Actualités :: L’Ordre des Médecins du Burkina a parlé : Questionnement autour d’un (...)

« Le Président du conseil régional de l’Ordre des médecins de Ouagadougou attire l’attention du public et des partenaires que les médecins suivants : Dr Dumont Olivier Daniel André et Dr Mondiet Caroline, exerçant au Centre médical International de Ouagadougou (CMI) ne sont pas inscrits au tableau de l’Ordre des médecins du Burkina et par conséquent sont interdits d’exercer la médecine dans la région ordinale de Ouagadougou. Tout document à caractère médical délivré par ces deux personnes est de nul (..) », lit- on, dans un communiqué publié le mercredi 23 juillet sur Lefaso.net.

Que les médecins m’excusent d’entrée de jeu car personne ne voudrait avoir un corps si incontournable contre soi. Évidemment, ils sont si incontournables, les médecins, que ce qui se passe même dans leur jardin nous intéresse. La santé est très importante. Tout ce qui touche aux travailleurs de la santé intéresse le citoyen lamda, comme moi, qui ne peut que se soigner au Burkina Faso (quand j’y vivais, en ce qui me concerne).

De l’origine de l’Ordre : Une esquisse historique et sociologique

Parler de l’Ordre (professionnel) des médecins ou de l’Ordre des journalistes ou de l’Ordre des experts comptables ou de tout Ordre revient à mettre au centre du débat ce qui compte comme profession et son pendant, ce qui n’est qu’occupation. C’est peut- être, sans le savoir, faire référence à deux théories sociologiques longtemps discréditées par les sociologues eux- mêmes, mais qui ont toujours la vie dure : La théorie des traits du professionnalisme et le structuralisme- fonctionnalisme. Je ne vais pas entrer dans les arcanes de ces théories pour ne pas tenir la jambe à des lecteurs qui ne sont pas tous des spécialistes. Ces théories sont tombées en désuétude parce que la société a tellement évolué qu’elles ne peuvent plus servir vraiment, si jamais elles aient servi. Mais le premier modèle des traits s’ appuyait sur ce qui fonde le professionnalisme : (1)Les habiletés basées sur le savoir ; (2) l’ éducation et la formation , généralement dans une université ; (3) les diplômes découlant d’ examens et concours ; (4) l’ organisation formelle ; l’ existence d’ un code de conduite, etc. Le manque de fondements théoriques de ce modèle arbitraire, comme vous pouvez le remarquer, est clair. Néanmoins, la médecine et la profession d’avocats en sont venues à être la profession (par excellence), les autres étant les cousins pauvres et lointains, donc des occupations. Quant au structuralisme – fonctionnalisme, avide d’harmonie en société, n’aimant pas qu’on parle d’intérêts divergents, donc de lutte entre les différents groupes, il soutient que toute structure existante concourt au bon fonctionnement de la société. Ces ordres professionnels existent donc pour le plus grand bien de la société et s’ils n’existaient pas, il aurait bien fallu les inventer.

Pourquoi le communiqué ? Je n’ai pas souvenance que l’Ordre ait déjà fait un communiqué de ce genre. Ce communiqué de l’Ordre des médecins cache- t- il un aveu d’impuissance ? Est-ce une manière de prendre le peuple à témoin dans son effort difficile de mettre de l’ordre dans une profession pratiquée dans un contexte où le respect des règles est juste une question de gabarit (si je suis fort, c’est moi la loi, si je suis faible, je dois courber l’échine) ? Ce point de vue n’est pas pour répondre à ces questions, somme toute légitimes, mais pour les poser surtout, afin de nourrir la réflexion. Ce n’est pas non plus pour défendre l’Ordre des médecins qui a certainement les moyens de s’offrir un avocat –défenseur professionnel, ni pour pourfendre aucun ordre d’aucune sorte. Il se veut simplement une contribution pour la juste compréhension de la notion de l’Ordre (professionnel), en épousant une perspective historique et sociologique critique, et en approchant la question avec un scepticisme bienveillant.

