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Rétrospective 2018 : Une année difficile pour le secteur informel

Publié le vendredi 11 janvier 2019 à 21h03min

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Rétrospective 2018 : Une année difficile pour le secteur informel

Les difficultés d’ordres sécuritaire et social que le Burkina a connues en 2018 se sont négativement répercutées sur le secteur informel. C’est du moins l’assertion du président de l’Association du secteur informel, Seydou Zangré. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il revient sur les difficultés et les doléances des acteurs du secteur informel.

Lefaso.net : Présentez-nous brièvement votre association.

Seydou Zangré (S.Z.) : L’association du secteur informel regroupe des jeunes commerçants qui contribuent à la microentreprise tels que les couturiers, les menuisiers, les commerçants ambulants et les « dames » des marchés, toute personne qui exerce une activité de commerce, qui contribue aux impôts et taxes municipales, appelés autrefois Contribution du secteur informel (CSI) et qui a un chiffre d’affaires inférieur à 15 millions de F CFA.

Lefaso.net : Quelles sont les activités que l’association a menées durant l’année 2018 ?

S.Z. : En 2018, l’association a organisé des activités au profit de ses membres. Parmi ces activités, on peut citer la tenue de l’assemblée générale ordinaire, l’organisation, avec les partenaires comme la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), d’une conférence publique sur l’assurance volontaire pour permettre à ceux qui sont dans le secteur de pouvoir aussi préparer leur retraite.

Avec également le Centre de gestion agréée, il y a eu des formations à la gestion des microentreprises et comment participer aux marchés publics. Enfin, avec le concours des services des impôts, les militants ont été instruits sur le civisme fiscal et pourquoi il faut payer ses impôts. Et c’est dans trois villes du Burkina, que sont Ouagadougou, Koudougou et Ouahigouya, que ces formations ont pu se tenir.

La structure n’étant pas une d’utilité publique, ce sont les cotisations des membres et le soutien des partenaires qui accompagnent la tenue des activités. Par exemple, sur la conférence publique autour de l’assurance volontaire, c’est la CNSS qui a donné son soutien en envoyant des cadres pour dispenser les formations. Il y a également le Centre de gestion agréée qui accompagne les acteurs à formaliser leurs entreprises et le ministère de la Jeunesse, à travers la Direction de l’économie informelle, qui donne également des conseils et appuis techniques.

Lefaso.net : Quelles sont les difficultés que rencontrent les acteurs du secteur ?

S.Z. : Parlant de difficultés, l’année n’a pas été facile au plan national et par conséquent elle ne l’a pas été pour le secteur informel. Il y a eu le problème sécuritaire qui a dominé depuis pratiquement 2015 avec les attaques terroristes et qui a rendu le problème économique plus compliqué. Et depuis lors, l’on constate que pour joindre les deux bouts, c’est devenu très difficile pour les acteurs de ce secteur.

La monnaie également peine à circuler, ce qui rend l’écoulement des marchandises très compliqué, même pour les grossistes. Ce qui fait que beaucoup n’ont pas pu respecter leurs engagements vis-à-vis des institutions financières auprès desquelles ils ont contracté des prêts pour exercer leur commerce. Alors qu’en milieu urbain, c’est environ 80% des actifs qui sont dans le secteur informel et sont, pour la majorité, jeunes, vendeurs ambulants ou non ; et le problème a touché la majorité de ce secteur.

Donc les engagements vis-à-vis des impôts, des créanciers ou même de nos locataires n’ont pas pu être respectés parce que les produits ne sont pas écoulés. Face à tout cela, plusieurs sont devenus chômeurs ; beaucoup se sont adonnés aux jeux de hasard en remplissant les kiosques PMUB ou bien ont abandonné pour se retrouver dans les sites d’orpaillage. Dans ma petite boutique, il y a trois personnes qui travaillent, mais parfois la prise en charge est compliquée.

Lefaso.net : Qui sont vos partenaires et quel langage vous leur tenez, concernant la situation ?

S.Z. : Les partenaires qui accordent les crédits sont les banques, les institutions de microfinances et les fonds nationaux tels que le Fonds d’appui au secteur informel (FASI), le Fonds burkinabè de développement économique et social (FBDES). Et l’accent est toujours mis sur le plaidoyer afin que le gouvernement et les autres partenaires comprennent les difficultés qu’ont les uns et les autres à écouler leurs marchandises.

