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Corridors de desserte du Burkina : Beaucoup de tracasseries et plusieurs milliards en fumée

Publié le lundi 4 juin 2007 à 07h06min

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“La vie est chère au Faso”. Plus qu’un slogan, cette assertion traduit une certaine réalité qui a du reste conduit le gouvernement burkinabè à prendre plusieurs mesures à caractère social ces derniers mois.

Des mesures qui viennent en appui à des politiques à long terme visant l’amélioration des conditions de vie des populations, mais qui montrent encore une fois de plus la nécessité pour notre pays de maîtriser mieux ses circuits d’approvisionnement et de commercialisation. Car en définitive, il s’agit bien de réduire le déficit au niveau de la balance commerciale de sorte à créer plus de richesses en interne et faire face aux besoins de consommation.

Dans ce pays enclavés, les relations commerciales avec le reste du monde s’effectuent par le biais des corridors des pays disposant d’une façade maritime. Mais, que de peines et de tracas, que de drames parfois.... ! Depuis le mois d’août 2006, nous avons entrepris de découvrir et de comprendre cet environnement à travers des sorties sur le terrain au Ghana, au Togo, au Bénin et au Burkina.

Le Corridor ghanéen est fort de deux ports : Tema et Takoradi. Son plus grand port est Tema. Inauguré en 1962, son objectif était d’abord d’accroître le développement industriel du pays et de désengorger le port de Takoradi existant depuis 1928.

« Depuis 1997, les échanges avec le Burkina ont constamment augmenté pour atteindre leur plus haut niveau actuellement loin devant les autres pays de l’hinterland. Nous espérons que cette tendance se poursuivra et nous ne ménagerons rien pour satisfaire nos frères burkinabè », déclare Gordon Anim, directeur du port de Tema.

En 2005, 300 000 tonnes de marchandises burkinabè ont transité par le port de Tema contre 80 000 tonnes pour celui de Takoradi. Le corridor ghanéen aura donc permis à notre pays de mieux faire face à la crise ivoirienne. « Si nous n’avions pas cette alternative, les ports de Lomé et de Cotonou ne pouvaient pas permettre d’évacuer ce surplus de marchandises », fait observer, Yaya Yédan, représentant du CBC au Ghana.

« Avec la crise ivoirienne, nous avons dû nous organiser davantage pour faire face au trafic supplémentaire », ajoute Kassoum Victor Fofana, Représentant de la Chambre de Commerce, d’industrie et d’artisanat du Burkina au Ghana.

Au poste frontière de Dakola, le chef du Bureau secondaire de la Douane burkinabè, Idrissa Foro et ses hommes ne chôment pas du tout, loin s’en faut. Ils reçoivent et traitent les dossiers d’une soixantaine de véhicules par jour, plus d’une centaine les lundis et les mardis en raison du dimanche qui est fériée au Ghana. Ce sont également plus de 200 usagers qui sont contrôlés journalièrement à Dakola. Les marchandises de plus de 1,3 millions de F CFA de valeur sont enregistrées et mises en route vers des bureaux de douanes plus importants de l’intérieur pour dédouanement. Tout compte fait, le bureau de Dakola contribue fortement aux recettes douanières nationales.

« Nous avons enregistré en 2005, des recettes de plus de 1,3 milliards de F CFA, en nette hausse par rapport aux années précédentes », confirme l’inspecteur Idrissa Foro.
Tout n’est cependant pas rose pour les usagers du corridor ghanéen qui, en sus de la barrière linguistique et du problème de convertibilité de la monnaie connaissent bien des difficultés : de nombreux contrôles mais surtout les rackets sur les routes ghanéennes, les longs délais de traitement des dossiers au port et la chèreté des frais portuaires.

Selon MM Ismaël Cissé (Représentant TEMA) et Sayouba Dianda (Coordonnateur et représentant Takoradi), responsables de l’OTRAF au Ghana, « les frais portuaires qui viennent d’être augmentés constituent une préoccupation pour leur organisation tout comme les tracasseries policières sur la route et à la frontière. L’escorte des marchandises peut aussi être mieux organisées ».