Je commence par décliner ce que l’Ordre n’est pas, une association, ni un syndicat, ni un parti politique. Si l’Ordre était cette libre association, il ne s’appellerait plus Ordre mais Désordre, avec les lettres écrites comme des œufs brouillés, en désordre. Il y a de la contrainte dans l’ordre. L’armée, ce n’est pas l’armoire. C’est l’une des plus belles phrases que je retiens toujours de mon service militaire. Les règles dans une société saine ont un caractère contraignant. Quand elles donnent l’impression de ne plus l’être, on à faire à une société dysfonctionnelle, sur la route de la décadence.

Bien entendu, on pourrait débattre du bien- fondé de l’existence de l’Ordre, de tout Ordre professionnel, jusqu’ au jour du jugement dernier. Mais en attendant, l’Ordre n’est pas facultatif, puisqu’ il existe par la volonté de la loi votée par notre Assemblée Nationale. Cela veut dire que même ces médecins qui voudraient ne pas y adhérer et payer par exemple leurs cotisations, doivent se plier aux exigences de l’Ordre. Historiquement, Bernard G. Shaw disait que l’idée de l’Ordre, c’était juste une manière de protéger des privilèges corporatistes, certaines activités humaines qu’on appelait Profession Libérale ; d’ où la distinction entre Profession et Occupation. Sous ce regard, il n’y aurait donc que quelques professions. La médecine, la prêtrise, le métier des armes et les avocats. Le reste n’est qu’’occupation. Ne nous en offusquons pas, nous autres "roturiers", car nous sommes toujours utiles. Seulement, nous ne sommes pas d’ une profession stricto sensu. Discutable, n’est-ce pas ? Tentative d’exclure certaines personnes de certaines activités déclarées prestigieuses aussi ? C’est ce qu’exactement pense ce Shaw qui luttait pour la justice sociale et qui a eu à refuser de s’inscrire en tête de liste dans une élection en Irlande où il aurait gagné assis sur une chaise longue.

Quels étaient donc en termes opérationnels, c’est- à- dire mesurables, les critères, pour avoir la qualification si honorable de profession ? Une profession demande de longues années d’études qui donnent droit à une expertise très poussée. Dans une profession, il y a les gardiens du temple, un groupe qui contrôle l’entrée et l’exit au corps. C’est pourquoi il y a par exemple le barreau pour les avocats et l’ordre des médecins pour les médecins. Subjectif, n’est-ce pas ? Un autre critère, c’est que ces professions sont fortement rémunérées (pardon, sans être puriste du français qui est une langue d’emprunt, il est très commun de lire « renumérer », ce qui réveille mon urticaire de petit professeur qui professe certes, mais qui n’exerce pas une profession !) Ou, à tout le moins, elles sont prestigieuses. Un prêtre n’a pas de bulletin de paie mais tout le monde s’accorde à reconnaître qu’un prêtre, ce n’est pas n’ importe qui. Qui n’aimerait pas compter un prêtre dans sa famille ?

