Actualités :: Kalifou Traoré, ancien député voltaïque : « Gérard Kango Ouédraogo a été un (...)

Il se nomme Kalifou Traoré, surnommé « Djina » par ses vieilles connaissances. Après avoir servi son pays comme enseignant, Kalifou vit aujourd’hui une retraite paisible à Sindou dans la province de la Léraba. Il a connu le grand homme politique que le Burkina Faso pleure aujourd’hui, Gérard Kango Ouédraogo, et a accepté nous livrer son témoignage.

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Kalifou Traoré : Je m’appelle Traoré Kalifou, professeur d’Histoire-Géographie à la retraite à Sindou. Ancien député, je suis un des fils du Chef de Canton Traoré Balla et de Traoré Tjègouè, matrone. Je suis Chef de Canton de Sindou par intérim. Je suis né en 1933.

Lefaso.net : vous avez connu et travaillé avec Gérard Kango Ouédraogo ; pouvez-vous nous parler de lui et dans quel contexte vous l’avez connu ?

K alifou Traoré : J’ai connu Gérard Kango très tôt. Déjà quand nous étions élèves je l’ai connu sans avoir travaillé d’abord avec lui. Je sais qu’il a milité dans le Mouvement Démocratique Voltaïque (M.D.V) créé par le Capitaine Michel Dorange qui était installé pendant un certain temps à Ouahigouya pour, dit-il, s’occuper des orphelins et des victimes de guerre. C’est par ce truchement que Gérard a commencé sa politique. Déjà, avec la Constitution de 1946, comme notre pays était toujours partagé comme un gros gâteau entre la Côte-d’Ivoire, le Niger et le Soudan Français (actuel Mali, ndlr), Gérard se trouvait au Yatenga et le Yatenga était rattaché au Soudan Français. Ce qui fait qu’à partir de 1946, la France a autorisé la création des partis politiques dans les colonies. C’est ainsi que le M.D.V sera lancé par le Capitaine Dorange et Gérard Kango sera un des grands militants. Et c’est par le biais du M.D.V qu’il sera élu Conseiller Général parce qu’il n’y avait pas de Députés, et il siégeait au Grand Conseil de l’A.O.F (Afrique Occidentale Française, ndlr). Parmi ces Conseillers Généraux, il y’avait les Grands Conseillers et Gérard représentait la Haute-Volta à ce Grand Conseil de l’A.O.F. C’est ainsi qu’il a pointé comme homme politique de grande valeur. Vous savez que c’était un grand orateur, un tribun. Lorsque la Loi Cadre fut instituée en 1956, Gérard sera toujours élu comme Conseiller Général. Cette Loi Cadre prévoyait la mise en place des gouvernements locaux. Et les présidents de ces gouvernements locaux en réalité étaient les Hauts-commissaires de la République Française dans la colonie. Entre temps, la Haute Volta fut reconstituée en 1947. Il faut aussi reconnaître, que ce soit Gérard Kango, que Nazi Boni, que ce soit Ouezzin Coulibaly, Mamadou Ouédraogo, Henri Guissou, Philipe Zinda, ils ont tous contribué en frappant du poing sur la table au Palais Bourbon pour que la Haute Volta soit reconstituée. Les chefs coutumiers tels que le Mogho Naba, le Yatenga Naba et les chefs traditionnels de l’Ouest y ont tous contribué et la Haute Volta renaquit en 1947. A partir de ça, Gérard Kango s’était déjà fait connaître comme un jeune homme politique dynamique, qui savait parler, qui savait vraiment manier la langue française. A partir de 1958, la naissance de la Communauté Franco-africaine, Gérard est toujours là. Et notre pays sera membre de cette communauté Franco-africaine, puisque la Haute Volta a voté pour le « oui » ; seule la Guinée de Sékou Touré a voté « non ». Au Niger, Bakary Djibo avait tenté mais le « non » n’a pas passé, il a été obligé de démissionner. Il était le Président du premier Conseil du Gouvernement du Niger. Chez nous ici, c’est Daniel Ouezzin Coulibaly qui fut le premier Président du Gouvernement Local. Qu’est-ce qu’il avait fait ? Très fin politicien, il (Ouezzin) avait laissé sous silence le R.D.A et a créé en 1956 le P.D.U (Parti Démocratique Unifié) avec Joseph Ouédraogo, Joseph Conombo, François Bouda et Ouezzin est devenu le président. Habillement, sans parler du R.D.A, Ouezzin Coulibaly a ramené toutes les tendances R.D.A dans le P.D.U. C’est petit à petit que le R.D.A est revenu mais la mayonnaise avait déjà pris (…) Pendant ce temps-là, Gérard militait toujours au M.D.V. Il rejoindra plus tard Ouezzin Coulibaly et le M.D.V va disparaître. Denis Yaméogo et Maurice Yaméogo aussi vont rejoindre Ouezzin pour lui permettre de conserver la majorité à l’Assemblée Territoriale et lui éviter l’humiliation face à Nazi Boni. C’est ainsi que Maurice, à la mort de Ouezzin, comme récompense, est devenu président du conseil du gouvernement et Président de la République de Haute Volta jusqu’au 03 janvier 1966 où il a été renversé par un coup d’état populaire. Ce n’était un coup d’état militaire. Ne faisons pas la confusion. Lamizana n’en voulait pas mais il a été contraint parce que ça criait partout « l’armée au pouvoir ». La situation était telle que dans la nuit du 03 janvier 1966 vers 21h, Lamizana a fait une déclaration dans laquelle il informait le peuple que le Président Maurice Yaméogo n’en pouvant plus et pour éviter le chaos, lui a remis le pouvoir. Gérard est toujours là et il est Député. Il était le maître du Yatenga. Il n’y avait pas d’opposition à Gérard Kango dans le Yatenga. Il avait la population de Ouahigouya en main. Toujours sous Lamizana, il ya eu des élections en 1970 et Gérard est devenu Premier ministre et Joseph Ouédraogo qui fut surnommé plus tard Jo Oueder devint Président de l’Assemblée Nationale. La mésentente entre les deux hommes et la famine de 1973 ont abouti au premier coup d’état militaire en février 1974, avec toujours Lamizana au pouvoir. En 1978, Lamizana organisa des élections où il fut mis en ballottage par Macaire Ouédraogo, le candidat de Maurice Yaméogo. C’est en cette année 1978 que je fus élu Député sous la bannière du Front Progressiste VoltaÏque (F.P.V) et Gérard est devenu Président de l’Assemblée Nationale sous la bannière du R.D.A. Comme à la deuxième république, la mésentente entre l’Exécutif dirigé par Joseph Conombo et le législatif de Gérard Kango a abouti au blocage des institutions, tant et si bien que des hommes politiques tels que Joseph Ki-Zerbo, Joseph Ouédraogo et d’autres forces ont incité le Colonel Saye Zerbo à faire un coup d’état le 25 novembre 1980, le 2e coup d’état militaire de notre pays(…). C’est pratiquement le Conseil National de la Révolution qui a mis fin à la carrière politique de Gérard. Il se retire dans son village natal où il était chef coutumier. Il est remplacé sur la scène politique par son fils Gilbert qui est lui aussi très dynamique sur la scène politique. On peut dire qu’il remplace valablement son papa.

