Actualités :: Réinhumation des restes de Thomas Sankara et de ses compagnons d’infortune : (...)

Une cérémonie de réinhumation du président Thomas Sankara, Paulin Bamouni et d’autres victimes du 15 octobre 1987 sans les familles biologiques aurait un goût d’inachevé, estime Djibril Traoré dans cette tribune. Pour lui, le gouvernement aurait dû se donner les moyens de courtiser davantage la famille biologique du président Sankara par la médiation d’autorités coutumières et religieuses crédibles tant du point de leur droiture morale que de celui de leur rang.

Sauf improbable revirement de situation, les restes du président Thomas Sankara et des 12 autres victimes du coup d’Etat du 15 octobre 1987 seront officiellement réinhumés ce 23 février 2023 au mémorial éponyme sis au Conseil de l’Entente. Un évènement que le gouvernement du capitaine Ibrahim Traoré a voulu revêtir du sceau de la dignité due à des héros en attendant les funérailles et l’hommage national et international en octobre prochain. Mais avec les rebuffades et les objections salées des familles biologiques du président Sankara et de Babou Paulin Bamouni, le verre du consensus dans la gestion de cette ré-inhumation s’est brisé mettant à nu les divergences d’objectifs entre le gouvernement et des familles de victimes.

Décidément, l’épilogue de l’affaire Thomas Sankara n’est pas pour ce 23 février ni peut-être même pour le 15 octobre à venir. Pourtant, après la chute du président Compaoré, plus d’un observateur avait pensé qu’une voie royale était maintenant ouverte pour solder les comptes sur ce dossier aux plans pénal, civil et politique. De Michel Kafando au capitaine Ibrahim Traoré, les successeurs du président Compaoré ont mis chacun peu ou prou du sien pour ce faire.

Ainsi, si c’est le président Michel Kafando qui par le fait du prince a fait exhumer les restes de Thomas Sankara et rouvert le dossier en justice, c’est le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré qui a mis les bouchées doubles pour l’ouverture du procès. Son tombeur, le président Damiba a eu le mérite de ne pas interrompre le cours de la justice même si le bref retour de Blaise Compaoré au Burkina en juillet 2022 après sa condamnation dans cette affaire a été perçu comme un déni de justice par ses contempteurs qui, de ce fait entre autres, ont mis le turbo pour le faire tomber. Le capitaine Ibrahim Traoré et son gouvernement pour leur part, dans la gestion de ce dossier, donnent à penser qu’ils mettent un coup d’accélérateur pour lui trouver un épilogue dans une dynamique de consensus national.

Mais à l’évidence, la ré-inhumation querellée des restes de Thomas Sankara et sur la date, le lieu et la manière, donne à penser que la mayonnaise d’un consensus national sur cette affaire ne prend toujours pas. La triste cacophonie à laquelle nous assistons actuellement au sujet du lieu de sépulture en est l’illustration parfaite. Rigorisme des coutumes et statut d’héros national et d’officier de l’armée s’opposent au sentiment légitime de sa famille biologique d’avoir été privée de son mot à dire sur où et comment doivent reposer le reste de leur cher disparu.

Pourquoi le gouvernement ne s’est pas donné les moyens de ‘’courtiser’’ davantage la famille biologique du président Sankara par la médiation d’autorités coutumières et religieuses crédibles tant du point de leur droiture morale que de celui de leur rang ? Le président Ibrahim Traoré et son entourage auraient-ils un agenda caché dans le timing de la ré-inhumation des restes du président Sankara et l’organisation des hommages à venir ? Si non, on comprend difficilement cette obstination à ignorer les objections des familles qui visiblement ont de la peine à cicatriser les blessures nées du drame du 15 octobre 1987. En effet, il ne sert à rien de ‘’fétichiser’’ une date de ré-inhumation car la cicatrisation de ce type de plaie s’accommode mal à des impératifs politiques encore moins au calendrier incertain d’une transition qui peine à gérer ses urgences.

Quoiqu’il en soit, si les familles biologiques du président Thomas Sankara, Paulin Bamouni et d’autres victimes du 15 octobre 1987 sont absentes de la cérémonie de ré-inhumation, c’est assurément un goût d’inachevé à la volonté de donner une sépulture digne et dans la dignité au défunt président du CNR. Un goût d’inachevé avec un impact national et international qui va déteindre sur les hommages à venir, si le gouvernement ne trouve pas rapidement un terrain d’entente avec les familles des victimes. Quand et comment ? Pas simple de répondre à ces questions tant il est évident que cette triste cacophonie sur la ré-inhumation de Thomas Sankara est symptomatique d’une divergence d’objectifs entre le gouvernement d’Ibrahim Traoré et la famille biologique de l’emblématique héros national. Affaire donc à suivre.

Djibril TRAORE

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