Si je dis petit professeur, en fait , je ne fais que faire écho à un ami avocat avec lequel j’ ai toujours gardé de très bons rapports depuis l’ Université de Ouagadougou où il a fait son droit avant de s’ envoler pour la france ; C’est lui qui a utilisé ce terme pour parler de moi ; j’ aurais pu en prendre ombrage si l’ enseignement était pour moi un pis- aller. Fort heureusement, j’ai une identité « professionnelle » bien établie. On s’était perdus de vue depuis longtemps. Puis un jour, un ami commun à nous tous nous invite à partager un repas chez lui. C’était dans les années 95. Je m’y rends avec ma femme et mon petit garçon. Il se met à s’amuser avec mon garçon, puis lui lance soudain. « Il ne faut pas être professeur comme ton père, hein ! ». J’ai été piqué au vif. Les autres invités, eux, sont sans voix. Mais au lieu de m’emporter, j’ai ri et j’ai corrigé : « Dis- lui plutôt de ne pas être un mauvais professeur » car tous les avocats ne sont pas des bons et tout le monde ne peut être avocat ni ne veut être avocat et c’est tant mieux pour la société car le monde deviendrait une cour de justice, un capharnaüm où on n’en finirait pas de se chicaner par avocats « interposés », comme aurait dit l’autre si l’on retournait dans le temps. Avec la maturité acquise aujourd’hui, il ne veut même plus que je rappelle cette bourde qu’il a commise en bonne compagnie. Mais au fond de moi, je comprends d’ où il vient. Sans peut- être connaître l’histoire des Ordres, il reproduisait les perceptions sociétales qui instaurent une préséance entre les activités humaines qui ne sont pas forcément liées à leur utilité objective. Puisque toute activité est utile. Même le balayeur de bureau, ce travailleur « invisible » qu’on oblige à raser les murs dans les services, est très utile. Il suffit qu’il soit absent deux ou trois jours pour qu’on se rende compte qu’un maillon de la chaîne est absent. Et la chaîne n’est aussi forte que le plus faible de ses maillons.

Pour clarifier davantage la notion d’Ordre, je prends l’exemple sur les enseignants, un corps que je comprends mieux. Les enseignants ne sont pas ceux qui choisissent leurs collègues. Ils n’ont pas non plus la force de renvoyer qui ils veulent de leur corps. Même s’ils ont un collègue terrible qui fait la classe à leurs enfants et qui leur enseigne des concepts faux, ils ne peuvent que constater les dégâts, en référer au directeur ou au proviseur ou au recteur qui va saisir le Directeur de l’Enseignement qui va saisir le Ministre et tenez- vous bien que tous ceux - ci n’agissent plus vraiment en tant qu’enseignants, mais en tant que bureaucrates- vigiles, mais jamais en tant que collègues. Ce long processus pour se débarrasser d’un mauvais enseignant ne fait que corroder le « professionnalisme » des enseignants selon l’acception originelle de profession. Intéressant, n’est-ce pas ? Et pour la sélection d’un enseignant, on a recours à des collègues mais à la fin, ils ne décident pas vraiment de qui va être enseignant ou pas, et cela se passe jusqu’ à l’université où les dossiers sont étudiés par d’autres collègues qui émettent leur avis juste technique ; mais c’est le ministre qui décide finalement sur avis du recteur. Cela est la preuve, pour les plus gentils, que l’enseignement, tout au plus, ne peut être qu’une semi- profession. Vous voyez un début du pourquoi l’enseignement est un peu déconsidéré, non ? Les raisons ne sont pas seulement économiques comme « les petits salaires d’instituteurs « ou « les petits salaires de professeur assistant » comme le public aime à rire de ceux à qui il confie pourtant et toujours ce qu’il a de plus précieux, ses enfants, et qu’il se plait à ridiculiser, comme si on ne pouvait pas dire petit avocat, petit médecin. Il suffit de préfixer le mot « petit » à tout et on a le « petit » quelque chose que l ‘ on souhaite avoir. Les médecins et les avocats, eux, ont le pouvoir de radier l’un des leurs du corps. Les enseignants doivent souffrir leur collègue déficient à bien des égards.