« Tout le temps et même lorsque tous les papiers sont corrects, il faut quand même payer au moins 10 000 cédis (NDLR : un peu plus de 500 F CFA) pour pouvoir passer », ajoute Boukary Diallo, chauffeur de camion.
National Security, c’est à peu près le ministère de l’Intérieur, est présent sur le terrain avec une équipe de policiers, de gendarmes et de douaniers pour débusquer les mauvaises pratiques sur la route et faciliter au mieux le trafic. Cette structure est créditée de bons résultats. C’est du reste elle qui a tout mis en œuvre pour la réussite de notre enquête au Ghana. Elle a notamment contribué à la réduction du nombre de postes de contrôle au Ghana. Tout en promettant de faire mieux, les responsables de National Security comptent s’attaquer à l’épineuse question des surcharges.

« Les surcharges réduisent la durée de vie des voitures, dégradent les routes et constituent une concurrence déloyale pour les autres transporteurs respectueux des normes. Pour des camions devant peser 11,5 tonnes à l’essieu, on se trouve souvent à plus de 13 tonnes par essieu... », indique Joachim Méda, Directeur général des transports terrestres et maritimes du Burkina.
Interrogé sur la chereté des prestations du port de Tema toujours invoquée par les usagers, son directeur, Gordon Anim s’inscrit en faux. « Notre port, dit-il, reste compétitif par rapport aux autres. Depuis longtemps, nos tarifs n’ont pas évolué alors que nos prestations se sont améliorées nettement. Quant aux lenteurs, elles sont souvent dues à la difficulté pour les importateurs de fournir les documents demandés et à faire des déclarations sincères ».

Le Chef du bureau des douanes du Port de Tema évoque pour sa part des cas de déversements frauduleux de marchandises censés allées au Faso sur le territoire ghanéen. Il promet pour bientôt un suivi satellitaire des cargaisons grâce à un nouveau système de surveillance qui se met progressivement en place avec le soutien de l’USAID à travers le WATH (West Africa Trade Hub ou encore Centre pour le Commerce en Afrique de l’Ouest). Un observatoire des pratiques anormales est donc en gestation avec pour finalité l’amélioration de la gouvernance des routes en Afrique de l’Ouest.

Selon Andy Cook, directeur du WATH basé à Accra, « les coûts de transports par route sont plus élevés en Afrique de l’Ouest que partout ailleurs dans le monde ».
Notre pays, à travers le CBC joue un rôle important dans ce projet.

Les disponibilités des partenaires ghanéens sont bien accueillies du côté du CBC qui profite par la voix de son représentant au Ghana souhaiter un toilettage de l’accord qui lie les deux pays en matière de transport, la signature d’un accord de siège entre le CBC et le Ghana ainsi que l’enregistrement et l’authentification des numéros d’immatriculation des camions afin d’éviter les faux dans ce domaine. Le projet de chemin de fer entre Kumasi et Ouagadougou, le bitumage de la route Yeguereso-Diébougou-Hamélé et la mise en place du poste de contrôle juxtaposé à la frontière sont également attendus par les usagers du corridor.

Pour ce qui concerne les déversements frauduleux de voitures d’occasion au Ghana, le problème qui sévissait depuis trois ans semble sous contrôle. Une quinzaine de personnes de nationalité ghanéenne avec des fausses cartes d’identité burkinabè et des faux registres de commerce burkinabè se sont vu mettre le grappin dessus en mars 2006.

Revenant sur les frais portuaires, M. Yédan nuance l’ampleur des augmentations. « Pour la manutention port des voitures d’occasion, dit-il, malgré la hausse de 150%, le tarif reste 10 fois moins cher que ce qui est appliqué aux voitures destinées au marché ghanéen. De plus, la dévaluation du cédi qui est intervenue entre temps annihile cette augmentation par rapport à 2002 puisque la contre-valeur est moindre. En tout état de cause, pour un véhicule de tourisme à Tema, un importateur burkinabè paie 190 000 F CFA de frais portuaires contre 310 000 F CFA à Lomé ».

Des délais raccourcis avec le Togo

Pour une meilleure exploitation du corridor ghanéen, M. Yédan conseille aux transporteurs burkinabè de revoir l’état de leur parc de camions pour conformer ceux-ci aux normes internationales de 55 tonnes et bénéficier de l’avantage de la taxation au camion et non au tonnage.

Actuellement, sur les 11 000 à 13 000 camions qui transportent le fret sur ce corridor, seulement 45 % de fret était effectivement enlevé par les burkinabè à Tema en 2005 contre 35% à Takoradi malgré des textes qui leur octroient théoriquement plus de la moitié des cargaisons à destination du Burkina.

