:: Analyse du niveau de la transition agroécologique du maraichage au Burkina (...)

Introduction

La situation des terres dégradées en Afrique subsaharienne est peu reluisante (GTD, 2013). Des experts prédisent une croissance des terres arides et semi-arides de 30% entre 2000 et 2020 et une survenue d’aléas climatiques et environnementaux plus intenses (GTD, 2013). De ce fait, des conséquences telles que la migration des populations vers les zones humides, les conflits entre éleveurs et agriculteurs ainsi que la famine et la précarité pourrait y découler (I.Butare., J.S Zoundi., A.Diallo., 2004).

Pour faciliter la production agricole dans le contexte d’aléas climatiques, les autorités publiques du Burkina Faso ont mis en œuvre le plan national d’adaptation aux changements climatiques (PNA, 2015). A travers ce programme, il s’agit de soutenir les producteurs agricoles burkinabè à travers la vulgarisation de pratiques agricoles durables, par l’utilisation d’amendements organiques, le reboisement, l’utilisation de techniques de conservation des eaux et des sols, etc. (MARH, 2015). Dès lors, une orientation durable des pratiques agricole se pose au maraîchage qui occupe une place de choix dans l’alimentation des grandes villes du Burkina et participe à l’amélioration des conditions socioéconomiques des ménages en milieu rural (S. Bognini, 2012).

En effet, pour une transition agroécologique réussie dans le secteur agricole, les ressources de la filière doivent mettre en place les conditions favorables au développement territorial de l’agroécologie qui reste encore négligeable dans le domaine du maraîchage au Burkina Faso (GTD, 2013). Il est donc nécessaire d’identifier les principales contraintes à la mise en œuvre d’une véritable transition agroécologique dans le domaine du maraîchage au Burkina Faso. C’est en cela que nous nous posons la question globale suivante : Quelles sont les principales contraintes au développement d’une transition agroécologique dans le domaine du maraîchage au Burkina Faso ?

Il s’agit à travers cette recherche de faire une analyse de l’influence des facteurs explicatifs du niveau actuel de transition agroécologique dans le domaine du maraîchage au Burkina Faso (Ouédraogo.F, 2020). La recherche aborde la question des obstacles liés à la transition agroécologique et nous fournira des données pour une analyse et une meilleure prise en compte du maraîchage dans la politique nationale de développement durable au Burkina Faso.

Approche méthodologique

Dans le cadre de cette étude nous avons adopté une méthode mixte, combinant méthode qualitative et quantitative. Notre démarche est de type hypothético-déductif. Un questionnaire a été adressée à 96 producteurs des neufs principaux sites de la province du Houet. Il aborde la question des pratiques maraîchères durables et les contraintes liées à la transition agroécologiques dans le domaine du maraîchage. Des entretiens semi-directifs ont complété les données auprès de personnes ressources au Burkina et en Belgique.

Le logiciel SPSS a été utilisé pour le traitement statistique de type descriptif (effectifs, tableaux croisés) des données d’enquête par questionnaire. Les entretiens semi-directifs ont fait l’objet d’analyse de contenu.

Résultats et discussions

Cette partie empirique de l’étude tente de montrer en quoi les ressources en amont et en aval des agrosystèmes maraîchers influencent le niveau de la transition agroécologique dans le maraîchage burkinabé.

La transition agroécologique au Burkina Faso

La transition agroécologique dans le maraîchage s’apprécie en considération du nombre de producteurs maraîchers agroécologiques respectant l’essentiel des principes de la production agroécologique. M.A. Altieri (1995) souligne dans le cadre de ces principes que l’utilisation amendements organiques permet de conserver la fertilité des sols. L’usage des biopesticides, la pratique de la rotation de cultures, l’association permettent aussi de bénéficier de la différence d’enracinement des plantes et d’une meilleure utilisation de l’énergie solaire lorsqu’elles sont mises en œuvre sur une même exploitation (GTD, 2013).