Maintenant, de l’origine du mot Profession avec son Etiologie, pour parler comme un médecin qui a eu l’onction de l’Ordre des médecins, sinon ce serait du dole comme aime à le dire Maître Dah Loz près la Cour Déni DeuxJustice. Critères sûrement discutables car les professeurs d’université, et même du secondaire, ont longuement étudié, eux aussi. Ils ont une expertise, eux aussi, des salaires, eux aussi, même si on ne les appelle pas honoraires. Le mécanicien aujourd’hui qui travaille avec des machines sophistiquées a aussi beaucoup étudié et il a une expertise que n’ importe qui n’a pas. Des enseignants du primaire, du secondaire comme du supérieur font de la consultation qui leur rapporte assez bien. Chaque jour que Dieu fait, ils sont appelés à prendre des décisions. Ils ont un impact certain sur leur communauté, ils sont des agents du changement, ils sont des leaders indiscutables ; en somme, ils pourraient aussi former un ordre au regard de ce qu’ils font et incarnent. Mais rien à faire. Ils n’appartiendront pas à une profession (libérale) pour autant. Tant pis. Je crois même que c’est eux qui ont enseigné les médecins et autres avocats. Je peux me tromper. Mais le produit est professionnel (selon l’origine de Profession) tandis que le producteur ne l’est pas. Illogique ? Non, c’est comme ça. Ce sont des règles (arbitraires) qui ont été édictées. Donc, en attendant que les choses changent, l’Ordre des médecins est dans l’ordre, dans son rôle et a droit de regard sur l’orthodoxie et la régularité des actes et de la pratique de la profession.

Ailleurs, on a des médecins taxi- maîtres faute de remplir les conditions de l’Ordre National

Le problème, si on était dans une société où chacun fait ce qu’il doit faire, une société décomplexée vis- à- vis du blanc et de l’occident, et respectueuse de nos propres règles pour notre vivre ensemble, l’Ordre n’aurait peut- être même pas à se fendre d’un communiqué. Ou du moins, ce communiqué allait venir après que ces contrevenants à la pratique de la médecine au Burkina sont déjà au frais. C’est un manque de respect pour nos institutions et pour notre pays, que des individus viennent exercer la médecine de cette façon cavalière. Personne ne devrait faire ici chez nous ce qui va à l’ encontre de nos lois, ce qu’il ne peut pas faire chez lui. Mais s’il le fait aussi, c’est qu’il nous a bien regardés. Comme le fantôme qui ne t’attaque la nuit que s’il t’a bien observé le jour. Criminels, ils le sont, parce que l’exercice de la médecine chez nous est aussi codifié et règlementé comme chez les autres. Exercer cette profession sensible sans l’autorisation de l’Ordre, que l’on soit philosophiquement d’accord avec l’idée des Ordres ou pas, c’est opérer dans l’illégalité. Ce n’est pas un crime sans victimes. Quand il s’agit de la vie des hommes, la réaction des autorités aurait dû être plus prompte. L’ordre des médecins, aussi volontaire qu’elle soit, n’a pas la force de contrainte avec elle. Elle a donc besoin d’être accompagnée dans son action par la puissance publique.

Aux États- Unis, et c’est un chiffre de 2010, plus de trois mille médecins étrangers ne peuvent pratiquer la médecine. Des milliers de médecins ont émigré aux États- Unis avec l’espoir légitime de réaliser le rêve de leur vie. On ne peut rien leur reprocher. Tout homme a le droit de rechercher son propre bonheur là où il pense le trouver, mais dans le respect des lois du pays où il réside. Une fois aux États- Unis, ils doivent souvent d’ abord apprendre la langue à un âge où le cerveau n’est plus très plastique. Encore plus, ils doivent se préparer pour un examen très rigoureux en deux parties. La première partie est théorique, et il est mieux d’y réussir du coup car elle te permet d’avoir un placement dans les cliniques assez facilement. Faire un tel examen deux fois déjà vous place très loin derrière sur la longue liste d’attente de la residency (un peu l’équivalent de l’internat pour les étudiants en 7ème année de médecine chez nous au Burkina). C’est si rigoureux que je connais un ou deux médecins burkinabè qui ont dû abandonner la quête de la pratique de la médecine pour repartir au pays. Des centaines et des centaines de médecins sont des chauffeurs de taxi à New York City.

