Actualités :: Conseils à la CEDEAO

Depuis 2015, le Burkina Faso a rejoint le Mali dans la liste noire des Djihadistes. Ceux-ci y mènent au quotidien des attaques meurtrières dont le motif ou la finalité reste encore à élucider. Depuis lors, les conséquences prennent des proportions désastreuses sur les plans humanitaire et politique.

Sur le plan humanitaire, la situation est des plus critiques comme l’attestent les chiffres ci-après, publiés par le gouvernement burkinabè le 31 janvier 2023 à travers le Conseil National de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR) et par d’autres sources :

-  6 383 établissements scolaires fermés selon le CONASUR ;
-  1 086 321 élèves impactés selon le CONASUR ;
-  32 174 enseignants affectés 281 établissement scolaires délocalisés selon le CONASUR ;

-  1 882 391 déplacés internes au 31 décembre 2022 selon le CONASUR ;
-  12 000 personnes tuées selon TV5 Monde en date du 16 février 2023 ;
-  Près de 40% du territoire occupé ;
-  3,5 millions de personnes en situation d’urgence alimentaire selon la même TV5 Monde ;

-  30 à 40 attaques par semaine selon la même source TV5 Monde.
Sur le plan politique, cette situation a déstabilisé notre pays : le Président démocratiquement réélu, Son Excellence Monsieur Rock Marc Christian KABORE a été renversé par un coup d’Etat militaire en 2022. Le gouvernement issu de ce coup d’Etat a, à son tour été victime d’un autre putsch militaire au bout de huit (08) mois seulement.

Paradoxalement, un consensus quasi national a accueilli ces différents coups d’Etat. Cependant, force est de noter que ce consensus de fait n’est pas synonyme d’un quelconque amour des burkinabè pour l’instabilité dans leur pays. Bien au contraire, l’histoire nous enseigne combien les burkinabè se sont investis depuis l’indépendance pour le triomphe de la démocratie. Nous retenons aussi que notre peuple a également su montrer sa détermination face aux pouvoirs qui, à terme, ont montré des incapacités à défendre les intérêts vitaux du peuple.

Au regard, de cette évolution, quelle lecture doit-on avoir de la situation actuelle ?
Sans vouloir être exhaustif, il me semble que l’instabilité dont souffre le Burkina Faso traduit avant tout la volonté sans équivoque de notre peuple de préserver ses frontières, le désir de construire son pays dans la quiétude la paix selon ses priorités. Elle est aussi l’expression de sa volonté d’exercer pleinement sa souveraineté et de se défaire des forces à même de constituer des entraves sur ce chemin. Elle est tout autant une manifestation de la maturité de notre peuple.

Ces valeurs constituent le socle de la résilience dont notre pays fait montre depuis le début des attaques djihadistes.

Dans cette quête de liberté économique, sociale et politique, le peuple burkinabè n’a pas tourné le dos aux autres. Loin s’en faut. Il a toujours œuvré à fédérer ses efforts avec ceux des autres peuples, de la région en particulier. C’est ainsi que, concrètement, notre pays fait partie, s’il n’a été à l’origine de leur création, de toutes les organisations ayant vu le jour dans notre sous-région.

Il est allé au-delà pour œuvrer en faveur d’organisations fortes, à même de porter assistance à ses membres et d’insuffler la dynamique nécessaire à la paix et la stabilité sans lesquelles aucun progrès n’est possible. Dans cet esprit, faut-il le rappeler, le Burkina Faso a été le porte-flambeau dans la recherche de solutions en matière de conflits, de maintien de la paix et dans d’autres crises, faisant preuve d’un leadership jamais égalé.

En s’investissant de la sorte, le peuple burkinabè entend-il être payé en retour ? espère-t-il des dividendes ? La réponse logique est ‘’non’’. C’est juste par tradition. Il n’y a aucun calcul.

Néanmoins, en toute modestie, je suis d’avis que la solidarité, l’assistance et tout sentiment positif doivent être de mise dans nos structures communautaires quand un membre fait face à des difficultés d’ordre existentiel. Il me semble donc honnête de noter que depuis l’entrée du Burkina Faso dans la zone de turbulence et d’instabilité, les structures sous régionales comme la CEDEAO battent de plus en plus de l’aile.

La réaction de cette dernière notamment, loin de s’inscrire dans un quelconque souci d’aider le Burkina Faso à se sortir comme il se doit de cette situation, se matérialise tout simplement par des sanctions inopportunes et une inertie totale, sources d’un blocage de tout soutien qui aurait pu venir autrement de la communauté internationale, en particulier dans le domaine sécuritaire.

1. Les sanctions inopportunes
Dès le coup d’Etat mené par le MPSR 1, la CEDEAO a énergiquement signifié sa condamnation, imposé des sanctions (05 mars 2022) et appelé au retour rapide à un ordre constitutionnel. Elle en a édicté des conditions et procédé à la nomination d’un médiateur en la personne de Son Excellence Monsieur Mahamadou Issoufou, ancien président de la République du Niger avec mission d’obtenir du pouvoir burkinabè, la mise en place d’un calendrier conforme à ses attentes.