La destination du Ghana ne manque pas d’intérêt surtout que le carburant y est vraiment bon marché. Au moment de notre passage en août 2006, le litre de super coûtait à la pompe à Accra entre 200 et 250 F CFA le litre selon les stations qui pratiquent des prix concurrentiels pour attirer le maximum de clients.

Le corridor lui, togolais s’appuie sur le Port Autonome de Lomé qui a été inauguré en 1968. Le Port de Lomé est réputé avoir le tirant d’eau le plus profond de l’Afrique de l’Ouest avec 14 mètres de profondeur.Le port de Lomé connaît un trafic en hausse depuis 2000 avec cependant un pic important en 2003 du fait de la crise ivoirienne. Sur ce corridor, le trafic en transit pour les pays du Sahel en 2004 était de 17% pour le Niger, 14% pour le Burkina et 13% pour le Mali. En 2005, le volume d’importation de marchandises par le Burkina par le port de Lomé était de 341 800 tonnes contre 276 230 tonnes de marchandises en exportation.

« En termes de trafic global en 2005, nous avons une baisse en importation et une augmentation en exportation, mais le trafic est croissant dans l’ensemble », estime le Capitaine de Vaisseau Fogan Kodjo ADEGNON, directeur général du Port Autonome de Lomé.

Et Tidiani BA, Représentant de la Chambre de Commerce à Lomé et Cotonou d’ajouter : « Les opérations de transit du fret par Lomé réduit le temps entre le débarquement et la mise en route des camions à 10 jours ».

Pour Pascal COTI, directeur général de SAGA/Togo : « 20% des containers du Port Autonome de Lomé sont destinés au Burkina qui a un poids important dans le trafic de ce port ».

Cela se ressent du reste au niveau des activités des bureaux de douane de Cinkansé et de Bittou au Burkina. Le transit occupe, en effet, 90 % du temps des hommes de l’Inspecteur Sylvestre K. J. SAM, Chef du Bureau Principal de 2e catégorie de Bittou.

Le bureau de douane de Bittou , au titre de la perception des droits et taxes au profit du trésor public burkinabè assure en moyenne plus de 70% des recettes douanières de la région douanière de l’Est avec des recettes de 4 875 930 758 F CFA recouvrées en 2005 sur un total de 6 232 456 947 pour la région de l’Est.

Le corridor togolais est marqué par la fraude notamment pour les motocycles asiatiques couramment appelés raimbows. Fortuitement, nous avons assisté à une arrivée d’une dizaine de motocycles dames et hommes conduites par des jeunes roulant à tombeau ouvert sur une piste entre Ouargaye et Koupéla via la piste rurale de Bissiga, localité située à une dizaine de km de Koupéla.

S’ils parviennent à livrer les motos, ils encaisseront une somme de 50 000 Fcfa chacun. Ce jour-là, les fraudeurs qui sont passés vers 9H00 ont eu apparemment de la chance car bien souvent, ils tombent dans les filets de la douane. Les statistiques, en matière de saisies par le Bureau de douane de Bittou et son annexe de Cinkansé en disent longs. Plusieurs millions d’amendes aux fraudeurs ont été recouvrés par les bureaux de douane de Cinkansé et de Bittou soit 158 258 468 en 2005.

« Les marchandises saisies en 2005 sont essentiellement les motocycles (72 unités), les produits pétroliers (78 233 litres), les pneus (4 679 unités), le sucre (130 650 kg), les cigarettes (3662 cartouches) et les piles (1340 cartons) », précise l’inspecteur Sylvestre K. J. SAM. 
Les usagers de ce corridor ont à affronter une des routes réputées être les plus difficiles de la sous-région (celle du Ghana n’est guère facile non plus) avec les célèbres montés/descentes d’Allejo où des cotes de plus 10% sont observées à plusieurs endroits.

Cales de bois en mains pour empêcher le camion de reculer, les apprentis cheminent à pieds aux côtés des routiers qui triment sur ces passages longs parfois de 15 Km. Les conducteurs les moins efficaces sur ces passages difficiles finissent soit contre une falaise, soit dans un ravin... Au-delà de la route il y a les tracassqeries.

A chaque poste de contrôle (douane, police, gendarmerie), il faut débourser la somme de 500 à 1000 F CFA. Et Dieu sait qu’il y en a bien entre Cinkansé à la frontière burkinabè et Lomé, surtout lorsque la nuit tombe.
« Les tracasseries sont une grosse plaie en Afrique. En un an, les pertes essuyées par les transporteurs burkinabè sur l’axe Ouagadougou-Lomé sont estimées à plus de 80 milliards de F CFA.

