N’eût été la presse qui sert d’amplificateur, on ne se croirait pas en pleine campagne électorale au pays des Hommes intègres. Les élections municipales, qui sont par essence des élections de proximité, imposent de fait un style d’approche de l’électorat qui tranche d’avec les spectacles et autres grands shows qui caractérisent les consultations d’envergure nationale.
Pour ces consultations-là, tout le monde, à l’échelle du pays, vit au même moment un événement communément partagé. En ce qui concerne les communales, chaque commune devrait rythmer à sa manière, et mieux, dans chaque commune, chaque secteur ou chaque arrondissement ou encore chaque village devrait avoir sa propre effervescence.
En clair, c’est chacun pour soi et Dieu pour tous. Ainsi, pour vivre l’ambiance électorale, il faut se mettre à l’échelle de chaque circonscription électorale. N’empêche que même à ce niveau, vu le nombre des partis en lice, il est difficile de faire une campagne mobilisatrice au point de focaliser toutes les attentions.
Mais au-delà de ces considérations objectives, il y a le fait que la présidentielle a réellement affadi les municipales en termes d’enjeux. Même s’ils étaient douze candidats, les présidentiables se partageaient de fait les millions d’électeurs, ce qui provoquait une certaine polarisation. Et puis il y a que même la petite cagnotte de l’Etat que s’étaient partagée les candidats suffisait à émécher certains ouvriers des états-majors politiques.
Or pour ces municipales, et pour ne parler que de cette cagnotte de la nation, certains partis auraient reçu moins de cent mille francs CFA. Les ont-ils quand même encaissés ? Question. Si c’était le cas, ce serait pour le principe, car c’est un droit, mais comme dirait quelqu’un, ça gâte le nom seulement.
Même pour le parti majoritaire, sa « part de lion » dans cette affaire est une goutte d’eau. Là-bas comme ailleurs, le mot d’ordre est le même : chacun doit se débrouiller pour compléter ce qu’il a pu obtenir. Du coup, des opérateurs économiques ou certaines personnalités voient déferler sur leur bureau des demandes de soutien de toute nature de candidats pris isolément ou de sections entières de partis.
La multitude de sources de financement rejaillit dans sa diversité sur les couleurs et les formes des quelques rares gadgets glanés à gauche et à droite qui ne présentent de ce fait aucune harmonie, même au sein d’un même parti. Au nom du respect de la base, c’est le laisse-guidon au sommet, sauf pour les partis pour lesquels ces consultations représentent un réel enjeu.
La présidentielle a aussi affadi les municipales parce qu’elle a accouché d’un statu quo en termes de partage de pouvoir pour les « mouvanciers », et en termes de renouvellement du personnel politique au sein du parti au pouvoir où les nouveaux venus brillent pour la plupart par leur anonymat. Si l’équipe actuelle de Paramanga est une équipe de combat technique, politiquement elle ne fait pas des étincelles.
Au Burkina, on hésite encore à donner un contenu purement politique au poste de ministre. Alors, quand vient l’heure d’aller au charbon, on se met à balbutier. A cette atmosphère politique générale d’après-présidentielle, il faudra ajouter la confection des listes.
A ce niveau, le pays des Hommes intègres devra faire l’effort d’aller à l’école du système des primaires pour départager les candidats aux candidatures dans toutes les élections, qu’elles soient locales ou nationales. La démocratie y gagne l’adhésion des électeurs et les candidats seront plus enclins au fair-play.
Les acteurs politiques burkinabè ont encore une semaine pour mettre du sel à la campagne des municipales. C’est connu, au pays des Hommes intègres, on préfère le sprint à la course de fond.
JOurnal du jeudi
