Actualités :: Humeur : « Non, maître, ce n’est pas parce que c’est Halidou »
Me Halidou Ouédraogo

Aussitôt l’interview de Me Halidou Ouédraogo parue dans notre édition du mercredi 13 décembre 2006, qu’un lecteur, militant du CDP, réagit contre certains propos tenus par l’interviewé. Pour Roch Simplice Traoré, l’auteur de l’écrit, ce sont les "habitants du pays réel" qui ont instauré une vision manichéenne des choses et des relations interpersonnelles. Il démontre que la "prési" récolte ce qu’il a contribué à semer.

Comme toujours, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’interview que Me Halidou Ouédraogo, président du Collectif, du MBDHP et de l’IUDH, et depuis peu avocat du richissime Oumarou Kanazoé, a accordée à l’Observateur Paalga (dans son édition 6785 du mercredi 13 décembre 2006).

Un entretien, soit dit en passant, bien conduit (la modestie des journalistes dût-elle en souffrir), ce qui, en fait, n’a rien d’étonnant, quand on sait que l’un des intervieweurs (Boureima Diallo pour ne pas le citer) est l’un des observateurs les plus avisés de la scène politique burkinabé. Mais trêve de prodada, car là n’est pas mon propos.

Du reste, si l’entretien est vivant, le lecteur que je suis a souvent été surpris de l’absence de relance là où le besoin se faisait pourtant sentir. Je tiens tout de suite à signaler que je suis un militant du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Précision peut-être inutile, car, de toutes les façons, on m’aurait attribué la carte de ce parti dans la mesure où, en raison de cette fracture politico-idéologique qui a cours au Burkina et qui s’est particulièrement accentuée depuis le drame de Sapouy, pour certains, les critiques (des gourous) d’un camp ne peuvent forcément provenir que de l’autre.

Ce préalable posé, venons-en au fait. Quand l’équipe de l’Observateur lui demande si, en devenant l’avocat d’El Hadj Oumarou Kanazoé après avoir soutenu contre vents et marées, avant la présidentielle de novembre 2005, que Blaise Compaoré pouvait se représenter nonobstant la dernière révision de l’article 37, il n’a pas trahi son camp, s’il n’est pas passé à l’ennemi, Me Halidou Ouédraogo s’en défend naturellement.

A raison sans doute. « Les gens sont libres de dire ce qu’ils veulent ». Halidou se connaît mais comme c’est lui... Modèle de vertu comme on le sait et avec le passé qu’il a rappelé à l’occasion, ce serait à coup sûr lui faire un mauvais procès que de prétendre qu’il s’est « suicidé politiquement », qu’il est monté à la soupe comme le premier loufiat venu.

"Maître, vous aurez pu décliner l’offre comme sous la Révolution"

J’ai beau être du CDP, je crois sincèrement que le président du « pays réel » n’est pas à ces considérations bassement matérielles, même si son argumentaire ne me convainc pas toujours. Je ne suis pas juriste et je veux bien croire que les maîtres de la parole, pour devenir avocat, prêtent serment de défendre quiconque les sollicite, à l’image du médecin qui doit soigner jusqu’à son pire ennemi. Je veux bien, mais maître, souffrez que je vous dise que l’avocat, ce n’est pas tout à fait la même chose que le toubib.

En cela, j’ai apprécié la relance des journalistes quand ils ont rappelé qu’un avocat est certes susceptible de défendre toutes les causes, mais il peut tout aussi bien se déporter pour diverses raisons. Autrement dit, Halidou n’était pas obligé d’être l’avocat d’O. K., surtout qu’il savait pertinemment que ce serait mal perçu et interprété. Pour ne pas faire dans le mélange des genres justement, il aurait donc pu décliner l’offre, pour des motivations, mettons, politiques.