Selon certaines études, cette somme serait suffisante pour résoudre la question de la vétusté du parc automobile des transports », révèle Joachim MEDA, Directeur général des transports terrestres et maritimes (DGTTM). Cela donnerait sur l’ensemble des corridors des pertes estimées à plus d’une centaine de milliards de nos francs. Ce qui expliquerait aussi la vie chère au Faso, puisque ce sont les consommateurs qui supportent finalement ces pertes.

Le laissez-passer Solidarité sur la mer semble ne pas servir vraiment à grand-chose puisqu’il faut tout de même payer 500 F CFA au moins à chaque poste de contrôle dont une taxe de traversée d’une forêt classée... Trois convois sont lancés par semaine (mardi, jeudi et samedi) à partir d’un terminal situé à la sortie de Lomé en direction des pays de l’hinterland. Baptisé Terminal du Sahel, cet espace est une sorte d’aire de stationnement, de repos et de petites réparations mécaniques pour les usagers. Sa capacité d’accueil est déjà dépassée tant l’affluence est grand surtout du côté des importateurs de véhicules d’occasion.

Noulengbé Yawo, Coordinateur général de Solidarité sur la mer pense que la responsabilité est partagée : « Les usagers évitent souvent de partir avec les convois au moment de leur lancement. Ils préfèrent se reposer avant de prendre la route à l’heure voulue puisque de toutes les façons, les papiers de leurs marchandises, ils les récupéreront à la frontière. Pour concilier le souci de lutter contre les tracasseries et respecter la liberté des routiers de prendre la route quand ils veulent, nous avons mis en place un numéro d’appel (901 87 54) où l’usager qui ferait l’objet de tracasseries peut téléphoner et avoir de l’assistance ».

En attendant le Burkina entend bien s’inspirer du modèle togolais pour reformer son système de contrôle routier.
« Avant, on comptait 20 à 25 postes de contrôle ainsi que des postes inopinés qui engendraient des surcoûts et des perceptions illégales. Un nouveau système de contrôle basé sur la fluidité du trafic sera bientôt en place.. Il y aura 16 postes de contrôle aux frontières et 8 postes de contrôle intérieurs dans les 8 principales villes du pays à savoir Fada, Ouahigouya, Léo, Bobo, Ouagadougou, etc. Mandat est donné au CBC pour le suivi. Pour cela, un laissez-passer (macaron) à l’instar de solidarité sur la mer au Togo sera délivré par les bureaux CBC », confirme Mathieu K. Bouda, Secrétaire général du ministère des Transports.

Les tarifs des prestations portuaires au port de Lomé sont jugés élevés par les transporteurs. Pour les représentants de l’OTRAF au Togo, cette situation doit être revue. « Nous avons cédé beaucoup de prestations au privé. Ce qui fait que certains éléments des tarifs de prestations portuaires ne sont plus du domaine de l’autorité portuaire. Nous allons rencontrer ces concessionnaires et voir ce qui peut être fait pour que le Port Autonome de Lomé conserve sa compétitivité.

Le CBC est membre du Conseil d’administration du Port Autonome de Lomé et sa contribution à la réflexion nous sera d’un précieux concours », répond le Capitaine de Vaisseau Fogan Kodjo ADEGNON, Directeur général du Port Autonome de Lomé.
La Société d’entreprise de Manutentions Maritimes, SE2M, pense qu’elle fait même des tarifs préférentiels pour les pays de l’hinterland (manutention bord incluse dans le tarif de fret). Son Directeur général, Jean-Claude Le CLECH, confie : « Dakar et Lomé sont les ports les moins chers de la Côte ouest africaine loin, devant Abidjan. A Lomé, nous faisons en manutention le container de 20 pieds à 24 000 F CFA contre 200 000 F CFA à Abidjan ».

« Il y a une nette amélioration générale du trafic sur le corridor togolais. C’est un fait que nous relevons et nous saluons. Je voudrais aussi souhaiter le bitumage de la voie de contournement qui va du port au terminal du Sahel. Cette voie n’est pas praticable en tout moment. A la moindre goutte d’eau, c’est un véritable bourbier », précise Lanssané Ouédraogo, représentant du CBC au Togo.
En attendant le Port de Lomé a en projet la construction d’un 3e quai pour accroître le trafic des navires à containers et faire du Port Autonome de Lomé un Hub pour navires à gros et petits tonnages.

