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Burkina : L’insécurité, l’instabilité politique et la crise en Ukraine, le trio qui handicape les PME

Publié le dimanche 19 février 2023 à 22h18min

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Burkina : L’insécurité, l’instabilité politique et la crise en Ukraine, le trio qui handicape les PME

Crises, qu’elles soient exogènes ou endogènes, et entreprises ne semblent pas faire bon ménage. Dans un contexte caractérisé donc par le Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne au niveau international et le phénomène terroriste sur le plan national, cette étude de ce groupe d’enseignants-chercheurs burkinabè et d’autres nationalités sur l’« impact des crises sur les petites et moyennes entreprises au Burkina Faso » trouve toute sa pertinence. Débutée en 2020 et déroulée en deux phases, l’étude a restitué ses résultats le samedi 11 février 2023 à Ouagadougou, au cours d’un atelier de dissémination qui a mobilisé des puristes du monde de la recherche. On retient de cette étude que l’insécurité, l’instabilité politique et la crise en Ukraine sont, et par ordre d’importance, le trio qui a le plus impacté les Petites et moyenne Entreprises (PME).

L’étude a été menée par un groupe d’enseignants-chercheurs issus de plusieurs horizons : Dr Aristide S. Ouédraogo de l’université de Ouahigouya ; Dr Soumaila Gansonré du Centre universitaire de Ziniaré de l’université Joseph-Ki-Zerbo ; Joshua Deutschmann de l’université de Chicago et Louise Guillouët, économiste à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). L’atelier de restitution a été parrainé par le directeur général de l’Agence de financement et de promotion des Petites et moyennes entreprises (AFP-PME), Mandiali Lompo.

Le monde a été profondément touché par la pandémie du coronavirus. Son impact économique est aussi important que celui sanitaire ; si fait que les gouvernements, à travers le monde, ont pris des mesures pour soutenir les entreprises, notamment les PME, qui disposent de peu de ressources pour faire face aux conséquences de la crise.

Le Burkina, lui, était déjà sujet à la recrudescence des conflits violents liés au terrorisme ; chose qui le prédisposait à subir des conséquences plus graves au regard de la fragilité du gouvernement. En dépit de ce contexte particulier, le gouvernement a pris des mesures pour venir en aide aux entreprises pour faire face à cette pandémie.

Dr Aristide Ouédraogo...

Dans leur démarche de scruter l’« impact des crises sur les petites et moyennes entreprises au Burkina Faso », ces chercheurs ont misé sur un échantillon de 800 entreprises basées dans les villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso (ces deux pôles regorgeant plus de 85% des entreprises officiellement enregistrées) qui avaient déjà fait l’objet d’une étude par eux-mêmes courant 2018.

« Compte tenu des mesures de restriction sanitaire, l’enquête devait se faire au téléphone. L’accent est mis sur les entreprises ayant des contacts téléphoniques dans la base (environ 600). La première phase de l’enquête s’est déroulée dans le courant du dernier semestre de l’année 2021. Environ 500 entreprises ont pu être enquêtées (le reste n’a pas pu être joint) », renseigne le rapport de l’étude.

La deuxième phase de l’enquête s’est, elle, déroulée dans le courant du dernier semestre de l’année 2022. En raison de la non-application des mesures barrières, cette phase s’est déroulée sur le terrain à Ouagadougou, mais toujours au téléphone pour les entreprises de Bobo. Nous avons pu enquêter 400 entreprises. On note un nombre important de refus pour diverses raisons », détaille Dr Aristide S. Ouédraogo, présentant le rapport de l’étude. Ce refus est dû au fait que les intéressés estiment que cela fait longtemps qu’on les enquête, mais qu’ils ne voient rien de concret ; à des problèmes de disponibilité et surtout aux incertitudes autour de la mise en œuvre du Fonds de relance économique (FRE) post-Covid qui était aussi un sujet qui intéresse les chercheurs. Les responsables de ces entreprises craignent, en outre, des escroqueries.

...et Dr Soumaïla Gansonré, deux des auteurs de l’étude

La répartition des entreprises par secteur d’activité affiche 17.5% dans les services, 14.5% sont dans la vente en gros ou en détail et 11% sont dans le BTP (Bâtiment et travaux publics). Aussi, 27.7% sont des SARL (Sociétés à responsabilité limitée) et 23% sont des entreprises individuelles. Ce qui montre que l’étude touche un large éventail de la typologie des PME burkinabè. « 91% des entreprises sont possédées par des hommes. Et à peine la moitié des propriétaires d’entreprise ont un niveau d’éducation secondaire. L’âge moyen des entreprises est de 12 ans et demi. Parmi les entreprises que nous avons pu contacter, 3,4% ont déclaré avoir fermé entre 2018 et 2020 ; 4% ont déclaré avoir fermé entre la derrière enquête (dernier semestre 2021) et décembre 2022. Il y a également un grand nombre d’entreprises qui n’a pas pu être contacté (numéro indisponible ou le numéro de votre correspondant ...) », présente l’étude.

