:: Quelle éducation pour le Burkina Faso aujourd’hui et demain ?

L’école burkinabè d’aujourd’hui prépare le Burkina Faso de demain. Sa qualité déterminera la valeur des hommes et des femmes qui serviront le pays demain. La problématique de l’éducation est objet de ce partage. L’éducation informelle - familiale, coutumière et religieuse - tend à être remplacée par l’éducation formelle. Beaucoup de parents délèguent leurs rôles aux enseignants qui tentent de manager la diversité dans les classes. D’où le défi lancé à l’école de façonner l’apprenant, bâtisseur de demain.

L’éducation formelle, une question nationale

Au Burkina Faso, la fonction sociale de l’école semble être réduite à l’éducation de base qui mobilise plus d’attention et de ressources tandis que les enseignements secondaire et supérieur qui sont censés former entre autre les enseignants, les encadreurs et les gestionnaires du système éducatif sont relégués au second plan. Les finalités de l’Ecole, qu’elle soit préscolaire, primaire, secondaire ou supérieure, sont la transmission d’une culture, la transmission de vertus et de valeurs à l’individu pour ne citer que ces exemples. Elle a aussi pour but la formation et l’insertion socio-professionnelle harmonieuse de l’Homme dans son milieu de vie. Nous avons malheureusement assisté à une perte quasiment généralisée des valeurs cardinales du Burkindi telles que les valeurs de citoyenneté, de civisme, d’intégrité, de solidarité ces dernières décennies, surtout dans les écoles.

L’insuffisance de repères pour la jeunesse, la médiatisation à outrance de valeurs étrangères, la corruption, l’enrichissement illicite, la crise de l’autorité parentale et étatique en ont été les facteurs favorisants. Les réformes successives de l’éducation n’ont pas assez pris en compte ces facteurs endogènes et exogènes à l’école burkinabè. D’une réforme du système éducatif à une autre, aucune politique éducative n’a su véritablement faire de l’école burkinabè une école qui prépare l’enfant à ses devoirs mais plutôt qui lui donne tous les droits, même de serrer les colles de son enseignant sans être inquiété. Les expérimentations d’innovations se sont aussi succédé sans une politique d’anticipation et d’évaluation d’efficacité.

Le fossé entre les villes et les campagnes se sont creusés produisant plusieurs types d’apprenants : des apprenants qui ne disposent pas du minimum pour apprendre, des apprenants surdoués qui sautent des classes et des apprenants qui ont tout et ne se sentent pas obligés de rester sur des bancs d’écoles, leur avenir étant garantie. L’école burkinabè ne parvient plus à endiguer les inégalités sociales qui brident notre jeunesse et obstruent son horizon. L’enseignement supérieur est un exemple patent de ces inégalités qu’il faut contenir. Le système LMD instauré dans les universités manque de ressources humaines, infrastructurelles et matérielles pour se concrétiser. Il en est de même du continuum éducatif dans l’enseignement de base.

L’éducation à la citoyenneté

La problématique de l’éducation est aussi en lien avec la citoyenneté sève de l’édification de nos sociétés. L’éducation s’appuie sur le passé, se construit au présent et façonne le future que nous ambitionnons. La citoyenneté et ses principes d’égalité devant la loi, de liberté individuelle et collective sont à reconstruire et c’est la bonne éducation qui en donnera toute la valeur. Aujourd’hui nous brandissons fièrement notre citoyenneté en tant que burkinabè, révolutionnaires ou non et exigeons des droits civiques et politiques, ce qui est légitime. Mais nous devons cependant percevoir notre citoyenneté comme un défi avec des exigences, notamment une bonne conscience. Une conscience qui fait notre qualité et nous permet de nous accommoder de peu de choses pour faire de grandes réalisations.

Comme l’a relevé le Président Thomas Sankara au cours de son appel de Gaoua le 17 octobre 1986, « L’homme est la machine la plus complexe la plus performante du monde, qui dispose d’un centre pluridimensionnel autonome et personnel de commandement, de conception, de stimulation et de régulation qui s’appelle la conscience. L’homme, c’est aussi le génie le plus apte à l’organisation. C’est pourquoi, malgré des moyens pédagogiques insignifiants et une définition non achevée du type d’école, la qualité des hommes, conséquence de leur degré de conscience, peut être un palliatif autorisant des résultats forts brillants. A l’inverse, abondance de moyens et affinement de la théorie éducative sans cependant des hommes consciencieux ne sont que ruine de la société ».