Selon son directeur général, le Capitaine de Vaisseau Fogan Kodjo Adegnon « Le Burkina est porté par trois pays côtiers dont le Togo. Nous faisons tout pour que ce soutien se perpétue. Nous comptons construire un Port sec par rail à Blita à 273 km de Lomé pour raccourcir le trajet des routiers qui n’auraient plus à affronter certains cols dangereux sur le parcours. Enfin, un terrain de 80 ha a été dégagé pour l’agrandissement du Terminal du Sahel ». Sur ce corridor, beaucoup de perspectives à l’horizon même si à la frontière, un fait nous a intrigué.

En effet, pendant que le poste de contrôle juxtaposé de l’UEMOA se construit du côté burkinabè, côté togolais, on a refait le poste frontière qui a même été clôturé. Y a-t-il un problème par rapport à ce projet. Il est tôt pour en parler. « La collaboration est franche avec les voisins, » nous confie un élément des forces de l’ordre burkinabè basé à Cinkansé. Le Secrétaire général du ministère des Transports burkinabè, Mathieu Bouda nourrit, pour sa part, beaucoup d’espoirs par rapport à ce projet. « Les postes de contrôle juxtaposés de l’UEMOA, dit-il, vont permettre de rationaliser les pratiques notamment en ce qui concerne la documentation de voyage et réduire les délais de route ». Tout le monde y gagne.

Corridor béninois, corridor du carburant

Quant au corridor béninois, il s’appuie sur le port de Cotonou qui a été officiellement inauguré le 1er août 1965.
Le Port de Cotonou est surtout utilisé pour l’approvisionnement du Burkina en hydrocarbures. Selon le représentant de la SONABHY auprès des dépôts côtiers Cotonou-Lomé, Gilles OULLA, « 372 000 tonnes métriques (TM) d’hydrocarbures ont été importées par le Burkina en 2005. 34% l’ont été par Cotonou contre 31% par Abidjan, 24% par Lomé et 11% par Tema. En volume, cela représente 102 520 TM contre 119500 TM en 2004 et 162 859 TM en 2003 ». Des importations de carburant qui sont en baisse légère d’année en année.

Les importations d’autres marchandises sont limitées et en baisse depuis 2003. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Ces raisons tournent essentiellement autour de l’insécurité sur l’axe et les tracasseries. En effet, rapporte-t-on, le corridor béninois est des moins sûrs tant dans sa partie burkinabè que dans le tronçon béninois.

Si au Burkina, ce sont les coupeurs de route qui sévissaient à l’Est, au Bénin, ce sont des villageois organisés, aux dires des routiers, qui pilleraient les cargaisons surtout la nuit venue. Ce qui obligeait les routiers à rouler, rouler pour pouvoir traverser la frontière au plus vite provoquant des accidents. Antoine NOUKE est représentant de l’OTRAF à Cotonou. Il a la nostalgie de l’âge d’or du corridor où l’on avait plaisir à fréquenter les routes béninoises. « Aujourd’hui, dit-il, c’est la galère tant et si bien que certains transporteurs ne veulent plus aller au Burkina à cause des tracasseries entre Savalou, Kira et Natitingou surtout au retour où il n’y a pas d’escorte. Un retour qui se fait généralement à vide... On trouvera toujours quelque chose pour vous embêter...jusqu’à l’état des pneus qui ne peuvent pas ne pas être usés ». Et Nazaire Almissi Sawadogo, représentant de l’OTRAF pour la Section Hydrocarbures d’ajouter : « il faut payer 500 à 1000 F CFA par poste depuis le port jusqu’à la frontière. Il y a plus de 30 postes sur le parcours ».

Entre 800 et 1000 camions-citernes sont enregistrés chaque mois au port de Cotonou. Un nombre de gros-porteurs qui nécessite des dispositions particulières tant pour le parking que pour la traversée de la ville de Cotonou. Une première mesure a consisté à créer un parking à Pahou, localité située à 25 Km de Cotonou pour recevoir les camions en attente. Une aire de stationnement qui est dépassée donnant lieu à des déversements de camions-citernes dans les rues avec pour conséquences des troubles sociaux plus ou moins graves. Cette situation a conduit le CBC à prendre ses responsabilités afin de toujours assurer un bon approvisionnement du pays.

