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Incivisme et laïcité : Seni Sana répond à Junwel Coulibaly

8 décembre 2016, 22:03, par Junwel Coulibaly

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Monsieur SANA, à l’occasion de votre « discours de clôture » qui semble vouloir fermer le forum, et parce que je suis un ruminant qui ai pris le temps de m’instruire du contenu du forum, et d’y répondre quand on m’y a posé des questions, je reprends quelques-unes (14) de vos phrases qui m’ont interpellé lors d’une relecture, pour les commenter. Et comme ça fait un message trop long, je vais le répartir sur le double envoi que vous avez fait (ça tombe bien !)

1. « Comment quelqu’un qui combat l’anti-laïcité peut-il s’arroser le droit d’être anti-laïque, antimusulman ? »

Sans vouloir vous offenser, vous commencez très fort, Mr SANA, ou NANA, par une erreur typographique dans votre nom ; puis une de type lapsus, dans le premier paragraphe, avec le verbe « s’arroser ».
Pour votre gouverne, on s’arroge un droit, et on s’arrose en se pissant dessus, et c’est ce que vous faites en suggérant « d’entrée de jeu » que les termes “anti-laïque” et “antimusulman” sont équivalents, de quoi il faudrait déduire qu’un antimusulman est incivique (c’est tordu mais défendable), et que par antonymie tout musulman est laïc, (et aussi civique en toute circonstance ce que les dérives que vous reconnaissez plus loin dans votre réflexion dénoncent). C’est aussi une preuve s’il en fallait que vous n’entendez rien à la laïcité, principe qui visiblement vous dérange autant que vos frères du forum, principe avec lequel vous jonglez dans la plus grande confusion. Aussi celui qui sait lire entreprend votre papier avec beaucoup de circonspection.

2. « N’est-ce pas avec la bénédiction de la laïcité que chaque religieux est libre de pratiquer sa religion ? »

En effet la laïcité (qui est un principe) garantit la liberté de religion, dans des limites inscrites dans une loi dite « des libertés religieuses », notamment sous condition de ne pas troubler l’ordre public. Durée vos études, y compris cinq années d’études universitaires, vous avez dû approcher la notion de liberté pour savoir qu’elle ne signifie pas « faire ce qu’on veut, quand on veut et où l’on veut ». La liberté s’arrête où commence celle des autres. D’où les règlements issus du principe de laïcité.

3. « À moins que votre laïcité n’interdise l’existence de toute autre chose, la disparition du religieux et de la religiosité. »

Ce « genre » de laïcité n’en est pas une, ou de fait elle est un système totalitaire. Mais si une seule religion subsistait après avoir contrôlé, et détruit les autres confessions dans sa grande mansuétude, relativement on pourrait considérer que s’il n’y a plus d’autre religion possible que celle qui s’est imposée, il n’y plus de religion, car plus de choix, ni la possibilité de ne pas avoir de religion. Nous serions dans une dictature, comme en Iran, en Syrie, ou encore en Turquie qui semble en emprunter la voie.

4. « ils (les musulmans) ont participé à élire un président catholique à la tête de leur pays »

Ce propos est anti-laïque au-delà de tout ce qui est imaginable ! Dans un pays laïc, on élit un président de la république, point. Et s’il advient que ce président met en avant sa religion et l’intègre, l’impose à l’État, ce pays perd sa qualité de laïcité. Ce n’est pas le cas du Faso, malgré l’héritage néocolonial de culture judéo-chrétien. Il y a de nombreuses façons de définir la laïcité, celle du philosophe Henri Péna-Ruiz semble suffisamment abordable pour des esprits qui tiennent absolument à réduire la laïcité à la liberté de culte : « La laïcité consiste à affranchir l’ensemble de la sphère publique de toute emprise exercée au nom d’une religion ou d’une idéologie particulière » Affranchir, libérer la sphère publique de toute influence religieuse ou idéologique. C’est-à-dire encadrer, et non pas accorder aux religions une liberté totale de se manifester selon leurs règles.

5. « D’abord sachez qu’il n’existe pas de musulman de vendredi. »

Ce sont pourtant des musulmans qui me l’ont affirmé (en utilisant l’expression faux-musulmans), et dans le quartier où je réside, on se connait, et je les vois ceux qui ne vont à la mosquée que le vendredi pour se montrer, ou quelques semaines avant un mariage pour être reconnu de l’imam afin qu’il accepte de faire la célébration ! Mais s’il vous plait Monsieur SANA parlez pour vous et vos frères sunnites wahhabites qui, en effet sont des musulmans de toujours, et non d’un jour, cessez de vous faire passer pour un représentant de toutes les communautés musulmanes, si nombreuses et variées, qui pratiquent le plus souvent un syncrétisme que vous exécrez dans votre grande mansuétude et immense tolérance,

6. « Les musulmans sont les plus nombreux au Burkina, c’est un fait et non une propagande. »

Ce qui incontestable, c’est que sur les deux tiers de l’étendue du territoire, là où l’islam est bien implanté, tous les enfants reçoivent à la naissance un prénom musulman, quelle que soit la religion des parents. Dit autrement, les prénoms musulmans sont les plus nombreux au Burkina, mais ce n’est pas le prénom qui fait le croyant, prétendre le contraire serait de la propagande !

7. « Monsieur COULIBALY, vous semblez dire que les limites de la liberté religieuse est la laïcité. Non monsieur, les limites de toutes les libertés qu’elles soient religieuses ou non sont la loi. La laïcité est un principe et non une règlementation. »

Tout-à-fait, mais sans principes, pas de lois. Du principe de la laïcité découle des lois, dites de libertés religieuses, qui réglementent ces libertés, pour éviter toutes dérives.

(La suite quelques posts plus bas, là où celui de votre frère Séni NANA revient en doublon)