Les résultats de l’étude montrent que les ventes ont baissé en moyenne de 17,1% par rapport à la situation d’avant Covid-19, les emplois ont baissé en moyenne de 13,2% et les coûts totaux en moyenne de 3% par rapport à la situation d’avant Covid. Quant aux profits, ils ont connu une baisse moyenne de 12%.

La pandémie a essentiellement affecté les ventes, les profits et les emplois. D’une manière générale, les entreprises les plus anciennes dominent en matière de ventes, d’emplois, de profits et de coûts. Cette domination est observée au niveau des entreprises les mieux gérées, celles dirigées par des personnes ayant atteint au moins le niveau collège, et les plus grandes. Cependant, aucune catégorie d’entreprise ne semble réagir mieux à la pandémie que d’autres. Il en est de même pour la tendance post-Covid-19.

Les participants à l’atelier sont constitués également de chercheurs et spécialistes

« Il est possible que l’impact soit plus profond qu’on ne le perçoive. En témoigne la relative amélioration constatée entre les périodes Covid et post-Covid. Il est aussi possible que d’autres aient persisté ou pris le relais. En effet, il y a la détérioration continue de la situation sécuritaire, les coups d’Etat, les crises internationales et les sanctions prises par certaines institutions communautaires. Il est difficile, en l’état actuel des choses, de pouvoir dissocier la part de chaque crise. Nous pouvons tout de même apprécier le point de vue des entreprises », soutiennent les chercheurs.

Au terme, les résultats préliminaires de l’étude de l’impact des crises sur les PME au Burkina montrent que le taux de mortalité des PME est très élevé (≈4%) ; les ventes, les emplois et les profits ont tous été négativement affectés par la crise (au moins une baisse de 12%) ; l’impact semble varier selon l’âge, le niveau d’éducation du propriétaire, la taille et la qualité du management de l’entreprise.

Les résultats préliminaires mettent également en exergue le fait que les entreprises semblent avoir suivi les mesures-barrières imposées pour limiter la propagation de la Covid-19 (utilisation des désinfectants et port du masque, mais la tendance n’a pas été maintenue ; la majorité ayant abandonné l’application de ces mesures).

Le parrain, Mandiali Lompo, a félicité la pertinence du sujet de l’étude

La tendance à la baisse des performances des PME s’explique par le fait que les autres crises ont donc pris le relais. Et à cet effet, les entreprises citent l’insécurité comme la crise qui les affecte le plus. S’en suivent l’instabilité politique (coups d’Etat) et la crise liée à la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Cela rend complexes les mécanismes d’intervention au profit des entreprises.

Toutefois, indiquent les chercheurs, ces résultats suggèrent des politiques d’intervention qui touchent les entreprises dans leur globalité (comme un Fonds de relance économique post-Covid). C’est vrai qu’elles n’ont pas les mêmes besoins ni le même degré d’intensité de soutien, mais il est nécessaire de toucher les entreprises dans leur globalité, relativisent-ils.

Comme toute étude, les auteurs ont soulevé des limites pouvant biaiser les résultats : le taux d’attrition est élevé et la dissociation des effets attribuables à chaque crise étant un véritable défi.

O.L
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 19 février 2023 à 20:37, par Bebeto En réponse à : Burkina : L’insécurité, l’instabilité politique et la crise en Ukraine, le trio qui handicape les PME

    Vraiment
    A t-on besoin de faire des études pour se rendre compte que nos PME sont impactées négativement par les effets de la COVID 19 et l’opération Spéciale de la Russie en Ukraine ?
    A la fin, l’étude conclut que l’État doit mettre en place un fond d’intervention pour soutenir les PME. A t- on besoin de faire une étude pour que l’Etat sache cela ?
    Les Burkinabè attendent mieux de nos valeureux économistes.
    J’espère que cette étude n’a pas été financée par des fonds publics.

    • Le 24 février 2023 à 12:48, par soumaila gansonre En réponse à : Burkina : L’insécurité, l’instabilité politique et la crise en Ukraine, le trio qui handicape les PME

      Bonjour Bebeto.
      Merci pour vos remarques. C’est juste apporter quelques éclaircissements.
      D’abord, ceci est un reportage de presse qui a été adapté à une audiance plus large. Ainsi, les aspects techniques n’ont pas été mis en évidence.
      Ensuite, le rôle du chercheur, c’est souvent de quantifier l’impact. Par exemple, nous savons tous que des entreprises font faillite. Notre apport consiste à montrer combien font faillite par rapport à l’ensemble et comment ce taux de mortalité évolue dans le temps. Vous pouvez voir ces résultats dans le reportage.
      En outre, c’est presque trivial de penser que les entreprises ont été négativement affectées par les crises. Ce que nous ne savons pas c’est l’ampleur de l’impact. Et c’est ce que nous apportons comme information.
      Enfin, nous n’affirmons pas gratuitement qu’il faut créer un fonds de soutien. Cela découle des chiffres. Toutefois, il ne s’agit pas de mettre en place un fonds pour le plaisir des entreprises. Pour que cela réussisse, il faut que le décideur prenne soin d’évaluer correctement les besoins par catégorie d’entreprise.

      Merci encore et,
      Ravi d’échanger davantage

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