Le problème est que l’argent ne circule pas et l’on n’a pas l’impression non plus que l’économie bouge. En haut niveau, l’on parle de PNDES à chaque fois et de sa mise en œuvre alors qu’au bas de l’échelle, c’est-à-dire pour ceux de l’informel, on ne perçoit pas un décollage économique. C’est vrai que le problème est sous-régional compte tenu de la situation sécuritaire qui prévaut, mais il faut que l’autorité puisse injecter de la monnaie ou faire en sorte que l’argent circule.

Nous n’incriminons pas les autorités ; au contraire, nous compatissons à leurs côtés. Une pensée pieuse à nos forces de défense et de sécurité qui sont tombées et prompt rétablissement aux blessés des suites d’attaques terroristes. On espère qu’en 2019, main dans la main, nous pourrions sortir le pays de l’impasse. Nous demandons, comme nous l’avons toujours souhaité, que les autorités mettent de côté leurs divergences pour se souder pour le bien de la nation car, dit-on « les hommes passent mais le pays demeure ».

Lefaso.net : Quelles sont vos suggestions à l’endroit de l’autorité et de vos militants ?

S.Z. : En termes de suggestions à l’endroit de l’autorité, c’est demander qu’elle comprenne souvent que quand les gens éprouvent des difficultés à solder les prêts qu’ils ont contractés ou à payer leurs taxes et impôts, c’est parce que leurs activités ne font plus de bénéfices ou ne marchent même plus alors qu’ils ont des priorités telles que avoir à manger et pouvoir aussi honorer les obligations en famille.

Donc savoir que ceux qui sont sur le terrain ont des difficultés pour vendre, les comprendre et à la limite engager des accompagnements en faveur de ces derniers, c’est cela aussi la redistribution des revenus, parce que eux-mêmes ont des parents qui sont dans le domaine qui leur rapportent que ça ne va pas ; alors que si ça marche pour le secteur, c’est toute la nation qui en bénéficiera. Selon les statistiques, la contribution du secteur informel dans le PIB avoisine 40%, tandis que nous ne ressentons pas les effets de la croissance dans nos activités ou dans nos familles.

Bien au contraire, elle s’apparente à une décroissance. Il y a alors la nécessité de bien répartir cette croissance afin de faciliter ou de rendre meilleur le monde des affaires au Burkina Faso. Que l’Etat joue sur le marché afin que pour des marchés de cinq millions par exemple, une moyenne entreprise ne descende pas pour faire la concurrence déloyale aux petites.

Concernant cette difficulté, il y a un vide juridique puisque l’Etat fait toujours savoir qu’il y travaille mais tant qu’il n’y aura pas de décret d’application, le système restera défaillant et ce sont les petites entreprises qui en pâtiront toujours. Il y a des fonctionnaires qui s’investissent dans le domaine alors qu’ils ont plus d’avantages au niveau des banques avec la possibilité d’avoir des prêts scolaires, des prêts même de perte que les autres n’ont pas. Il faut qu’ensemble, il y ait une règlementation qui viendra booster le vide juridique et assainir le milieu.

A l’endroit de nos frères désespérés, nous dirons de garder courage ; une chute ne doit pas entrainer une autre. Il faut toujours persévérer, réorganiser le travail, réviser sa façon de dépenser et accepter d’aller lentement mais sûrement.

Lefaso.net : Quelles seront vos grandes actions pour 2019 ?

S.Z. : Pour 2019, nous souhaitons qu’il y ait la santé et la paix et que nos structures respectives avec l’accompagnement de l’Etat, puissent faire de bonnes affaires. Pour notre part, nous allons continuer les sensibilisations, les formations et les plaidoyers auprès de l’Etat pour qu’on puisse régler certaines questions.

Et nous remercions de vive voix la presse et demandons à l’autorité de nous prendre comme des partenaires dans l’accomplissement des politiques nationales et surtout au niveau des municipalités parce que même dans les communes rurales, leurs principales recettes viennent du secteur informel, en dehors des soutiens des partenaires techniques et financiers. Il faut toujours ouvrir le dialogue car nous disons qu’il n’est pas intéressant qu’on élise un conseiller municipal qui devient par la suite maire et engager des politiques sans au préalable prendre l’avis de sa population.

Etienne Lankoandé (stagiaire)
Lefaso.net

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