Les burkinabè d’aujourd’hui et de demain se doivent d’être des citoyens consciencieux ayant une bonne compréhension de leurs devoirs civiques dont le respect d’autrui, le respect de l’environnement et l’intégrité. Cette intégrité doit être d’abord interne à chaque individu et s’extérioriser par le comportement. La dignité dans la pauvreté, l’éthique, le respect de la parole donnée, le sens de l’honneur en sont des expressions. Nous devons donc suffisamment nous auto-éduquer, éduquer autrui à l’exemple et combattre la chose la mieux partagée dans les rues de nos villes : l’incivisme.

L’éducation avec nos langues nationales

L’Homme détient sa valeur de son éducation holistique, une éducation à la fois informelle et formelle qui puise son essence de la tradition et la culture, une tradition et une culture véhiculées par nos langues nationales qui méritent d’être enseignées dans nos écoles pour leurs richesses. Dès 1986, le Secrétaire Général la CONFEMEN d’alors, Monsieur Souleymane DIOP, disait ceci à propos de la promotion et l’intégration des langues nationales dans les systèmes éducatifs : « la promotion des langues n’est pas un enjeu théorique. Elle s’inscrit dans le cadre concret du développement des peuples et de leur combat pour la reconnaissance de leur identité ». L’introduction des langues nationales dans le système éducatif burkinabè en partenariat avec le français et l’anglais a cependant connu le rejet de l’élite burkinabè.

Comme l’a relevé NAPON, A. (2001), « … l’Etat burkinabè lui même a peur de ses langues nationales ». L’éducation à l’amour de nos langues nationales et l’enseignement de ces langues sont pourtant le fondement d’une participation véritable au processus démocratique et à la vie socio-économique dans notre pays. Pour permettre à nos vaillants paysans de faire des choix politiques judicieux, il serait souhaitable de leur porter les informations écrites en langues nationales, d’autant plus que beaucoup entre eux sont alphabétisés dans leurs langues maternelles. Des études ont aussi prouvé que les apprenants apprennent mieux à partir de leurs langues nationales (KI-ZERBO, J. 1996 ; NIKIEMA, N. 2003 ; NAPON, A. 2004 ; GUISSOU B. 2007 ; CONGO, A.C 2007). Une politique linguistique est donc à envisager de notre point de vue pour l’éducation des enfants et des populations burkinabè. Il faudra pour cela du courage politique, de l’engagement et de la persévérance.

Refonder l’école burkinabè

L’éducation de qualité est un défi à relever au Burkina Faso. L’échec scolaire, le décrochage scolaire, la marginalisation des enfants vivant avec des handicaps ou des déficiences ne sont pas des fatalités. Nous en connaissons les facteurs favorisants. Elles sont diverses et variées mais pas insurmontables. Du parent à l’autorité éducative en passant par l’enfant, l’enseignant, l’institution scolaire, l’institution universitaire et les directeurs, les encadreurs pédagogiques, les responsabilités sont partagées.

L’inadéquation formation/emploi, cet autre cause du chômage des jeunes diplômés est à examiner avec beaucoup d’attention. Instaurer un dialogue politique en éducation et fonder un nouveau contrat social pour l’éducation mettrait chaque partie prenante devant ses responsabilités. La qualité des contenus à transmettre, la qualité de la manière de les transmettre, la qualité des moyens humains et matériels à investir sont tous des éléments qui participent de la qualité globale de l’éducation. Les enjeux se situent donc autour de l’impérieuse nécessité de refonder l’éducation nationale dans une claire vision de nos ambitions pour notre Patrie. Cela appelle la prise de décision dans une démarche dialectique et inclusive.
L’éducation est une œuvre de longue haleine qui part de la cellule familiale pour atteindre la sphère sociétale. L’Etat, garant régalien de l’éducation a un rôle capital à jouer. La réussite d’une éducation nationale exige cependant la contribution de chacun et de tous. L’école d’aujourd’hui, c’est le Burkina Faso de demain. Construisons-la dans un sursaut de solidarité.

Aoua Carole BAMBARA CONGO
INSS/CNRST
insscarole@gmail.com

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