« Le CBC a décidé en accord avec le gouvernement de construire un parking pour nos camions-citernes notamment. Ce parking qui sera situé à Fongbo sur l’axe routier Cotonou-Burkina Faso est d’une superficie de 4 ha. En attendant, nous avons sensibilisé nos routiers pour qu’ils ne voyagent que de jour. Cela les expose moins aux tracasseries et à l’insécurité. Notre message a été entendu et l’on note même une certaine baisse du nombre d’accidents en 2005 par rapport à 2004. Une tendance confirmée en 2006 malgré la vétusté du parc... », révèle Antoine OUARE, représentant du CBC au Bénin.

« Notre bonheur, c’est un ensemble. Un marché de 7 millions d’habitants comme le Bénin, c’est bien mais un marché de plusieurs dizaines de millions de consommateurs comme l’UEMOA et la CEDEAO, c’est mieux. C’est pourquoi nous avons conçu un projet d’escorte avec un macaron à 15 000 F CFA pour faciliter la fluidité du trafic sur le corridor », martèle Ataou Soufiano, Président de la Chambre de Commerce et d’industrie du Bénin. Il nourrit beaucoup d’ambitions par rapport au corridor béninois mais dans une vision régionale. Il a ainsi un projet de renouvellement du parc de camions de la sous-région avec la CEDEAO. Une enveloppe financière sera ainsi mise à la disposition des transporteurs de l’Afrique de l’Ouest qui seraient intéressés par l’acquisition de camions neufs pour le transport de marchandises dans l’espace communautaire.

Cette intervention se fera sous forme de prêts cautionnés par les Chambres de Commerce des pays membres.
« Il nous faut régler cette question de vétusté de notre parc de camions et tendre vers des structures fortes et sous-régionales pour rendre notre secteur transport plus performant », insiste M. Soufiano.

Autre projet à caractère régional, l’interconnexion des réseaux de chemin de fer Abidjan, Ouagadougou, Tambao, Niamey et Parakou au Bénin. Des perspectives qui promettent une amélioration certaine du trafic sur ces corridors...

Abidjan, toujours leader...

Le port d’Abidjan doit son existence au canal de Vridi. Il a été inauguré le 05 février 1951 par le Président François Mitterrand, alors ministre de la France d’Outre-Mer.
En dépit de la crise politique que traverse la Côte d’Ivoire et de la baisse du trafic enregistrée en novembre 2004, le port d’Abidjan a enregistré en 2005 le meilleur trafic de l’Afrique de l’Ouest et du Centre devant Dakar et Douala. Soit 17,8 millions de tonnes contre 9,4 et 6 millions de tonnes.

Le trafic du Burkina par ce corridor ne s’est jamais arrêté malgré la crise. Il connaît même une certaine reprise avec notamment l’exportation du Coton par le train. Selon Moussa Ouédraogo, représentant du Conseil burkinabé des Chargeurs (CBC) à Abidjan, pour le premier semestre de 2006, la Société des Fibres et Textiles du Burkina (SOFITEX) a fait descendre sur Abidjan plus de 13 mille tonnes de coton soit 12 convois sur une prévision de 12 mille tonnes pour l’année entière.

En retour, souligne Moussa Ouédraogo « nous avons fait remonter sur le Burkina, plus de 16 mille tonnes de riz et 5 mille tonnes d’engrais qui étaient en souffrance au Port Autonome d’Abidjan’’.

Et precise t-il : « En tant que responsable du CBC, nous ne pouvons qu’être heureux pour ce réveil des échanges entre les deux pays, aussi bien par la route que par les rails. Aujourd’hui, des opérateurs économiques et des particuliers qui n’empruntaient plus les routes ivoiriennes sont de retour ».
En temps normal, le trafic global en transit entre les deux Etats tourne autour de 475 mille tonnes. Mais du fait de la crise, le trafic était passé à 30 mille tonnes par an.

Selon toujours le représentant du Conseil burkinabé des Chargeurs, Moussa Ouédraogo, pour l’année 2006, ce sont plus de 180 mille tonnes de marchandises qui ont été enregistrées en transit. Il espère par ailleurs faire mieux que les 400 mille tonnes au total réalisées en 2005. Il faut cependant ajouter que la reprise du commerce transfrontalier entre le Burkina et la Côte d’Ivoire est aujourd’hui possible grâce aux actions conjuguées des membres de la l’Observatoire de la fluidité des transports (OFT). La situation tendant à se normaliser, cette destination pourrait revenir au goût du jour...