Selon les données collectés, 91,6% des producteurs maraîchers utilisent des amendements organiques (déjections d’animaux, les ordures ménagères, paille, etc.) mais l’usage des biopesticides reste encore très faible dans la province du Houet. Seulement 1,4% des producteurs maraîchers affirment utiliser des biopesticides tout en indiquant les difficultés à trouver le nécessaire à sa production. 45,3% des maraîchers du Houet s’adonnent à la rotation des cultures dans leurs exploitations.

La pratique de l’association ; elle est l’expérience agroécologique la plus répandue et est mise en œuvre par 60% des producteurs maraîchers interviewés. Par ailleurs, 99 % des 96 producteurs interviewés utilisent de l’engrais chimique et 98% utilisent des pesticides chimiques. Cela montre la faiblesse du niveau de la transition agroécologique dans le domaine du maraîchage dans la province du Houet.

Néanmoins, au-delà de la réalité ci-dessus évoquée, il existe des initiatives individuelles de production agroécologique de la part d’un nombre infime de maraîchers. il convient de procéder à une analyse de facteurs structurels à même d’expliquer en partie cette situation.
L’influence de la structure organisationnelle des maraîchers sur la transition agroécologique.

Dans le Houet, la proportion de producteurs membres d’une organisation structurée est de 53%. Cependant, les savoirs agroécologiques partagés au sein de ces structures, ne permet pas de toucher la majeure partie des producteurs. Dans la région des Hauts-Bassins, le niveau de formation des maraîchers aux techniques de production durables est encore faible. Seuls 26% et 33% des producteurs interviewés ont été formés respectivement aux techniques de production de compost et de fertilisation.

Pour M. Fares (2012), à côté de la formation, les relations contractuelles entre les principaux acteurs sont des déterminants importants dans la structure organisationnelle d’une filière agricole. Les données relatives à la production et la commercialisation de la filière révèlent une quasi-inexistence de contrats écrits entre les acteurs. Le mode de contrat le plus répandu est le contrat verbal. Le manque de relations contractuelles entre producteurs, distributeurs et commerçants locaux est révélateur de la faiblesse de la structure organisationnelle de la filière maraîchère et est défavorable au développement d’une transition agroécologique dans le Houet (Ouédraogo.F, 2020).

L’influence du soutien étatique

Le suivi des activités agricoles par les techniciens de l’agriculture (contrôle des activités de production et vulgarisation des expériences agricoles) est important pour une transition agroécologique (MAAH, 2017). Cependant, les techniciens n’ont dans leur objectifs assignés la promotion ou la vulgarisation de pratiques agroécologiques. Une telle réalité marque l’absence d’une vision politique claire sur l’agroécologie. Toutefois des initiatives de subventions à l’achat des amendements organiques initiées par l’action publique en 2017 sont présentées par les autorités publiques comme un début.

Selon les personnes interviewées, le soutien étatique, des associations et ONG en matière de financement est faible mais est une réalité. Par ailleurs, la banque agricole a vu le jour au Burkina Faso en 2019 afin de faciliter l’accès aux ressources financières par les producteurs et favoriser l’émergence d’une agriculture commerciale.

L’inexistence d’un marché spécifique de produits agroécologiques

Pour une réelle transition agroécologique, l’existence d’un marché spécifique en aval de la filière maraîchère est indispensable, voire primordiale. Cependant, nos données révèlent qu’il n’y aurait presque pas de revendeurs ou de grossistes spécialisés dans la vente de produits agroécologiques dans la région des Hauts-Bassins. Seul 9,6% des producteurs interviewés ont affirmé avoir déjà reçu de la part de revendeurs, des demandes en produits agroécologiques.

Cela s’explique par le fait que la majorité des consommateurs ne font pas de différence sur la nature des produits qu’ils achètent sur le marché. A.Van Caloen et T. Dagneau de Richecour (2015) révèlent que l’état de développement encore embryonnaire du maraîchage agroécologique serait dû à la faible demande en produits agroécologiques par les consommateurs. Cette situation s’expliquerait par le manque d’informations sur les avantages nutritionnels, sanitaires et environnementaux liés à la consommation de produits agroécologiques.

