LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

Crise ivoiro-ivoirienne : La fuite en avant

Publié le lundi 10 octobre 2005 à 09h05min

PARTAGER :                          

Réuni à Addis - Abéba le 6 octobre dernier pour trouver une issue à la crise ivoiro - ivoirienne, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA est revenu dans les grandes lignes, aux conclusions prises à Linas-Marcoussis puis à Kléber en France dans le même sens.

Deux années de perdues, en somme, qui peuvent cependant être rattrapées pour peu que l’on « cadre » bien le principal empêcheur de faire la paix Laurent Gbagbo.

Maintien de Laurent Koudou Gbagbo au pouvoir pour douze mois supplémentaires, désignation d’un Premier ministre « acceptable » et aux pouvoirs étendus pour « assainir » l’espace juridico-institutionnel ivoirien sous l’œil de la médiation sud-africaine et de l’ONU, les recommandations de la réunion d’Addis Abéba, ont tout l’air d’un Marcoussis bis.

Il avait en effet été décidé dans cette banlieue parisienne où l’équipe de rugby française prend ses quartiers (quoi de plus normal pour séparer une « mêlée ») que Laurent Gbagbo soit dépouillé d’une partie de ses prérogatives au profit d’un Premier ministre chargé de conduire le processus devant aboutir à la réconciliation nationale et

à l’organisation d’élections libres, transparentes et équitables en Côte d’Ivoire. Une occurrence rendue impossible par les manœuvres dilatoires et le radicalisme de Gbagbo et ses faucons qui ont tout fait pour mettre des bâtons dans les roues du pauvre Seydou Elimane Diarra. Dès sa nomination en effet, ce dernier se voyait dire qu’en vertu du « respect des institutions de la république de Côte d’Ivoire »,

le président demeurait le « seul maître à bord », le Premier ministre devant agir sous son « contrôle » et ses orientations.

Malgré la mise en place, le 13 mars 2003, d’un gouvernement de réconciliation avec tous les signataires de l’accord de Linas-Marcoussis, l’esprit de cet accord était faussé, le Premier ministre se trouvant corsété, en vertu de la constitution. Premier point d’achoppement entre les deux têtes de l’exécutif, la nomination des ministres de la Défense et de la Sécurité qui mettra du temps à être effective (ce n’est que le 12 septembre 2003 que ceux-ci seront désignés) le président rejetant systématiquement tous les candidats proposés par son Premier ministre, en vertu de ses « pouvoirs constitutionnels ».

Et même si la loi d’amnistie avait été votée le 6 août 2003, la création d’un climat de psychose à Abidjan rendait la capitale économique « infréquentable » pour les ministres des Forces Nouvelles.

D’abord « cantonnés » à l’hôtel du Golf par mesure de sécurité, lesdits ministres finiront par se « replier » vers des zones plus sûres, la création des milices et le refus du pouvoir de voter les lois essentielles (loi sur le foncier rural, loi sur la nationalité...) traduisant sa volonté intacte d’en découdre militairement pour résoudre la crise. « On ne règle pas un coup d’Etat par des solutions politiques », chantaient les caciques du pouvoir, travertissant du coup, le problème ivoirien, que l’on peut résumer en une crise identitaire.

Stop ou encore ?

Absentéisme, actes de défiance, incompétence (certains militants du FPI se voyaient récompensés par des strapontins ministériels) entretien du climat de xénophobie, Seydou Diarra se voyait confronté à d’énormes difficultés quant à l’obtention d’une équipe de travail homogène.

Illustration de cette guéquerre entre Gbagbo et son Premier ministre, le cas de la radio télévision ivoirienne (RTI) et ses directeurs « éphémères ». L’information étant une denrée stratégique en temps normal a fortiori en temps de crise, Gbagbo a toujours rejeté les directeurs proposées par son ennemi intime et ministre de la Communication, Guillaume Soro.

Ce n’est que le 3 janvier 2005, en prélude au sommet de Pretoria I (avril 2005) que Gbagbo a réinstallé l’ancienne direction et l’ancien conseil d’administration à la tête de la RTI. Et même si le 05 mai 2005, Gbagbo a décidé qu’Alassane Ouattara pouvait se présenter à l’élection présidentielle, il a annulé les effets bénéfiques de cette décision en désignant l’Institut national des statistiques pour la conduite des opérations de recensement du scrutin, l’établissement et la distribution des cartes d’électeur. Une décision scélérate, ce rôle ayant été dévolu consensuellement à la Commission nationale électorale (CNE) d’une part et, ce « canal » qu’il contrôle permettant au pouvoir de désigner les Ivoiriens « à la tête du client », d’autre part.

On retombe dans ce nombrilisme frileux, cet éthnicisme qui a fait le lit de tous les problèmes de la Côte d’Ivoire, avec le tarissement de la manne cacaoyère. Une clanisation que le décret du 15 juillet 2005, concernant l’identification et le séjour des étrangers en Côte d’Ivoire devait parachever en écartant de la liste des « vrais » ivoiriens tous ceux qui avaient un patronyme « douteux ».

Une exercice suicidaire dans cette mosaïque de peuples et de cultures, cette nation en devenir (à l’instar de tous les pays africains) où plus que la nationalité, c’est la citoyenneté qui doit prévaloir.

C’est cette conscience citoyenne qui est à même de fonder la nation ivoirienne, ce que les Ivoiritaires n’ont pas compris. Ce sont ces tenants de l’ivoirité qui sont les responsables de cet enlisement de la crise ivoirienne et aucune « alchimie » ne pourra régler le problème, tant qu’ils tiendront les manettes du pouvoir. Si Seydou Diarra a échoué, on peut parier que son successeur va s’empêtrer dans les mêmes problèmes, surtout que la classe politique ivoirienne offre très peu d’hommes de sa carrure, de son charisme et de son expérience politique.

Charles Konan Banny qui offre le profil, souffre de son « origine » PDCI/RDA et surtout, il n’est pas évident, qu’il veuille lâcher la proie pour l’ombre. Et quelque soit l’homme magique que l’on trouvera, il faudra un « accompagnement » plus résolu de la communauté internationale pour éviter les blocages et autres dérapages.

La restauration d’une paix durable, la réunification du pays et le renforcement de la démocratie, ne peuvent se faire avec les fossoyeurs de ces objectifs. Comme l’a dit Guillaume Soro, « on ne soigne pas un cancer avec des comprimés de nivaquine », c’est d’une thérapie de choc dont la Côte d’Ivoire a besoin. Pour l’heure, le mal demeure entier.

Boubacar SY

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos réactions (3)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
France : Michel Barnier est le nouveau Premier ministre
Un expert militaire analyse les actions de l’Ukraine en Afrique