Actualités :: Heurts entre militaires et policiers : 614 prisonniers évadés
Adama Rouamba, régisseur de la MACO

La Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) a été l’une des cibles de certains « jeunes militaires » lors des heurts intervenus avec des policiers la semaine dernière. Elle a été attaquée la nuit du 20 décembre 2006 avec comme conséquence une évasion de 614 prisonniers, des dégâts matériels, des vols. Le régisseur de la MACO, l’inspecteur Adama Rouamba nous fait un témoignage sur ce qui s’est réellement passé cette nuit-là.

Sidwaya (S.) : Y-a t-il réellement eu une attaque de la MACO lors de la première nuit des heurts entre militaires et policiers ?

M. Adama Rouamba (A.R) : Je réponds par l’affirmative. La MACO a été attaquée aux environs de 20 h 30 et cela a pratiquement duré toute la nuit. Les éléments de la garde m’ont alerté en m’informant de ce qu’un groupe armé se dirigeait vers Dassasgho. Ils ont même réaffirmé qu’ils allaient sur Dassasgho.

A quel endroit de Dassasgho ? Il fallait s’interroger pour comprendre ; mais étant donné qu’il s’agissait d’un contexte d’incident entre hommes de tenue, on s’est dit qu’il fallait rejoindre la base pour avoir le pouls de la situation. En quittant Zogona pour la MACO, j’ai croisé un groupe de personnes armées en tenue militaire sur la route de Fada, en quittant la station Total, côté Bois de Boulogne pour aller à Fada.

Elles étaient près d’une centaine d’hommes de tenue, bien armés, avec des armes lourdes. Je me suis dirigé vers la MACO juste lorsque je suis arrivé, mes éléments m’ont informé qu’il y a un groupe qui s’était présenté entre-temps et ils ont laissé entendre qu’ils revenaient. Comme j’avais aperçu le groupe en cours de route et le groupe était impressionnant, avec un armement assez évocateur par rapport au nombre de mes agents présents sur les lieux, nous avons juste occupé une position stratégique.

A peine avons-nous eu le temps d’occuper cette position stratégique que le groupe a commencé à crépiter les balles depuis la porte d’entrée. (Vous aurez constaté vous-même que la porte est criblée de balles). Je venais alors de descendre de mon véhicule. Celle-ci a été également criblée de balle, dans mon dos. Nous avons tout de même occupé des positions stratégiques que notre système de sécurité nous permet ici. Ils ont été plus d’une centaine à pénétrer la cour ; près de 150 hommes armés avec tout ce que j’ai tantôt décrit comme armement. Ils avaient un seul slogan : libérez des détenus.

En même temps en allant vers le bâtiment central de la prison, ils tiraient sur tout ce qui se trouvait autour d’eux, dans toutes les directions, et à balles réelles. ( Vous avez dû voir des douilles et des impacts partout dans la cour). Ils se sont dispersés depuis la grande porte de l’établissement jusqu’à la porte du grand bâtiment abritant les prisonniers. Et ils ne faisaient que tirer, à gauche, à droite, devant et derrière. Certains d’entre eux se sont présentés carrément devant l’entrée du grand bâtiment. Dans ce cas de figure, vous comprenez que l’effet de la foule fait que certains se sont mis à crier, « libérons-nous ». Les hommes armés ont essayé de forcer la porte mais celle-ci résistait.

Ils ont alors décidé de sauter les cadenas avec leurs armes. Ils ont essayé avec des kalachs mais ça ne marchait pas. Ils ont alors utilisé d’autres types d’armes que je ne peux vraiment pas vous décrire ici pour parvenir à ouvrir la porte. Les détenus en criant sont descendus jusqu’au rez-de-chaussée et certains ont été atteints par les mêmes balles utilisées pour défoncer la serrure.

Un des prisonniers a été évacué à l’hôpital parce qu’atteint par une balle à la cuisse. Pendant toute l’opération, d’autres éléments étaient chargés de ratisser tous les coins de l’établissement à la recherche du personnel. Dès qu’ils ont pu ouvrir la porte, ils sont ressortis en même temps que les détenus, en nombre très impressionnant. C’était comme s’ils étaient venus escorter les détenus. Ces derniers sur leur passage ont tout saccagé, emportant motos, vélos, portables, bérets des agents qui étaient en poste.