Burkina Faso, une balance commerciale chroniquement déficitaire

Selon l’Office national du commerce extérieur ( ONAC), la transaction commerciale enregistrée en 2005 donne une valeur totale numéraire de 881,021 milliards de nos francs avec des recettes d’exportation s’élevant à 197, 524 milliards de F CFA et des dépenses se chiffrant à 683,497 milliards de F CFA. La balance commerciale reste donc toujours déficitaire. L’insuffisance de diversification de nos débouchés extérieurs limite toujours nos principaux clients : la France, la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Japon et les Etats-Unis.
Nos fournisseurs en matière d’importations se maintiennent malgré la concurrence du marché mondial.

Une situation qui peut également expliquer la cherté de la vie au Burkina.
« Nous rencontrons des difficultés réelles d’approvisionnement tant par les routes que par les différents ports. Nos commandes mettent deux semaines seulement pour parcourir le trajet entre l’Europe et l’Afrique.

A partir des ports de Tema ou de Lomé nos marchandises mettent en moyenne trois semaines pour nous parvenir, à Ouagadougou. Nous estimons que ce délai est long comparativement aux distances qui existent entre l’Europe et l’Afrique. Ensuite l’état des routes et des camions nous cause souvent des dégâts difficiles à rattraper surtout quand nous avons un marché à exécuter. Certes, nous essayons de compenser par la qualité du travail fait sur le terrain mais les autorités doivent faire quelque chose pour nous car quand le bâtiment va, tout va. En attendant, nous avons opté pour le système de BEL Direct pour toutes nos commandes. C’est-à-dire que tout est à la charge du fournisseur qui a obligation de nous livrer la marchandise à temps et sans avaries à Ouagadougou. Notre maison s’est fait un nom dans son domaine et nous ferons tout pour toujours satisfaire nos clients », plaide Boukaré Wangraoua, Directeur général de VMAP.

La société Megamonde, grosse importatrice de motos JC trouve aussi longs les délais entre Lomé et Ouagadougou, où transitent ses marchandises depuis la crise ivoirienne. « C’est réellement une préoccupation pour nous, plaide Nasser BASMA, car notre système d’approvisionnement en souffre. Avec Abidjan et le train, tout allait vite car dès que la marchandise prenait la route, il n’y avait pratiquement pas de temps perdu à cause des tracasseries et autres barrières de route. Nous avons malgré tout maintenu nos prix puisque nous intervenons dans un secteur sensible pour que chaque Burkinabè puisse acquérir une motocyclette surtout que nous avons contribué grandement à faire baisser les prix des engins en lançant des marques performantes qui sont à la portée de tous. Nous souhaitons donc que les difficultés sur les routes soient réglées au niveau du Togo pour que les cargaisons aillent un peu plus vite. En attendant, nous avons choisi de laisser notre transitaire gérer ces questions de transport et nous pensons que nous parvenons à satisfaire notre clientèle qui éprouve vraiment la joie de conduire sur nos engins ».

Au ministère des Transports, on est conscient des problèmes et on leur accorde toute l’attention nécessaire dans le cadre des accords régionaux et inter-Etats auxquels notre pays a souscrit.

« Depuis 1980, il existe au sein de la CEDEAO, des cadres normatifs dont deux ont trait à l’organisation du secteur transport et au transit routier. Nous sommes en concertation avec tous nos partenaires pour trouver les solutions à court, moyen et long termes pour un meilleur approvisionnement du Burkina Faso. Ceux-ci montrent une oreille attentive à nos préoccupations et je vous affirme que nous sommes sur la bonne voie », insiste, Mathieu Bouda, secrétaire général du ministère burkinabè des Transports.

Il dit nourrir aussi beaucoup d’espoir pour des projets d’avenir comme le chemin de fer avec le Ghana. « Il entre, dit-il, en droite ligne avec notre politique de diversification de nos sources d’approvisionnement ». Le projet est au stade des études de faisabilité technique et financière. L’étude d’impact sur l’environnement montre que le projet est viable.

M. Bouda annonce aussi une prochaine mesure de normalisation des véhicules importés pour éviter que notre pays devienne une poubelle. Une étude serait en cours et de nouveaux critères seront bientôt définis.