Cependant, quelques initiatives de production et de commercialisation de produits agroécologiques existent (Conseil National de l’Agriculture Biologique au Burkina Faso (CENABIO), et concernent une clientèle spécifique composée de la classe aisée et des expatriés (FAO, 2008). Cette configuration du marché des produits agroécologique de la province du Houet confirme une dimension de notre hypothèse, évoquant le manque de ressources en aval nécessaires pour l’amorce d’une véritable transition agroécologique.

Bases pour une transition agroécologique réussie

Dans une perspective de développement durable il est indispensable de protéger l’environnement, les consommateurs, les producteurs et les autres composantes de la nature. Pour cela, la mise en œuvre d’une dune transition agroécologique basée sur une approche socioterritoriale est nécessaire M. Piraux et al. (2010).

La transition agroécologique comme une innovation socioterritoriale

Un projet de transition agroécologique doit être un processus localisé, permettant aux potentialités, savoirs et capacités des acteurs locaux de s’exprimer. Ce projet doit être mis en œuvre suivant trois caractéristiques de l’innovation sociale et territoriale telles qu’énoncées par M. Piraux et al (2010) :

-  être une réponse aux besoins des populations locales ;
-  s’appuyer sur les actions d’un mouvement social entretenu par les agriculteurs eux-mêmes(Ouédraogo.F, 2020).
-  mettre en œuvre d’une gouvernance multi-échelle des innovations agroécologiques, fondée sur un effort de partage et de consolidation d’une identité collective autour d’un projet alternatif de développement (M. Piraux et al, 2010).

Conclusion

Notre recherche s’est intéressée aux facteurs explicatifs du niveau actuel de la transition agroécologique. Il des ressorti que le soutien étatique dans l’agriculture est d’ordre général. A cela s’ajoute le très faible niveau de développement d’un marché spécifique de produits maraîchers agroécologiques. Notre réflexion sur l’impact de la structure organisationnelle de la filière sur la transition agroécologique, nous a montré que les maraîchers sont faiblement organisés. Les analyses ont également révélé que les relations entre producteurs, grossistes et détaillants sont d’un faible niveau.

Toutefois, des approches théoriques relatives à la mise en oeuvre d’une meilleure transition agroécologique existent. Dans notre travail, nous avons notamment fait cas de celle qu’ont développé J.M. Meynard (2013). Cette approche, de type socio-territorial, s’appuie aussi bien sur la mobilisation des spécificités locales et régionales que sur le caractère multidirectionnel de la transition agroécologique ouvre la voie à une réflexion plus approfondie sur la question de la durabilité des systèmes productifs maraîchers et de ses enjeux tant économiques, sociaux, qu’environnementaux.

OUEDRAOGO Félix, Chargé de recherche à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS)/CNRST/Burkina Faso, felixouedraogo99@gmail.com

Références bibliographiques

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Bognini, S. (2012). Impacts des changements climatiques sur les cultures maraîchères au Nord du Burkina Faso : cas de Ouahigouya. ASDI, 38p ;

Butare, I., J.S. Zoundi et A.Diallo (éd.). (2004). Leçons tirées des expériences de lutte contre la désertification au Sahel : actes des travaux de l’Atelier sous-régional d’échange et de réflexion organisé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI). 12 -16 Juillet 2004, Saly Portudal, Sénégal. CRDI, Dakar, Sénégal, 187 p ;

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Piraux, M., Silveira, L., Diniz, P., & Duque, G. (2010). « La transition agroécologique comme une innovation socio-territoriale. » In ISDA 2010 (p. 9–p). Cirad-Inra-SupAgro. Consulté à l’adresse https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00512788/
Van Caloen. A., Richecour., T .(2015). Le maraîchage agroécologique comme réponse à l’insécurité alimentaire au Burkina Faso : analyse et potentiel de création d’une filière commerciale, UCL , 182p ;

Ouédraogo Félix, 2020, Dynamiques locales et transition agroécologique : le cas du maraichage au burkina faso (province du Houet), DEZAN, Volume 8, Numero 02,Du 4ème trimestre 2020 pp.117-131

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