Actualités :: Les produits dépigmentants : Genèse d’un cynisme

La dépigmentation est, selon certaines personnes, la manifestation d’un complexe d’infériorité. Pour l’auteur de ces lignes, ce complexe "n’est pas tombé ex nihilo". C’est, dit-il, le fruit d’un cynisme orchestré et entretenu par les Occidentaux.

C’est après avoir lu "les mercredis de Zoodnoma Kafando" du 19 juillet 2006 portant sur les dépigmentants que nous avons décidé de nous servir de notre plume pour donner notre point de vue sur la question.

Zoodnoma écrit : "A bien y regarder, l’usage des produits dépigmentants par les femmes et les hommes révèle un complexe d’infériorité face au Blanc, dont la couleur de la peau est devenue la coloration de référence". Juste. Pour corroborer l’assertion du journaliste, nous disons que ce complexe d’infériorité n’est pas tombé ex nihilo et ne date pas d’aujourd’hui. Cela est la résultante d’un long cynisme orchestré et entretenu par les Blancs.

Tout est parti avec la conception brumeuse à la limite assassine qu’est "la mission civilisatrice de l’homme blanc", échafaudée par l’Occident pour mettre l’Afrique et les noirs sous coupe réglée.

Pour bien mener leur sale besogne, les partisans de la conquête coloniale ont travaillé en étroite collaboration avec les missionnaires.

Il faut noter que l’intérieur des églises laissait voir des images déroutantes, et pour causes : les démons, diables, tout ce qui est négatif était de coloration noire tandis que Jésus et ses Apôtres éteints peints en blanc. Nous ignorons les raisons du choix de cette couleur noire mais une chose est sûre nous avons là le point de départ d’un processus de dénigrement d’une race. Ces images gravées à l’intérieur des églises seront le cheval de Troie d’une politique de déshumanisation des noirs.

Ces derniers verront de toutes les couleurs. Ils seront traités de "gens sans âme" de "fourbes et couards", de "sous-hommes", qu’il fallait "civiliser". Les noirs étaient aussi affublés d’"Ourang-outangs", de "macaques" et de "simples d’esprit".

La couleur noire était à leurs yeux le symbole du deuil, de la barbarie, de l’imperfection, de la damnation... Cette attitude du blanc avait choqué bon nombre de noirs à tel point que certains étaient arrivés à ériger leur église pour donner la réplique. Le plus célèbre de ces révoltés fut le congolais Simon Kibangou qui créa le "Kibanguisme". A l’intérieur de ses temples, Jésus était noir et les démons peints en blanc.

Il eut beaucoup d’adeptes et avait commencé à ratisser large au sein des populations noires. Pour les blancs, ce révolutionnaire méritait une correction grandeur nature. En deux temps, trois mouvements, Simon Kibangou et ses partisans furent traités avec la dernière cruauté.

Le malheureux messie passera une trentaine d’années dans l’enfer du violon. Il y mourut piteusement. Sous la colonisation, les blancs avaient habilement inculqué aux noirs leur infériorité. Leurs cultures étaient royalement ridiculisées et reléguées à de "simples produits de sous-hommes".

La contre-attaque

En un moment donné, le travail de dénigrement enclenché par les Européens avaient eu ou presque l’effet escompté. Bon nombre de noirs avaient commencé à avoir honte de leur couleur et de leurs cultures.

Voyant que la colonisation était sur le point de réussir un "génocide culturel" les premières élites noires vont sonner le Cor de la résistance.

Aimé Césaire dans son "discours sur le colonialisme" lança le cri d’alarme : "Je parle à des millions d’hommes à qui on a inculqué savamment le complexe d’infériorité, la peur, l’agenouillement, le désespoir...".

Pour montrer aux blancs que tout peuple a une culture, Aimé Césaire, Gontra Damas, Senghor, vont créer la négritude qui, selon le poète sénégalais était nécessaire : "Nous étions alors plongés, avec quelques autres étudiants noirs, dans une sorte de désespoir panique. L’horizon était bouché...

Nous n’avions, estimaient-ils, rien inventé, rien créé, ni sculpté, ni peint, ni chanté... La négritude était donc une réponse à une situation d’oppression, de violence culturelle, économique et politique". Pour le philosophe français, Jean Paul Sartre, la négritude "est la négation de la négation du noir".

Pour parer au plus pressé, les chantres de la négritude et les poètes américains de la Negro-Renaissance vont se liguer pour faire comprendre à leurs congenèses d’être fiers de leur couleur qui, selon eux est synonyme de "vie". La couleur noire sera donc chanté, magnifiée...

Le découragement

Les poètes avaient joué leur partition. Au fil du temps leurs conseils sont restés lettre morte. Le travail de dénigrement avait déjà porté ses fruits. A force de les rabaisser, de les harceler, nombre de noirs ont fini par craquer. Ils ont honte d’eux-mêmes, perturbés, écartelés. Ils sont à la croisée des chemins. Le complexe d’infériorité s’est installé.

Il en découle une aliénation : "Etant mal dans sa tête, il en vient à être mal dans sa peau. Du coup s’éclaircir la peau pour ressembler au maître d’hier, devenu un supérieur aujourd’hui".

Les noirs singeront blancs dans l’espoir de leur ressembler. Ainsi vint la dépigmentation. Cette nouvelle tournure des événements sera décriée par le psychiatre martiniquais, Frans Fanon, dans son best-celler "Peaux noires masques blancs". Mais a-t-il été coûté ? Non, le résultat n’a pas été à la hauteur des attentes.

Aujourd’hui, la situation va de mal en pis. Les jeunes filles partent à l’assaut des crèmes éclaircissantes pour plaire aux hommes et les "phagocyter". Ces derniers se complaisent dans ça. J’en veux pour preuve cette phrase devenue proverbiale : "Même si la femme teint clair n’est pas belle, ses cuisses ressemblent à des tomates" lancée par les hommes pour justifier leur ruée vers les femmes teint clair.

Ainsi donc tout est consommé. Les héritiers de Martin Luther King de Frans Fanon, de Rosa Park ont passé outre les conseils de leurs aînés et ont choisi une voie dangereuse.

La dépigmentation est de nos jours un phénomène irréversible. Ce n’est point ni la censure du CSC ni les cris d’alarme des gardiens du temple des traitions qui changeront quelque chose, surtout avec l’explosion extraordinaire des NTIC.

Issa Semdé Secteur n° 19

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