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Nouvelles conditions de WhatsApp : Voici les risques et les alternatives selon l’expert en sécurité informatique, Youn Sanfo

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Publié le dimanche 10 janvier 2021 à 23h40min

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Nouvelles conditions de WhatsApp : Voici les risques et les alternatives selon l’expert en sécurité informatique, Youn Sanfo

Pour mieux comprendre la nouvelle politique de confidentialité de WhatsApp, rendue publique le 4 janvier 2021, nous nous sommes entretenus en ligne avec l’expert en sécurité informatique, Youn Sanfo. Qu’est-ce qui va changer pour les utilisateurs de l’application rachetée en 2014 par Facebook ? Quels risques encourent ceux qui ont déjà entamé une migration vers d’autres applications Open sources ou non ? Quelle leçon les Africains doivent-ils retenir de cette situation ? Voici autant de questions posées à l’expert, le vendredi 8 janvier.

Lefaso.net : A compter du 8 février 2021, les utilisateurs de WhatsApp en dehors de ceux de l’Europe seront contraints de partager leurs données avec Facebook. En français facile, à quoi doit-on s’attendre ?

Youn Sango : Effectivement, WhatsApp a communiqué sur cette question. À défaut d’accepter la nouvelle politique de confidentialité de WhatsApp (mise à jour le 4 janvier 2021), on ne pourra plus utiliser le service à partir du 8 février. Depuis le 4 janvier 2021 les utilisateurs WhatsApp commencent à recevoir un message leur demandant d’accepter les nouvelles conditions d’utilisation de WhatsApp. Si vous n’acceptez pas, vous ne pourrez plus utiliser WhatsApp à partir du 8 février 2021. Si vous acceptez les conditions alors vous accepterez que vos données Whatsapp soient partagées avec Facebook même si vous n’utilisez pas Facebook !

Lefaso.net : Quelles sont les informations concernées par ce partage entre Whatsapp et Facebook ?

Pour aller vite, je dirais TOUT !
Ils disent eux-mêmes qu’il s’agira :
• Des informations d’enregistrement de votre compte
• Votre numéro de téléphone
• Les données de transaction (tous les échanges entre vous et d’autres utilisateurs)
• des informations sur la façon dont vous interagissez avec d’autres, y compris des entreprises,
• les informations sur votre appareil mobile
• votre adresse IP
• ainsi que d’autres informations

Ils ajoutent : « Ces Informations nous les recueillons », ou les obtenons après vous en avoir averti(e) ou sur la base de votre consentement »

Lefaso.net : Le renforcement de cette interconnexion entre WhatsApp et Facebook d’ici le 8 février était-il prévisible ?

En réalité c’était déjà fait. Il nous arrivait d’attirer l’attention des utilisateurs sur certains évènements qui prouvaient que WhatsApp et Facebook se partageaient déjà les données des utilisateurs des deux plateformes. Nous avons plusieurs fois donné des exemples. Donc cela a toujours été leur intention et on ne peut pas dire qu’ils s’en cachaient puisque déjà en 2016 ils ont fait une annonce similaire et il y avait eu une levée de bouclier du côté européen notamment. Facebook avait alors reculé mais on peut penser maintenant que c’était pour mieux sauter.

Cette fois-ci, ils imposent leurs conditions : celui qui n’est pas d’accord s’en va.
Ce type d’entreprise joue toujours sur le nombre. Ils ont surement fait des études avant. Savez-vous que pour la seule journée du 1er janvier 2021 il s’est échangé 1,4 milliards de messages rien que sur WhatsApp ?

Lefaso.net : Mécontents, certains utilisateurs ont commencé à migrer vers d’autres applications. Est-ce la solution ?

Ça peut-être une solution pour éviter la vente de ses données personnelles par une entreprise. Mais il faut bien réfléchir et se renseigner sur l’application sur laquelle on veut migrer, car si vous quittez une entreprise pour une autre il se pourrait que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Lorsque la nouvelle entreprise aura autant d’abonnés que Facebook et WhatsApp et on n’est pas sûr de ce qui va se passer.

Pour l’instant, les experts de mon domaine, la cybersécurité, utilisent beaucoup les applications Signal (prononcer sig-nol) et Telegram. La raison, c’est que ces applications sont OpenSource et elles n’appartiennent pas à une entreprise mais à une communauté. Signal a été créé par celui qui avait créé WhatsApp, Brian Acton. Déçu de l’utilisation faite par Facebook de WhatsApp, il a créé Signal en la confiant à une communauté pour éviter ce qu’est devenu WhatsApp après son rachat par Facebook.

OpenSource signifie que si vous savez programmer, vous pouvez aller dans les entrailles de l’application pour voir ce qu’elle fait. Et puisque des milliers de personnes le font tous les jours, on est sûr que les données ne sont pas vendues ou échangées à notre insu. Ces applications sont financées par des dons.