Ils le sont, non qu’ils ne savent plus être médecins, mais simplement parce que la législation en la matière est très stricte. Dans ce pays organisé où la loi n’ est pas écrite pour les autres mais pour tout le monde, l’ ancien maire de New Orleans en Louisiane ira en prison pour au moins cinq ans pour avoir accepté des pots de vins et pour avoir été convaincu d’ enrichissement illicite ; dans ce pays, Spitzer, l’ ex- gouverneur de l’ État de New York, a perdu son poste pour avoir été pris dans un réseau de prostitution même si les enquêtes ont révélé par ailleurs qu’ il n’ a jamais utilisé l’ argent public pour ses lubies ; dans ce pays, l’ ancien gouverneur de l’ État de l’ Illinois, Blagojevich, est en train de payer pour avoir tenté de« vendre » un poste de sénateur. Donc ce n’est pas dans un tel pays que n’ importe qui pourrait s’installer aisément comme médecin avec cette insouciance qu’il n’y a rien au village. Les occidentaux n’ont pas une moralité supérieure aux autres. Ils appliquent seulement les textes qu’ ensemble ils ont arrêtés. Il est permis de louvoyer avec la loi, mais gare à vous si vous êtes pris. Ce qui n’est pas souvent le cas sous nos cieux, d’ où le laxisme effrayant du système judiciaire (j’y reviendrai plus loin).

Mon Médecin doit être au- dessus de tout soupçon

Quand nous allons voir notre docteur, savons - nous s’il dispose des compétences minimales pour au moins ne pas laisser des ciseaux dans notre ventre après opération comme le Dr. … à Bobo dans les années 1970 ? Comment pouvons- nous le savoir ? Devrions- nous nous soucier même de cela en plus d’être tenaillés par le mal qui nous a conduits à lui ? Ce n’est même pas cela notre rôle, même si nous le pouvions. Savons-nous s’il ne va pas prescrire 65mg de somnifère à notre enfant au lieu de 6,5mg comme ce qui s’est passé à Yalgado dans les années 2000 et qui a enlevé à jamais la vie au petit Bationo, paix a son âme ? (Son papa avait porté l’affaire en justice en son temps, mais je ne crois pas que ce soit allé bien loin. Mais, c’est une autre affaire. ) Non, nous ne pouvons le savoir. Il y a une asymétrie dans la connaissance entre le médecin et son patient, et partant, une asymétrie de pouvoir. Nous leur confions notre santé, notre vie, comme un chèque que nous émettons en blanc, sur la base de la confiance. Donc, nous avons le droit de voir notre docteur sans nous poser des questions sur ses compétences et sa moralité. Dans tous les cas, une fois que nous allons le voir, il a toute latitude d’exercer son pouvoir de vie ou de mort sur nous. Nous n’y pouvons rien. Fort heureusement, la plupart sont au service de la vie, pas de la mort, à part quelques brebis galeuses comme dans tout corps de métier. Sinon, rien ne les empêche de faire de nous ce qu’ils veulent. Ces questions de compétence et de moralité sont, dans l’entendement du malade, résolues en amont. Pour être un bon médecin, il ne suffit pas d’être compétent pour bien accomplir les devoirs de sa charge. Il faut aussi avoir les dispositions, dont la bonne moralité. Il revient donc à l’ordre des médecins d’être la sentinelle de la tour de garde. Il lui appartient de mettre de l’ordre dans une profession dont l’utilité publique n’a jamais été à démontrer. Comme l’Ordre des avocats qui s’assure que les avocats qui sont en principe les défenseurs des plus faibles ne sont pas en fait ceux- là même qui dépouillent la veuve et l’orphelin.

L’ Ordre des Médecins ne peut prospérer qu’accompagné par une Justice forte et équitable

Selon le Pr. Charlemagne Ouédraogo, l’exercice de la profession de médecine est régi par la loi n°28/2012 de l’Assemblée nationale, loi promulguée par décret signé par le président du Faso à la date du 12 juillet 2012. Ce qui veut dire que cette loi est en vigueur. Et nul n’est censé ignorer la loi. L’Article 37 de ce document (on ne parle pas de corde dans la case d’un pendu)dit que personne ne peut exercer la profession de médecin au Burkina Faso s’il n’est pas inscrit au tableau de l’ordre. Les deux docteurs incriminés ne sont pas inscrits au tableau de l’Ordre. Ce fut aussi le cas de Dabo l’africain qui croupit aujourd’ hui en prison.

