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Burkina : Dissolution de la Caisse des dépôts et consignations, une mesure qui profite aux banques privées

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Publié le vendredi 23 décembre 2022 à 19h51min

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Burkina : Dissolution de la Caisse des dépôts et consignations, une mesure qui profite aux banques privées

Le conseil des ministres du 16 décembre 2022 a adopté un rapport qui entérine une décision prise par le gouvernement d’Albert Ouédraogo le 17 août 2022 : celle de mettre fin à l’existence de la Caisse des dépôts et consignations. Pourquoi le gouvernement du MPSR1 et celui du MPSR2 dirigé par le Premier ministre Me Apollinaire Kyelem de Tambèla sont-ils sur la même longueur d’onde quand il s’agit de protéger des intérêts privés ?

Ces deux gouvernements peuvent avoir des griefs contre la Caisse des dépôts et consignations, mais fallait-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? Est-ce une priorité pour un gouvernement de transition d’arrêter un processus qui participe des solutions à la crise actuelle qui est, comme l’a dit le chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, liée aussi au développement inégal des régions et des territoires ? Comment appelle-t-on la CDC ? La banque des collectivités et des territoires. Pourquoi vouloir recommencer à zéro en balayant tout ce qui avait été fait comme si l’idée même de l’existence de cette institution ne plaisait pas, devrait être retardée, enlevée de toutes les têtes ?

Le Burkina Faso est un pays qui se bat contre lui-même. Quand il fait un pas en avant, lors d’un coup d’Etat, certaines personnes lui font faire deux pas en arrière pour être sûres qu’il ne soit pas stationnaire, mais recule, régresse. C’est le cas avec cette dissolution de la Caisse des dépôts et consignations(CDC) où les lobbies des banques privées et certaines personnes dans l’administration se sont coalisés pour casser une loi votée par l’Assemblée nationale qui crée une institution qui, si elle survit, va leur retirer l’oseille facile de la retraite des salariés du public et du privé.

L’idée de la Caisse des dépôts et consignations au Burkina ne date pas d’aujourd’hui. Il semble que l’intendant militaire Marc Garango en avait créé une qui a vécu quelques temps et sous la révolution elle aurait été reprise sous un autre nom, puis liquidée sous la vague des privatisations du FMI et de la Banque mondiale avec les plans d’ajustement structurel.

Ces deux institutions ultra libérales qui ont vendu à nos Etats que l’Etat ne doit ni faire de la banque pour ses collectivités ou avoir des sociétés ne croient plus à ses recettes et beaucoup d’Etats africains en sont revenus à l’idée qu’au lieu que l’Etat laisse aux banques les cotisations pour les retraites des travailleurs, qu’il pouvait récupérer cet argent pour financer certains de ses propres projets. En arriver là n’a pas été facile, mais les choses s’étaient mises en place progressivement sous le mandat du président Roch Marc Christian Kaboré par la loi N°023-2017/AN du 9 mai 2017, portant création d’un établissement public à statut spécial dénommé Caisse des dépôts et consignations du Burkina Faso.

MPSR1 et MPSR2 même combat contre la CDC

Le porte-parole du gouvernement du MPSR1, Lionel Bilgo, en juillet 2021 reprochait, entre autres griefs à la CDC, l’absence d’une commission de surveillance conforme à la loi, ce qui n’est pas exact puisque le Premier ministre Christophe Dabiré avait installé le 5 juillet 2019, les 11 membres de cette commission de surveillance « composés de 5 députés au titre de l’Assemblée nationale dont 3 de la majorité et 2 de l’opposition, 3 membres au titre du ministère de l’Economie, des finances et du développement, 1 représentant de la Cour des comptes et 2 experts reconnus pour leurs compétences et désignés, l’un par le président du Faso et l’autre par le président de l’Assemblée nationale ». C’était le député Bindi Ouoba qui avait été choisi par les membres de la commission pour la diriger.

Ces erreurs factuelles dans l’argumentaire de justification de cette décision de supprimer la Caisse des dépôts montre la précipitation et la faiblesse théorique justifiant cette mesure. Il y a de fortes chances que cette commission qui serait en charge d’étudier la création d’une nouvelle caisse des dépôts conclue à son inutilité. Si le gouvernement en voulait, il ne supprimerait pas l’institution mais amenderait les acteurs malveillants ou les procédures fautives.

Comment comprendre que dans un Etat digne de ce nom, les représentants du peuple prennent une décision et des responsables de structures du même Etat fassent la rébellion et freinent la roue pour que la CDC ne soit pas mise en place. Entre la CARFO, la CNSS et la Poste, qui refuseraient de faire des dépôts à la CDC, le gouvernement ne peut pas les mettre d’accord pour que celle-ci se mette en place ? Il faudrait croire qu’il y a des hommes plus forts que le gouvernement qui a la possibilité de les démettre. Ou alors le gouvernement refuse de se donner les moyens d’une politique de construction du pays.

Ces fonds de retraite vont rester dans les caisses des banques privées et enrichissent quelques-uns, au lieu de faire des routes au Sahel et à l’Est, d’y construire des écoles et des dispensaires. Et ces mêmes banques viendront le proposer à l’Etat quand il fera des emprunts et il les rémunèrera sur l’argent public. En refusant de préserver la CDC, les deux gouvernements du MPSR1 et 2 ont choisi les intérêts privés, ils ont défendu les intérêts des groupes bancaires comme la BCB, Coris Bank, etc.

Notre malheur vient souvent de nous-mêmes. Il provient de notre ignorance et de la cupidité de certains. Parfois par les décisions que nous prenons nous mettons notre pays en retard. Et ces choix non mûris pas suffisamment étudiés nous emmènent en arrière. Le gouvernement MPP a fait beaucoup d’erreurs sûrement, mais la création d’un secteur financier public avec la Caisse des dépôts et consignations allait dans le bon sens.

Sana Guy
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