En retour, le gouvernement burkinabè a fait preuve d’esprit de coopération et un calendrier pour une transition de 24 mois a été proposé. Au cours du sommet tenu le 03 juillet 2022 à Accra, la CEDEAO a marqué son accord et procédé à la levée des sanctions économiques. Par contre, elle maintiendra la suspension de notre pays de ses instances. Le coup du MPSR 2 est intervenu dans le processus de la mise en œuvre de ce calendrier. Les nouvelles autorités ont cependant vite rassuré en indiquant que ledit calendrier serait respecté. Depuis lors, le constat est que les missions du médiateur ont juste visé à s’assurer du processus de mise en œuvre du calendrier et de son état d’avancement.

Malgré ces avancées, le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays concernés, viennent d’écoper de sanctions supplémentaires. En effet, la CEDEAO, sans autre forme de procès, a décrété une interdiction de voyager à l’encontre des dirigeants et hauts cadres des pays déjà sous suspension. Dans les procédures en vigueur au sein de l’Union Africaine et des Nations Unies, toute sanction est habituellement précédée d’un rapport d’expert et d’une séance de l’instance qui en est la commanditaire, au cours de laquelle l’opportunité est donnée aux pays concernés de se défendre. La CEDEAO a outrepassé toutes ces étapes.

2. L’inertie
Au paragraphe 8 du communiqué final ci-dessus mentionné, le sommet de la CEDEAO avait réaffirmé ‘’son engagement à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité dans la région, conditions préalables à l’intégration économique et au développement de la région’’ tandis qu’au paragraphe 21 consacré au Burkina Faso, il avait appelé ‘’la Communauté Internationale à apporter au Burkina un soutien sur les plans sécuritaire et humanitaire’’.

Malheureusement, ce beau discours n’a été suivi d’aucune action concrète pouvant le matérialiser sur le terrain pratique. Au contraire, loin de fournir des efforts pour soutenir ceux du gouvernement burkinabè pour créer les conditions idoines à la tenue d’élections à bonne date, la CEDEAO s’est plutôt illustrée comme une source et le fomentateur des rumeurs les plus critiques contre notre pays.

En effet, en relation avec le processus de recrutement et d’équipement des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), la CEDEAO a poussé les partenaires potentiel à douter de la capacité et de la moralité de ces vaillants combattants à respecter les règles du droit humanitaire. Pire, l’ancien président en exercice de la Communauté a déclaré à la presse internationale que notre pays a passé un contrat avec la structure connue sous le nom de ‘’Wagner’’ et que le paiement aurait été acté par la concession pour exploitation, d’une mine d’or.

Cette attitude d’ensemble de la CEDEAO suscite les réflexions suivantes :
-  Malgré les bonnes intentions exprimées dans le communiqué final en ses articles 8 et 21, aucune action concrète n’a été déployée dans le sens de leur mise en œuvre ;

-  En excluant de ses instances le Burkina Faso et les autres pays gravement touchés par les attaques terroristes, la CEDEAO se prive de la meilleure occasion de bien s’informer sur la situation réelle que vivent une grande partie des populations dans son espace ;

-  Quelle contribution la CEDEAO pourrait-elle, au nom des pays concernés, apporter de manière objective sur les points consacrés au terrorisme et au-delà, la bande sahélo-saharienne de manière spécifique en dehors des rapports élaborés unilatéralement par de tierces parties ?

-  L’approche de la CEDEAO constitue en définitive un blocage parce que, sur la base des principes clés en matière de coopération entre les Nations Unies et les accords régionaux, il revient à la CEDEAO de porter respectivement sur la table du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine puis devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, la situation que vivent ces membres.

Cette initiative est la seule qui aurait permis au Conseil de Paix au niveau africain et au Conseil de Sécurité des Nations Unies in fine de prendre note de la situation, de noter les efforts et les attentes et aussi de formuler un appel à la communauté internationale pour soutenir le processus envisagé pour la défense nos territoires.
Autrement, il n’y a aucune chance qu’un quelconque pays bouge au risque de se voir épinglé par le Conseil de Sécurité.

Au regard de ce qui précède, il convient de dire à la CEDEAO qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Notre pays est encore debout, par la force et l’engagement de ses fils et filles. En tant que structures de la région, elle nous soutenir plutôt que d’être source de notre affaiblissement. Mes conseils pratiques à son endroit est qu’elle sorte de son inertie et débloque les efforts de la communauté par les actes suivants :

-  Lever l’interdiction de voyage ou limiter sa portée ;
-  Lever la suspension ou limiter sa porter ;

-  Nommer une commission dont la mission serait d’élaborer en concertation avec les autorités des pays victimes des attaques, un rapport complet sur la situation qui y prévaut, les groupes terroristes en présence, les actions de riposte de nos Etats, la situation humanitaire, les attentes de nos gouvernements, etc.
-  Organiser un sommet spécial sur le rapport, avec la participation des pays suspendus pour bien s’imprégner de son contenu et ainsi le finaliser

-  Soumettre ce rapport aux instances compétentes de l’Union Africaine ;
-  Œuvrer à la saisine du Conseil de sécurité et déployer toute la diplomatie nécessaire pour obtenir une résolution qui prendrait note du rapport et appellerait aux bonnes volontés à apporter des soutiens dans le sens demandé par les pays concernés conformément à l’esprit et aux dispositions de la résolution A/RES/60/288 adopté en 2006 et portant ‘’Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies’’.

Il me semble que c’est ce que nos populations attendent réellement de notre organisation régionale. C’est également la manière la plus objective d’être en phase avec l’essence de son existence et se montrer fidèle aux contenus des communiqués adoptés par ses sommets.

François OUBIDA
Ancien Ambassadeur
oubida@msn.com

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