Lefaso.net : Quels ont été vos rapports avec Gérard ?

Kalifou Traoré : J’ai eu des très bons rapports avec Gérard. Regardez, même quand j’étais blessé du fait des responsables du R.D.A, Gérard est venu me rendre visite ici. Et il a regretté ce qui s’est passé ici dans la Léraba. Même quand tout a été dissout et que je me suis retrouvé à Ouahigouya comme enseignant, ce n’est pour me vanter mais mon travail était tel que Gérard, malgré mon statut d’opposant, parce que j’étais quand même du F.P.V, s’est toujours opposé à ma mutation de chez lui. Il a toujours dit à ceux qui voulaient qu’on m’enlève de là-bas que ce qui comptait, c’était le Yatenga et à partir du moment où tout le monde est unanime que le monsieur enseigne bien, le Yatenga a son compte. C’était un homme très populaire à certains moments. C’était un homme abordable, affable, toujours souriant, gai, très sociable, très social et très gentil. Vraiment, moi je le loue. Qu’il dorme en paix d’un sommeil éternel. Parler des hommes politiques de ce pays sans citer Gérard serait à mon sens une injustice.

Lefaso.net : Quel héritage politique a-t-il laissé à la postérité ?

Kalifou Traoré : Nous devons retenir que le terme « honorables Députés » est de Gérard. Pendant que les gens nous appelaient « Messieurs les Députés », Gérard, quand il était Président de l’Assemblée Nationale et qu’il devait s’adresser à nous, disait « Honorables Députés ». Gérard a montré que quand tu fais la politique, tu dois savoir qu’il ya des hauts et des bas. C’est comme le capitaliste. Il faut avoir le goût du gain et du risque. Il faut avoir de la ténacité devant les difficultés. C’est ce que Gérard aura eu le mérite de laisser à la postérité.

Propos recueillis par Golleau Isidore TRAORE

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