Actualités :: Burkina Faso : A situation d’exception, régime d’exception

Dr Evariste Faustin Konsimbo, docteur en sciences de gestion, MBA en Commerce International ancien juge consulaire au Tribunal de commerce de Ouagadougou, donne, à travers les lignes qui suivent, des conseils pour le choix des priorités et la mise en place des organes de la transition.

1. Le 24 janvier 2022, le peuple burkinabè a marqué, dans sa plus grande majorité, son approbation à l’arrivée au pouvoir du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) sous la conduite du lieutenant Paul Henri Sandaogo Damiba.

Cette prise de pouvoir par la force se justifiait par la situation sécuritaire et humanitaire qui ne cessait de se dégrader sous la présidence du régime du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et ses alliés incarnés par le Président Roch Mark Christian Kabore.

La rectification qui vient d’avoir lieu s’inscrit dans le cadre général de ce mouvement de sauvegarde et de restauration, les valeurs et les objectifs restant inchangés.

Le capitaine Ibrahim Traore et ses camarades ont décidé de recentrer les priorités sur les attentes de la population burkinabè, en cherchant à mobiliser sans détour le moyens les plus efficaces pour obtenir les résultats tant attendus.

Pour cette raison, le peuple n’a pas démenti son adhésion et attend que les idéaux du MPSR se réalisent concrètement dans sa vie quotidienne et sur toute l’étendue du territoire national, sans exception.

2. Nous vivons un moment historique, et il faut l’assumer sans chercher à le dissimuler ou à faire semblant de pouvoir sortir de cette situation désastreuse par des moyens ordinaires.

C’est le rôle qui incombe désormais au capitaine Ibrahim Traore et à ses camarades d’assumer pleinement cet état d’exception, d’en comprendre la logique et de fixer des objectifs lisibles pour l’ensemble des burkinabè.

Il est inutile de bricoler l’apparence d’un État de droit, là où tout est exceptionnel, et de s’attacher à cette apparence comme à un fétiche. La seule boussole qui compte aujourd’hui, c’est celle de l’efficacité relativement à des objectifs précis et simplement exprimés.

C’est un constat amer, mais tous les peuples passent par des étapes qui ressemblent à une régression avant de paraître une résurgence – on ne refait pas les fondations d’une maison sans passer par la cave...

3. Dans la situation actuelle, il est vrai que tout semble urgent, mais pour autant, toute urgence n’est pas prioritaire. Le capitaine Ibrahim Traore et ses camarades doivent donc s’engager sur quelques priorités et tenir bon tant qu’ils n’auront pas obtenu des résultats tangibles. De notre point de vue, voici les priorités des urgences actuelles :

a) rétablir l’intégrité territoriale et la sécurité permettant à tout burkinabè de vivre en paix là où il le souhaite dans notre pays. Ce qui suppose la mise en œuvre complète de la stratégie de sécurité nationale et humaine dont le pays s’est dotée ;

b) assurer le fonctionnement de l’État dans toutes ses missions régaliennes, ainsi que la continuité de la politique publique, à adapter à la mesure des circonstances jusqu’à la fin de la Transition ;

c) assainir la vie publique et privée, notamment dans le monde des affaires, en prenant des mesures exceptionnelles contre la fraude et la corruption, ce qui emporte de juger sans délai tous les dossiers de crimes économiques pendants dans les juridictions ;

d) poser les conditions matérielles de la refondation politique de notre pays et de notre contrat social, de sorte que les acteurs de la vie politique, la société civile, les citoyens, s’approprient cet objectif et proposent des solutions durables et pérennes. Cet objectif passe par le lancement d’un grand débat de fond suivi par la mise en place d’une assemblée constituante dont les résultats seront approuvés uniquement par un référendum à l’issu duquel le peuple burkinabè renouera avec la normalité constitutionnelle ;

e) poursuivre le chantier de la réconciliation nationale sur des bases moins polémiques, moins impartiales et plus inclusives, s’agissant notamment des composantes coutumières et religieuses. La réconciliation n’a pas vocation à régler des comptes personnels, ou de factions, mais de nourrir en profondeur la cohésion sociale.

4. Pour atteindre ces objectifs, il faut absolument que le capitaine Ibrahim Traore assume un exercice exceptionnel du pouvoir sur la base d’une organisation de ce pouvoir voué uniquement à l’efficacité.

Selon nous, voici les organes à mettre en place pour la gestion de la transition :

a) La fonction de Chef de l’État, et corrélativement de Chef suprême des armées, de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et de protecteur des droits humains, est assurée par le Président de la Transition, en l’espèce le capitaine Ibrahim Traore et ce, jusqu’à la fin de la Transition. Les organes dirigeants du MPSR procèdent à la désignation du Président de la Transition. En tant que mouvement fondateur de la Transition, le MPSR doit jouer le rôle de vivier politique et social, ce qui suppose qu’il atteigne un niveau d’organisation et de fonctionnement lui permettant de jouer ce rôle sur le devant de la scène nationale.

b) Le Président de la Transition est assisté par un Conseil consultatif dont les membres sont à la fois nommés par lui-même sur la recommandation de diverses autorités et pour une fraction non majoritaire, tirés au sort sur la base d’une liste d’aptitude.

c) Pour la conduite des politiques publiques de développement, le Président de la Transition est assisté d’un Premier ministre qui constitue un gouvernement responsable devant le Président de la Transition et dont chaque membre est doté d’un mandat impératif pour appliquer au mieux de ses compétences techniques la politique nationale, en dehors de tout esprit partisan. Le Président de la Transition préside le Conseil des ministres.

d) Durant toute la période de la Transition, le Président de la Transition et le gouvernement procèdent par voie d’ordonnances, ce qui rend inutile l’existence d’une assemblée législative.
En revanche, à l’issue du grand débat national sur la refondation politique encadrée par le Premier ministre, une constituante sera obligatoirement convoquée.

e) Pour organiser et encadrer le grand débat national, un comité ad hoc sera mis en place sous l’autorité du Premier ministre. Ce grand débat national est l’affaire de toutes les forces vives de la Nation, qui doivent se l’approprier dans un esprit constructif, de sorte à préparer sur le fond les travaux de l’assemblée constituante.

f) Une assemblée constituante sera convoquée pour élaborer le projet de constitution, les nouvelles règles de désignation des représentants du peuple, et la refondation de la structure de l’État et des collectivités. Jusqu’à un stade avancé des projets, l’assemblée constituante recevra les propositions et les remarques des acteurs du grand débat national.

Le projet de constitution sera obligatoirement soumis à référendum.
Dans cette perspective, il est évident que le maintien en vigueur de la constitution actuelle représente pratiquement un obstacle, en raison des conflits et des polémiques juridiques qui se développeront quant aux nouvelles modalités de dévolution du pouvoir. Il sied donc de réécrire une charte plus complète, qui reprenne les grands principes énoncés dans la Constitution, d’une part ; et les objectifs spécifiques de la Transition, les moyens de fonctionnement de l’État et du gouvernement, d’autre part.

Dr Evariste Faustin Konsimbo

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