Mais on peut comprendre. Au Burkina, les décisions de justice elles- mêmes, on s’en moque, pour peu que l’on se croit fort. L’Ordre a dû se contenter de ce communiqué pendant que les deux individus continueront de poser leurs actes médicaux. Si l’Ordre ne peut même pas les empêcher d’exercer, comment pourra -t - il faire appliquer son édit de ne pas honorer les ordonnances et autres ? C’est à rire, tout de même. Par exemple, nous avons une justice qui n’a pas encore démenti sa réputation sulfureuse de justice défaillante, aux ordres, et qui ne rougit même plus d’être aussi dysfonctionnelle, une justice folle comme une vache carnivore. Et apparemment, ce n’est pas demain la veille qu’elle compte faire amende honorable. Elle n’est pas seulement carnivore mais cannibale, cette justice- là, puisqu’ elle pratique sa déprédation sur les fils et filles de ce pays, sur ses propres enfants qu’en principe, elle se devait de protéger. Ô Mère Courage ! Dans tous les cas, carnivore ou cannibale, c’est toujours le même matériau de base, avec à la différence que dans un cas, c’est la viande, et dans l’autre, la viande de l’homme, nuance, avec l’ horreur en sus !

Cette justice, elle- même, n’est pas une création ex nihilo. Elle n’est pas sortie de nulle part. Elle est le produit d’une société qui perd ses repères moraux où les valeurs de bonne gouvernance ne sont pas les mieux partagées. Malheureusement, on s’attendrait à ce que la justice soit le dernier bastion, la citadelle imprenable dans une société où la morale agonisait il y a une vingtaine d’année, foi de médecin reconverti en homme politique, donc témoignage doublement crédible. Sans soins, elle doit être morte et bien morte maintenant, cette morale. Et en toute logique, pourquoi devrions- nous nous attendre à une digne sépulture ? Vous comprenez pourquoi on ne peut qu’être envahi par la pestilence de sa dépouille en putréfaction avancée, une pestilence qui irradie tous les aspects de la vie de l’Homme jadis Intègre, même et surtout la médecine.

C’est parce que nous sommes dans un système où l’existence de la "justice" ressemble souvent à l’absence de justice, puisqu’ elle est à plusieurs vitesses ; il est clair qu’aujourd’hui, il vaut mieux connaître un juge ou quelqu’ un qui connait un juge que de s’attacher les services d’un avocat qui connaît le droit, aussi brillant soit- il. Il a beau faire les effets de manche, allier à merveille le fond et la procédure, s’abîmer dans les envolées lyriques, à la fin, c’est le juge qui prononce « sa » sentence. Ces deux mis en cause devraient être en prison en attendant que le public sache pourquoi et quelle urgence les a amenés à exercer la profession sans l’accord préalable de l’Ordre. Comme Mr. Dabo l’ africain qu’on vient de cueillir dans une de nos cliniques et qui n’avait pas non plus été inscrit sur la liste de l’Ordre des médecins. En son temps, sur dénonciation de plusieurs médecins qui trouvaient les ordonnances médicales inacceptables pour un médecin qui a prêté le serment d’ Hyppocrate, et qui ont levé le lièvre, l’Ordre n’avait pas eu besoin de faire un communiqué. Il avait simplement bondi sur l’infâme pour l’empêcher de nuire davantage, comme un tigre qui n’a pas besoin de décliner son identité avant de bondir sur sa proie. Le sieur Dabo a été simplement embarqué par la gendarmerie comme un malpropre, et illico presto.

