane nuls pour les biens qui étaient couverts par l’AGOA.
    Il y a une chose qu’Ousseini a omis de prendre en compte dans son analyse, c’est l’aspect dynamdique des exportations burkinabè en direction des USA. Si la tendance de ces exportations était à la hausse et de manière relativement soutenue, alors le Burkina Faso perdra beaucoup plus de l’arrêt de cette dynamique. Cette perte est cumulée sur plusieurs années (croissance des opportunités d’exportations perdues). Quand le pays sera réintégré dans l’AGOA, il faudra reprendre (si on peut rependre bien sûr) cette dynamique là où elle s’est cassée.

  • Pensez vous que ces types de coopérations aideront l’Afrique de se développer ? Il faut que les Américains et européens attaquent le vrai problème de coup d’état et de gouvernance si non coupé la coopération ne servira à rien.

  • Très belle analyse du Pr ILLY qui est un spécialiste du Droit Économique et du Commerce International.En effet, seuls quelques produits bénéficient de cette exonération douanière. Ce sont des produits qui peuvent s’écouler ailleurs et même au niveau local, notamment le sésame et l’anacarde qui sont très riches mais dont les meilleurs produits sont exportés au détriment de nos populations malnutris. C’est ça aussi notre réalité, tous nos produits exportés, comme la mangue (crue ou séchée), bananes, miel, anacarde, sésame..sont triés pour être vendu en Occident et le moins bon pour être écoulé ici.C’est ce qui est triste !

  • Un esclave qui n est pas conscient de son statut sosial pour se liberer merite pas s empati de la part de ceux qui luttent pour le meme sort.

    D apres les USA du senil president Biden, le Burkina Faso doit avaler sa couleuvre criminelle geopolitique qui a destabiliser les pays saheliens via la Libye.

    De quelle democratie on nous parlent qand c est ce pays qui a foutu son ordre de desordre mondial ? En attaquant les autres peuples pour implanter la SUPREMATIE BLANCHE.

    AGOA ou pas la pluie tombe aussi au Burkina Faso comme aux USA.

    Stoppons cette ingerance hypocrite deguisee par ce monstre imperialiste avec le theme.

    BURKINA LIVES MATTER !

  • On passe à côté de la veritable analyse geopolitique. Pourquoi n’as-t-on pas suspendu le Burkina au temps de Damiba et on le fait maintenant ? C’est pour punir le nouveau pouvoir de ses intentions de composer avec la Russie. Malheureusement les Ameticains n’ont pas encore compris que les sanctions ont l’effet inverse de ce qui est désiré. Ce ne fera que jeter davantage le Burkina dans les bras de la Russie.

  • Nos experts disent que ce n’est pas grave, alors on continue de nous enfoncer ?

  • Tout est diplomatique et mise en scène ! Quelles GROWTH OPPORTUNITIES ? Politique ou économique ou les deux ? Si les USA voulaient vraiment nos GROWTH ils auraient en toutes circonstances décidé de nous favoriser toutes les exportations HORS DOUANE en tout temps. Car les USA sont facteurs moteurs voire origines de nos situations politiques et coups d’État. Ex : Libye. Et comme reconnaissance de leurs torts et péchés, ils auraient accepté cette libre exportation de nos produits hors douane sans conditions. Ce serait une confession qui prouverait qu’ils militaient vraiment pour nos GROWTH OPPORTUNITIES. Sinon c’est de la gaamation. C’est la raison du plus fort pour des INTIMIDATION and DEPENDENCE GROWTH POLICIES.

  • Connaissant les secteurs impactés ou concernés notamment le sésame l’anacarde et autres le gouvernement pourrait prévoir de subventionner ces secteurs à hauteur de 500 millions par exemple pour les aider à faire face au défi.

  • Je suis d’avis avec Moïse. Quant il y’a coup d’état en Afrique, les USA se précipitent pour sanctionner les pays en question sans pour autant chercher à s’attaquer aux maux qui ont conduits à ces coups. Ces sanctions qui font toujours retarder ce qu’ils recherchent de ces pays africains, la démocratie. Pour moi sanctionner les pays comme non démocratique n’est pas la solution aux problèmes africains. C’est d’abord accompagner les dirigeants à la bonne gouvernance, et celle ci n’est pas nécessairement synonyme de démocratie. La bonne gouvernance c’est seulement la distribution équitable des biens du pays et cela va résoudre une grande partie des problèmes du continent si ils en arrivent à ce stage.

    • Si vous fastest votre coup d etat faut ensuite demander aux USA de s attaquer aux causes. On ne peux pas prendre l argent du contribuable americain virus donner pour que bonus dilapider ca ventre en l air. En plus un pays pauvre tres endetter ne doit oas faire coup d etat tous kes 5 jours. ROCK à été elu.

  • Qu’est-ce-que le très puissant USA a à gagner en prenant une telle mesure ?
    Qu’est-ce-qu’il gagne à voir ce pauvre pays demeurer dans la pauvreté éternelle ?
    Comment peut-il s’asseoir et voir ce pauvre pays s’affamer et tendre à disparaitre depuis quelques années ?
    Quel est le bon sens qui veut qu’on ne se défende pas ?
    Comment un si grand pays des libertés peut-il être aveugle face à la privation des libertés que veulent lui imposer des individus armés ?
    Si les USA c’est 52 États en un, comment peuvent-ils accepter la balcanisation du Burkina ?
    Comment moi, ne plus penser que les grandes puissances sont derrière ce crash ? Elles sont aveugles quand les individus armés attaquent mais se réveillent dès que les burkinabés se défendent, se protègent ou demandent de l’aide ! ???
    Que dois-je comprendre ?

  • Suite au coup d’Etat du 24 octobre nous avons perdu plus de 300 milliards avec le MCC. Cette fois-ci on perd encore et je suis sur que c’est beaucoup encore. La démocratie est sacrée. On peut instituer une révolution démocratique avec des règles qui nous permettent de vivre en harmonie avec les autres peuples. Nous sommes pauvres et nous refusons la démocratie et on veut se donner bonne conscience

  • Cette tentative de minimisation fait vraiment sourire ! Ce brave Professeur Illy se tortille comme il peut pour atténuer les difficultés induites par la décision US.

    Mais il faut choisir !
    Cette exclusion par les USA est un avertissement : certains choix malheureux du BF auront des conséquences. On en reparlera dans 30 ans. On ne peut pas garder le poulet, l’argent du poulet et le sourire de la pouletière, eh oui, eh oui...

  • De toute façon, nous aussi on veut notre suprématie

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