J’ai déjà été interrogé sur une application développé par un Africain Sierra Léonais que j’ai déjà testé. L’application est disponible sur play-store gratuitement et s’appelle Supfrica App. C’est une bonne initiative, et certains à juste titre disent que les Africains doivent utiliser cette application pour être à l’abri des ventes de leurs données confidentielles ou à caractère personnel.

La question que je me pose, c’est de savoir ce qui se passerait si les Africains utilisaient massivement cette application et qu’elle a du succès.
Je pense que Facebook ou une autre entreprise va racheter cette entreprise africaine. Rappelons-nous que le 19 février 2014, Facebook a racheté WhatsApp entre 19 et 22 milliards de dollars. Difficile de refuser !

Lefaso.net : Quelles sont les conséquences pour ceux qui décideront de rester sur WhatsApp ?

Comme dit plus haut, leurs informations seront utilisées pour permettre à Facebook, WhatsApp et leurs partenaires commerciaux de faire de la segmentation. Ils auront alors la possibilité de vous envoyer des propositions d’achat de voiture parce que vous en avez parlé avec vos amis en étant sur une de leurs plateformes.

Avouez que c’est plus efficace que d’envoyer de la réclame à 10 000 personnes pour obtenir 1 seul achat. Avec la segmentation, on va droit au but, on vous propose des produits que vous avez huit chances sur dix d’acheter. Vos données valent de l’or et ces entreprises l’ont compris avant vous !

Lefaso.net : Quelles sont les alternatives à WhatsApp ?

Les alternatives sont nombreuses, mais il faudra évaluer l’efficacité, la facilité d’utilisation mais surtout l’origine de l’application. Est-ce une entreprise ou une communauté libre qui est à la base de l’application ?

Je pourrais citer quelques solutions alternatives, à chacun de vérifier sur Internet avant de choisir.
Supfrica origine Sierra Léone
Skred origine France
Signal origine communauté
Viber origine Israel
Telegram origine Russie basée à Dubaï
Wire origine Suisse et Allemagne
Dust origine États-unis d’Amérique

Lefaso.net : Ces applications garantissent-elles vraiment la vie privée de leurs utilisateurs ?

Difficile de le dire, hormis pour les applications OpenSource. Mais toutes ces applications, propriétaires ou OpenSources ne sont pas à l’abri d’une attaque informatique. Rappelez-vous le cas de WhatsApp où une attaque permettait de prendre le contrôle du téléphone de la victime.

En réalité, la sécurité 100% n’existe pas. La sécurité est un compromis entre les risques les menaces, les vulnérabilités et votre réalité.

Lefaso.net : Quelle leçon retenir de tout cela ?

La leçon principale est ce que je répète depuis 15 ans. Avant même de parler de la sécurité de notre téléphone ou de nos transactions sur Internet, posons-nous une question toute simple. Nous sommes tous des ‘clients’ de Facebook, Twitter, Google WhatsApp, etc. qui sont des entreprises ayant des milliers de salariés.

Combien leur payons-nous pour tous les services qu’ils nous rendent ? Si la réponse est zéro francs, alors il y a un léger souci. Comment une entreprise qui ne facture pas ses clients, peut devenir la plus riche ou l’une des plus riches du monde ?

La réponse est qu’en réalité, nous ne sommes pas les clients. Les clients sont ceux qui paient pour avoir des informations pertinentes afin de vendre ou de gérer ou diriger une entreprise ou un pays en ayant des informations pertinentes. C’est eux qui paient. Et nous ? Nous sommes la marchandise. Nos données contenues dans nos téléphones, lors de nos transactions, ce que nous racontons tout seul sur Internet sans qu’on nous ai rien demandé, c’est tout cela leur fonds de commerce.

Sur Internet, lorsque c’est gratuit, il y a de fortes chances que ce soit vous, la marchandise.

Entretien réalisé en ligne par
Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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Messages

  • Pour ceux qui ne veulent pas que leurs données WhatsApp soient partagées avec Facebook alors il faudra utiliser l’application ‘Signal’.

  • Merci pour l’éclairage en langage simple et clair

  • Merci beaucoup pour votre éclairage . On se rend compte en effet que nous sommes une marchandise

  • Bonjour
    Merci pour cette analyse pertinente de l’utilisation des données.
    Mais la question que nous devons nous poser : que fait nos états face à ces situations ? Les données des habitants est une question de sécurité et de souveraineté nationale, il ne faut pas laisser les citoyens face à ces mastodonte. En Europe, par exemple, cette nouvelle initiative de WhatsApp ne sera pas appliquée à cause du RGPD et le fait que la question est prise à bras le corps par les différents états et les sanctions sont importantes.
    Nos états doivent nous accompagner ne serais qu’avec des textes juridiques forts.
    Cordialement

    • Étant donné que Facebook et même whatsap sont tous plus puissante que nos États je m’incline face à la difficulté du désaccord

  • Pourquoi cette ségrégation entre l’Europe et le reste du monde pour une entreprise américaine ?
    Les autres dirigeants s’en foutent-ils de la vie privée de leurs citoyens ?