Ils ont saccagé le poste de police, tiré sur mon véhicule et sur tous les véhicules d’escorte. Nous croyions que c’était fini, mais cinq minutes après, les tirs ont repris en notre direction, aux alentours de l’établissement. Plus tard, j’apprenais qu’ils se dirigeaient vers le camp CRS.

Effectivement à partir d’ici on entendait les coups de fusils, étant donné que les deux centres ne sont pas éloignés l’un de l’autre.

Il y a eu des tirs nourris pendant plus de deux heures. Entre-temps, d’autres hommes sont revenus pour reprendre les tirs à notre niveau et pratiquement jusqu’à quatre (04) heures du matin.

Sidwaya : (S.) : Quels sont les dégâts constatés après leur passage ici ?

A.R. : Les dégâts constatés sont surtout les évasions. Il y a eu plus de 614 détenus qui se sont évadés dans la même nuit. Mais dès le lendemain ou juste après leur départ, certains détenus sont revenus volontairement pour réintégrer leurs cellules. Il y a eu également des dégâts matériels. Nous déplorons le décès d’un prisonnier qui a été abattu par la garde de sécurité pénitentiaire, parce qu’entre-temps, nous ne pouvions pas laisser tout le monde fuir de la sorte.

S. : Avez-vous pu faire le point entre ceux qui sont revenus et ceux qui sont toujours dans la nature ?

A.R. : Depuis cette nuit (la nuit du mercredi 20 décembre 2006) à Ouagadougou, c’est une dizaine de prisonniers qui s’est rendue. Mais, on nous signale de part et d’autre la présence de certains évadés qui sont allés se confier à des services de gendarmerie, de certains tribunaux. Des dispositions sont toutefois prises et le ministre de la Justice nous a chargés de passer l’information à tous les évadés pour leur dire qu’ils peuvent toujours rejoindre la MACO sans être poursuivis pénalement ; et que passé un délai raisonnable, ils seront punis sévèrement conformément à la loi. D’ici là, les avis de recherche seront lancés à tous les services de gendarmerie, de police à travers tous les gouvernorats du Burkina Faso. Nous le ferons également à travers les journaux, Interpool. Nous ferons tout le nécessaire pour aller à leur recherche. Certains sont même déjà localisés.

S. : Parmi les évadés, de quel genre de prisonniers s’agit-il ?

A.R. : Vous voulez certainement parler des détenus comme Saul Traoré, Naon Babou, Ouali, Semdé dans l’affaire de l’assassinat du Père Celestino, les assassins de nos frères d’armes et policiers sur la route de Koupèla, Soulgané dans l’affaire de l’assassinat de la femme du Pr. Meyer ? Eh bien ! Je peux vous rassurer, sur mon serment que ceux-là sont tous là.

A travers également la presse, je voudrais rassurer l’opinion publique que sur cet aspect, elle peut rester tranquille.

S. : Quelle assurance avez-vous reçue de vos supérieurs quant au retour définitif au calme ?

A.R. : Nous avons été rassurés par M. le ministre de la Justice, Garde des sceaux que tout a été fait au niveau supérieur pour que le calme revienne. Et depuis hier (jeudi 21 décembre 2006) dans la soirée, nous avons constaté que le calme est revenu et que toutes les activités humaines ont repris au niveau national. Nous nous réjouissons de cette situation. La cohésion, c’est cela qui fait la discipline et la force des armées.

De telles situations sont déplorables parce que nous avons perdu des soldats et des policiers valeureux que le pays aurait pu utiliser autrement. C’est une situation qui est arrivée et que nous avons tous déplorée. Nous prions Dieu que les générations futures ne puissent pas vivre de tels événements qui vraiment ne font que marquer d’une tache noire la démocratie burkinabè qui était quand même une référence au niveau sous-régional et même international. Nous remercions les autorités pour la diligence avec laquelle elles ont pu maîtriser cette situation pas du tout intéressante. Pour finir, je remercie la presse pour ce qu’elle fait tous les jours pour sensibiliser l’opinion, informer le public et apporter des points de vue en ce qui concerne l’harmonisation de la vie dans la cité.

Entretien réalisé par Ismaël BICABA

Sidwaya

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