Pourquoi aujourd’hui donc on met en garde le public tout en laissant Mr. Dumont Olivier Daniel André et Madame Mondiet Caroline libres de poser des actes médicaux ? Sans être de la profession, je suis convaincu que les actes médicaux ne se limitent pas seulement à prescrire par exemple des ordonnances que l’on peut ne plus honorer avec ce communiqué. Voire. Mais que dire de certaines opérations directes sur les patients peut- être, comme les conseils ? Je peux me tromper. Je ne sais pas, mais on a l’impression que ce n’est pas tellement la même manière de traiter le même problème selon que l’on s’ appelle Dabo ou Daniel André ou Mondiet, et cela peut poser problème, du moins au niveau de l’homme de la rue. Il se peut, pour l’Ordre, que ce soit une manière de dire au public qu’il fait son travail mais qu’il est limité par le mur géant de l’état d’anomie dans lequel nous baignons. Dans ce cas donc, il appartiendra à la population de se lever et de chasser ces deux charlatans modernes car on ne doit pas négocier avec sa propre santé, si la justice ne veut pas nous protéger. On a vu des menuisiers venus d’Outre- mer se déclarer ingénieur en ponts et chaussées dans ce pays. Alors, qu’est-ce qui nous dit que ces soit- disant docteurs ne sont pas au fond des auxiliaires de santé dans leur pays et qui jouent aux spécialistes du cœur sous les tropiques ? Qu’ils prouvent le contraire en prenant attache avec l’Ordre des médecins du Burkina. Ce ne doit pas être compliqué. La santé, c’est ce qu’on a de plus précieux et on n’a pas tous l ‘argent pour aller se soigner à l’Hôpital Val- de – Grâce en france en cas de complication. Et je suis sûr que ce communiqué n’aurait jamais eu lieu si nos deux expatriés n’avaient pas fait entorse à la déontologie et s’ils n’avaient nargué l’Ordre dont ils ont ignoré royalement la convocation, se disant peut- être en territoire conquis. Encore le syndrome du fantôme qui vous connaît qui vous attaque !

Serait-ce parce qu’il s’agit d’expatriés d’Outre- mer, pour le moins qu’on puisse dire, si je me fie à la consonance de leur noms ? Ça veut dire qu’en attendant, c’est au patient ou client (c’est la même chose depuis la marchandisation de la santé) d’être vigilant. L’ordre des médecins a du mérite rien qu’en mettant le public en garde. Mais il est mon humble avis que le serpent a été tué à moitié. Il pourrait toujours mordre à moitié. Or, personne ne veut mourir, même à moitié. Mais quid de la force publique ? Je ne comprends pas non plus pourquoi dans le communiqué, l’Ordre parle de Mr. Dumont Olivier Daniel André et de Madame Mondiet Caroline en utilisant le titre de Dr.(Docteur) . Remarquez que quand on daigne utiliser le titre de docteur pour celui qui médite toujours sur son comportement dans les liens de la justice, on met entre guillemets, pour ne pas dire que c’est un faux docteur, un faux docteur dont les patients disent pourtant du bien alors qu’il a exercé pendant des mois.

A mon avis, tant qu’ils n’ont montré patte blanche avec l’Ordre, ces expatriés ne sont pas plus médecins que moi, que Mr. Dabo, en tout cas, ils sont moins médecins que nos tradipraticiens, dont certains d’ ailleurs sont reconnus par les services de santé. Comment l’Ordre peut- il même être sûr qu’ils ont été médecins dans leur vie mais qu’ils seraient simplement des médecins non en règle vis-à- vis de notre Ordre national ? A l’heure actuelle, ces personnages devraient être à la gendarmerie. C’est la meilleure protection du public. S’ils n’y sont pas, nous ne pouvons que spéculer et accuser notre justice (qui nous a toujours fait faux bond quand on avait besoin d’elle) d’avoir encore prévariqué. A ce que je sache, le procureur du Faso peut s’auto- saisir de situations (potentiellement) graves. Si l’on attend qu’il y ait mort d’homme avant de les empêcher de nuire, ce ne sera pas moralement acceptable car la population a besoin d’être protégée. Et l’Ordre existe pour mieux rendre service au public.