  • @Sawadogo Relwende
    Vous avez totalement raison. Ce n’est pas normal que ceux qui sont élus pour diriger nos États après nous avoir utilisé comme bétail électorale nous laisse utiliser comme un bétail par les firms tel que Whatsapp. Si l’Afrique s’unit comme l’Europe pour dire non Whatsapp va reculer. Nos États ne sont pas des nomansland où Whatsapp et Facebook vont venir imposer ses conditions. De toute façon c’est grâce à nous utilisateurs que ces firmes sont ce qu’elles sont et vivent.

  • Bonjour, juste vous notifier que l’application c’est Supfrica et non Supafrica.

  • Bonjour à tous,
    Je pense que nous devons être plus réaliste. Facebook ou WhatsApp, nous ont pas obligé à s’abonner. Nous sommes allés de façon volontaire et nous pouvons les quitter. D’après le spécialiste, c’est gagnant-gagnant. Nous utilisons gratuitement et en contrepartie ils utilisent nos informations.

    • Ce n’est pas gratuit car ces applications utilisent le forfait internet.
      Avant WhatsApp il y avait Viber et après WhatsApp il y aura d’autre app donc ces réseaux sociaux vivent grâce à nous.
      C’est déjà donnant donnant.
      Le 08 fév on verra

  • Merci pour cet expose clair et precis. A chacun d’en faire bon usage.

  • Bye bye Whatapp ... merci Monsieur Sanfo ces éclairages très utiles

  • Voici encore une preuve de la porosité de nos systèmes politiques et gouvernementaux qui du reste relèvent toujours du copier coller mais surtout de l emprunt. Aussi une preuve de la faiblesse de nos chers gouvernants africains qui n ont pas encore compris que l union dans l intégrité boostera l Afrique hors de sa pauvreté existentielle et économique. En tout cas cette question semble ne pas nous preoccuper et c est ce qu on appelle ignorance dans ce monde hautement technologique. A chacun de prendre ses précautions si rien n est fait.

  • Supfrica vient d’etre lance sur le marche par un americain d’origine sierra leonaise. Pour le moment il ne peut fonctionner que sur Android. Le proprietaire travaille a le rendre fonctionnel sur iphone et autres plateformes. Je pense qu’il faut encourage a consommer les produits africain pour booster nos freres dans la recherche. On a trop aide l’occident qui se comporte en ennemi des africains(creant des rebellions, pillant nos matieres premieres, mepris envers le noirs, mettant nos economies dans une situation miserable),

  • Très intéressant cet article. Merci pour ces explications simples et claires.

  • Merci Mon générale !
    Cela peut servir d’opportunités pour l’utilisation ou la créations de plus d’application libre gérer par une communauté et non un particulier.

  •  Pour moi, il n’y a pas de débat : depuis hier je suis sur Télégram et Viber et je refuse les nouvelles conditions de whatsApp. Je préviens déjà tous mes contacts. "le jour où mon compte WhatsApp s’arrête vous pouvez me joindre sur Viber et Telegram avec les noms et numéro de tél".
     Je souhaite que beaucoup d’africain boycottent WhatsApp et tout ce qui est à Google afin que cela serve de leçon à toutes les entreprises qui pensent pouvoir abuser tranquillement des peuples africains parce que simplement nos dirigeant sont défaillants. Il faut garder l’esprit de l’insurrection : "notre nombre est notre force" et savoir imposer le respect. C’est précisément ce grand nombre qui intéresse ces marchants. N’acceptons pas d’être simplement un troupeau à vendre. Si ces messieurs se rendent comptent que leur projet risque de tomber à l’eau parque le troupeau a découvert le manège du prédateur et se disperse, ils réfléchirons par deux fois avant de sévir. Mais je sais que certains défaitistes qui peuplent notre continent, tout comme nos dirigeants, vont préférer les solutions de facilités qui ne sont que des lâcheté : "seule la lutte paye".
     Je ne veux pas avoir affaire à FB et si WhatsApp veut m’y obliger, je dirai bye bye WhatsApp comme bcp d’autres avant moi ! J’irai voir ailleurs et peut-être ces grands perdront un peu de leur superbe si bcp désistent.

  • Pour ceux qui ont accepter de façon automatique la mise à jour, est il possible de rattraper cela ? ma question s’adresse à l’expert en cybercriminalité ?

  • Et pour ceux qui ont déjà accepté, comment faire pour annuler ?

  • Monsieur l’expert BASSOLÉ, une question. Maintenant que la définition du développement est celle de l’éblouissante civilisation occidentale, peut-on se passer de ces applications de merde ? Si oui, comment ? Si non, on arrête les regrets ??

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