Il me souvient que magistrat, il avait déjà refusé sous le CNR (ce qui était osé à l’époque), par honnêteté intellectuelle et professionnelle, de présider le Tribunal populaire de la révolution (TPR) qui devait juger Gérard Kango Ouédraogo qui était un peu son père. Mais faire ou ne pas faire, être ou ne pas être, relève de son libre-arbitre. Là où par contre je m’inscris totalement en faux contre Me Halidou Ouédraogo, qui pousse un peu trop loin le bouchon de la victimisation, c’est quand il veut nous faire croire que c’est parce que c’est lui qu’il y a tous ces procès en sorcellerie. Non, maître, ce n’est pas parce que c’est vous.

C’est parce que c’est le Burkina qui est devenu ainsi et vous y avez peut-être même contribué. Ce ne serait donc que juste retour de bâton. Car si le « cas Halidou » pose aujourd’hui problème, c’est qu’on nous a habitués dans ce pays à croire que les avocats des causes politico-médiatiques (Affaires Norbert Zongo, Sankara, Oumarou Clément...) étaient les champions incorruptibles de la démocratie et de la liberté et, de ce fait, proches de l’opposition et de ses relais, tandis que ceux qui défendent l’Etat ou des personnes proches du pouvoir ne pouvaient être que des « gâteaux » guidés par le seul appât du gain.

Ainsi on avait d’un côté les Maîtres Sankara, Farama, Sawadogo (Mamadou), Issa Diallo, Oumarou Ouédraogo...., de l’autre, dans une logique de démarcation presque physique, les Antoinette Ouédraogo, Bénoît Sawadogo, Harouna Sawadogo, Abdoul Ouédraogo, etc. Alors, pourquoi ce serait différent aujourd’hui pour Me Halidou Ouédraogo qui conseille une grosse légume du landernau politico-économique ?

Non, maître, ce n’est donc pas parce que c’est vous, c’est parce que vous, les « habitants du pays réel », nous avez habitués à cette vision manichéenne des choses et des relations interpersonnelles, à cet étiquetage presque caricatural, qui n’épargne d’ailleurs aucune catégorie socio-professionnelle.

"Votre logique vous revient en pleine figure"

Combien de fois n’a-t-on pas vu, au plus fort de la crise Norbert Zongo, des tracts orduriers contre tel ou tel ennemi déclaré du collectif (comme Oumarou Kanazoé) circuler sous le manteau lors de manifestations que vous présidiez à la Bourse du travail, à la place de la Nation ou au Centre national de presse ? On peut même dire que quelque part, quand bien même vous n’avez pas pu les encourager, vous avez été complice de ces pratiques nauséabondes.

Alors, ne venez pas aujourd’hui dire « c’est parce que c’est Halidou », car c’est insulter ceux qui ont été traînés dans la boue parce qu’ils étaient seulement suspectés, comme vous présentement, d’accointances avec le pouvoir. Encore heureux que dans votre cas les attaques ne descendent pas en dessous de la ceinture !

Ce n’est donc pas parce que c’est Halidou que les mauvaises langues prétendent que s’il défend aujourd’hui Kanazoé, c’est qu’il roule désormais avec le pouvoir, mais c’est plutôt la logique que vous et vos amis ont érigée qui vous revient en pleine figure tel un boomerang.

Mais comme les épreuves de la vie, telle la maladie, sont autant de leçons de sagesse, je suis heureux de vous entendre dire qu’il faut se garder de jeter de façon hasardeuse l’anathème sur les gens. Puissiez-vous répandre cette profession de foi autour de vous, car, comme chacun le sait, la crise née de l’assassinat de Norbert Zongo a servi de prétexte à toutes les calomnies, à tous les règlements de comptes, à tous les procès en sorcellerie, à tout et à n’importe quoi sans que cela fût toujours justifié.

Pour terminer, cher « prési », je formule à votre endroit et à celui de toute votre famille des vœux de bonne santé, en espérant qu’avec 2007 qui point déjà à l’horizon, vous retrouverez la plénitude de vos moyens. Car quel que soit ce qu’on peut vous reprocher, le pays et ceux qui le dirigent ont aussi besoin de sentinelles vigilantes comme vous pour sécuriser notre commune destinée. Bien à vous.

Traoré Roch Simplice

L’Observateur Paalga

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