Actualités :: Burkina : Thomas Sankara et la révolution verte

D’origine malienne, Aïcha Yatabary née au Burkina et installée en France est consultante en santé publique. Elle est aussi présidente de l’association Femmes santé solidarité internationale basée en France et créée en 2019. Dans cette tribune, elle revient sur certains combats du père de la révolution burkinabè, Thomas Sankara, notamment en matière d’agro-écologie.

« La révolution verte de Thomas Sankara »

Quand Thomas Sankara a entamé sa révolution le 04 août 1983, à la suite d’une insurrection populaire qui s’est soldée par un coup d’Etat, les réformes sociales qu’il projetait de mettre en place allaient de pair avec le discours panafricaniste.

D’abord le discours panafricaniste. « Le héros immortel » a longtemps été le porte-parole d’une Afrique fière, digne et qui s’affranchit du diktat néocolonialiste. Figure de proue de la lutte anti-impérialiste, il s’illustre par une prise de position claire en faveur de l’unité africaine et contre la dépendance du continent à l’égard de l’ancien colonisateur, la France. Il voulait avant tout « décoloniser les mentalités ».

Quelles sont les réformes sociales que le héros de la lutte anti-néocolonialiste appelait de ses vœux ?

Nous dirons que la révolution de l’homme du 04 août était avant tout une révolution verte. Cela est bien-sûr en adéquation avec ses convictions d’homme de gauche. Thomas Sankara avait déjà à l’époque un intérêt fort pour l’écologie, à travers les actions importantes qu’il a menées en faveur de l’agroécologie, renforçant ainsi sa stature de leader à l’avant-garde. Il a voulu révolutionner l’agriculture de son pays pour garantir la sécurité alimentaire et une alimentation saine aux Burkinabés. Dans son combat panafricaniste, il comptait initier la plantation d’arbres qui partiraient de son pays à d’autres de la sous-région et s’étendrait sur des dizaines de kilomètres.

Ainsi, Pierre Rabhi, l’homme du bon sens, de la mesure et de l’agriculture biologique, a mené des travaux importants au Burkina-Faso dans des campements où il s’était initialement rendu pour promouvoir un certain « tourisme vert », et qui ont ensuite été encouragés par Thomas Sankara.

L’engagement du révolutionnaire pour l’agroécologie, qui s’est traduit par la promotion de celle-ci sur tout le territoire burkinabé, avait aussi une dimension idéologique : faire sortir les paysans burkinabés de la dépendance des engrais chimiques, qui venaient de l’extérieur. En termes d’écologie, Thomas Sankara mit en place une législation forte pour lutter contre les feux de brousse, la divagation du bétail et la coupe anarchique du bois de chauffe. Il invita à planter des arbres, de façon massive et obligatoire, à l’occasion des évènements qui peuplent le quotidien des habitants du Faso, mais aussi des évènements officiels.

Le progrès social qu’appelait de ses vœux Thomas Sankara était aussi bien-sûr d’ordre économique. Il a mené plusieurs combats sur ce front, comme celui en faveur de la redistribution des richesses, pour la limitation des importations, pour la mobilisation des ressources internes du Burkina-Faso (développement endogène).

En voulant révolutionner l’agriculture de son pays, il avait aussi en perspective les retombées que cette vision aurait sur le plan économique. Le leader avait également conscience de l’impact de l’écologie sur le développement humain.
En marge de tous ces positionnements économiques et écologiques, Thomas Sankara voulait aussi jouer un rôle de « libérateur de la femme », afin que celle-ci participe pleinement au développement de son pays.

Le 04 Août 1984, Thomas Sankara poursuit sa révolution à l’occasion du premier anniversaire de celle-ci. Il change le nom de la Haute Volta en Burkina-Faso, la devise nationale, de même que l’hymne national. Des festivités (concerts, matchs de football, cyclisme) furent organisées partout dans le pays et Jerry Rawlings du Ghana était l’invité de marque du Président, qui s’est même essayé à la guitare à cette occasion. La ferveur populaire fusait de partout le pays. Je m’en souviens, c’est le jour où je suis née.

Le capitaine visionnaire était par ailleurs très attaché à l’identité culturelle de son pays, ce qui s’est traduit par la promotion du pagne tissé burkinabé appelé le « faso-dan fani » par exemple, une étoffe confectionnée par les artisans du Faso grâce à des bandes de coton tissé.

Peut-être avait-il déjà compris que le développement est un tout.
La révolution va de pair avec le progrès social, sinon elle fait penser au populisme. Et le populisme mène souvent à des impasses. »

Aïcha Yatabary}

Bibliographie de Aïcha Yatabary

- Le banquet des marabouts, éditions L’harmattan, roman, 2015

- Afrique, développement durable et coopération internationale, éditions L’harmattan, essai, 2018

- Le banquet des cantatrices, éditions Takaba (Mali) recueil de nouvelles, 2021
- Dans le ventre d’un prince, éditions Lakalita (Burkina-Faso) roman, 2022
- Le développement durable à l’épreuve de la politique concrète, éditions L’harmattan, essai, 2022.

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