Faire autrement le commerce

Le Conseil burkinabè des chargeurs (CBC) qui a pour objet de veiller à un approvisionnement régulier du Burkina en produits, marchandises et denrées diverses, dans les meilleures conditions de coût, de célérité et de sécurité par l’assistance aux chargeurs et par la coordination de la chaîne des transports promet de jouer pleinement sa partition en protégeant bien entendu les intérêts de ses membres dans le domaine inhérent au transport des marchandises par voies maritime, fluviale, routière, ferroviaire et aérienne.

Pour le directeur général du CBC, Ali Traoré, « le CBC s’est engagé dans la recherche d’une meilleure assistance aux chargeurs. Ce qui l’a conduit à une diversification de ses activités avec la mise en place de nouvelles structures d’appui aux chargeurs qui sont l’observatoire national des transports internationaux et la Bourse national du fret. Maillon de l’observatoire régional des transports basé à Abidjan, l’observatoire national des transports internationaux a pour fonction de collecter des informations pertinentes sur l’efficacité des chaînes de transport. Quant à la Bourse nationale de fret, elle a pour finalité la rationalisation et la réduction des coûts des transports afin de mieux développer les échanges intra-communautaires ».

A cela, s’ajoute le projet de diversification des circuits d’approvisionnement du Burkina que le CBC compte mettre en œuvre bientôt grâce à son plan stratégique. « Nous voulons tendre vers un approvisionnement du pays par région. L’Ouest pourrait toujours être ravitaillé à partir de la Côte d’Ivoire. Nous prospectons le port de Dakar qui peut aussi venir en renfort à notre politique d’approvisionnement surtout qu’un port sec et des entrepôts viennent de s’ouvrir à Bamako à quelque 500 Km seulement de Bobo-Dioulasso. Nous explorons aussi le corridor nigérian pour voir quels avantages nous pouvons en tirer pour renforcer la desserte de l’Est de notre pays. Nous sommes en train de capitaliser les leçons de la crise ivoirienne pour asseoir véritablement une stratégie plus opérationnelle de notre système d’approvisionnement. Notons qu’en matière de transport international, la distance importe peu. Tout est fonction des avantages qu’on peut y avoir », nous apprend Ali Traoré, directeur général du CBC.

Mais la réalité est que les burkinabè doivent revoir leur façon de faire le commerce. Près de 60% de nos importations proviennent de pays africains, notamment de la sous-région (Ghana, Mali, Côte d’Ivoire, Nigeria, Niger et Sénégal). L’Europe (France, Danemark, Allemagne, Belgique et Italie) vient après avec environ 23% de nos importations. Le reste de nos importations proviennent de l’Asie (Taïwan, Japon, Hong Kong et Chine) (12%) et de l’Amérique (USA, Canada et Brésil) (6%). Cela peut enfin expliquer la cherté des produits au Burkina puisque l’Asie par exemple reste actuellement la destination réellement avantageuse du moment. Même les occidentaux y font leurs emplettes. Pendant ce moment, les nôtres continuent de faire leurs achats sur les marchés locaux si ce n’est par structures régionales interposées.

Certes certains opérateurs économiques burkinabè importent directement d’Asie mais leur nombre est encore si limité que l’impact sur l’économie nationale est pour l’instant faible. D’autre part, et les statistiques de l’ONAC sont formelles, la démarche individuelle qui consiste pour chacun à aller de manière isolée chercher ses marchandises n’est avantageuse pour personne et ne permet pas de bénéficier d’économies d’échelle.

La meilleure approche serait les achats groupés combinés avec une bonne utilisation des Technologies de l’information et de la communication pour tirer un meilleur parti du commerce international. C’est à ce prix mais aussi sans les tracasseries sur les corridors que notre économie souffrira moins de la sortie des devises et tendra vers un certain équilibre de sa balance commerciale. Le Trade Point du Burkina Faso mis en place par le gouvernement burkinabè depuis quelques années déjà mérite encore plus d’attention de la part de nos opérateurs économiques car il permet de faire le commerce sans même bouger de Ouagadougou. D’où une économie en frais de voyage, d’hôtels, de séjour pour commander les marchandises et au final, un gain de temps et d’argent.

Victorien Aimar SAWADOGO

Avec la collaboration de :
Zoumana TRAORE
Yalgado Hubert SAVADOGO

Sidwaya

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