Le public a plus intérêt à ce que l’Ordre des Médecins soit un Ordre fort qui rayonne dans la société. Nous avons tout à gagner. Normalement, ses décisions devraient avoir force de loi, si ce n’est déjà le cas. Mais au regard de la situation de notre justice, j’aimerais savoir ce qui adviendra de ces deux mis en cause s’ils s’entêtaient à exercer la profession de médecins illégalement. Est-ce que l’Ordre pourra les envoyer en prison comme il se doit en pareil cas de figure ? Par contre, s’ils pensent être dans leur droit parce que le Burkina Faso serait un no man’s land, ils ont des voies de recours. Et s’ils ne le font pas et continuent de faire comme si de rien n’était, est-ce que l’Ordre est sûr que la justice va les suivre ? Si la justice ne les suit pas, l’Ordre qui n’aura émis que des menaces vaines, paraîtra baba. Il deviendra alors un lion édenté et devra s’auto-dissoudre car devenu superflu. L’ordre joue donc gros, en mon sens.

Chasser le renard d’ abord, un mot de prudence à la poule par la suite

En guise de conclusion, nous sommes dans l’obligation de tenir l’Ordre des médecins à un degré de rigueur très élevé. Est- ce sûr que tous les médecins , même nationaux, qui exercent sur le territoire national sont inscrits au tableau de l’Ordre et reconnus comme tels ? Payent- ils tous leurs dus ? Nous avons un Ordre des médecins. Faudrait- il fermer les yeux sur les médecins qui se mettent en dehors de cet organe, faire semblant d’ignorer qu’ils sont en situation irrégulière et juste les suspendre quand il y a malfaisance ? Un ordre fort est un ordre qui dispose aussi du nerf de la guerre. Et puisque l’Ordre des médecins n’est ni une association ni un syndicat ni un parti politique où l’adhésion devrait se faire volontairement, en principe, tous les médecins pratiquant sur le territoire national sont membres de facto ou alors ils devraient cesser d’exercer la profession. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Alors, l’Ordre gagnerait à balayer devant chez lui d’ abord, à nettoyer ses écuries d’Augias à lui. Les Ashanti disent que la femme qui porte du coton en sous-vêtement doit se garder de sauter par- dessus les flammes comme nos filles aimaient à le faire au village au clair de lune. En un mot comme en cent, l’Ordre ne grandira en crédibilité, en efficacité, et en efficience que s’il se fait respecter, et la voie royale pour ce respect, c’est la rigueur et l’application de ses propres textes. Regardez vous-mêmes. Parlant de l’africain qui exerçait sans diplôme même s’il connaissait apparemment son travail, tel est le titre paru dans les journaux : « Jugé pour usurpation de titre, le « Docteur » Dabo risque 5 ans… ». Pour les « expatriés », comme si Dabo lui- même n’en était pas un puisqu’ il n’est pas burkinabè, on parle de médecins, de Monsieur et de Madame. Ils sont respectables, eux. Seulement, ils n’étaient pas en règle vis- à- vis de l’Ordre : « Interdiction d’exercer pour deux médecins : La loi doit être ... »

Il se peut que je n’aie pas assez d’éléments comme beaucoup de lecteurs pour apprécier objectivement et faire entièrement justice à l’Ordre des Médecins, avec mes « insinuations » de petit professeur. Que les uns et les autres m’en excusent si j’ai fait fausse route. Ce serait de bonne foi. Mais il est bon de savoir qui a amené ces individus non reconnus par l’Ordre des médecins qui n’ont aucun égard pour nos lois. La réponse à cette question expliquera pourquoi nos « guérisseurs » expatriés officient dans un Centre Médical International sans daigner avoir l’approbation de l’Ordre des médecins. L’Ordre des médecins devra communiquer davantage avec le public qui est la raison d’ être de son existence.

Touorizou Hervé Somé, Ph.D.
Maître de Conférences (Associate Professor)
Sociologie de l’Éducation/ Éducation Internationale Comparée
Ripon College, Ripon
Wisconsin 54971
Email : burkindi@gmail.com

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