Actualités :: Burkina/ Médias : « J’ai dit au capitaine Ibrahim Traoré qu’on ne viendra pas (...)

Journaliste-reporter, rédacteur en chef, directeur des rédactions et aujourd’hui directeur général de Burkina Info, Ismaël Ouédraogo aura gravi tous les échelons dans le journalisme. Connu pour ses questions “dérangeantes’’ à l’endroit de ses invités, il est considéré comme l’un des meilleurs journalistes du Burkina. Le fils de militaire, qui peut prétendre siéger au panthéon des journalistes burkinabè, avait la passion du métier depuis sa tendre enfance, à Bobo-Dioulasso. Dans cette interview qu’il nous a accordée, il parle de sa passion et de son parcours professionnel. Il aborde aussi le contexte de son interview avec le chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré.

Lefaso.net : Pouvez-vous, vous présenter davantage ?

Ismaël Ouédraogo : Je suis journaliste depuis 2005. Cela fait 19 ans que je suis dans le metier du journalisme. Je suis titulaire d’un master 2 en management des médias de l’université de Lille, en France. Je me suis intéressé au journalisme depuis le lycée où j’ai commencé à partir à la radio dès ma classe de seconde. C’est à partir de l’université que les choses sont allées vite. Dès la première année, j’ai commencé à travailler comme journaliste professionnel.

En termes de parcours professionnel, j’ai passé onze ans à Ouaga FM où j’ai pratiquement occupé tous les postes jusqu’à celui de directeur des rédactions. Depuis 2016, je suis directeur général de la télévision Burkina Info. Je continue d’animer des émissions ainsi que des conférences un peu partout, sur invitation des étudiants et des jeunes de plusieurs localités. Je peux dire aujourd’hui, qu’il n’y a pas cette région du Burkina Faso que je n’ai pas couverte par une conférence publique sur invitation des associations, des organisations, etc.

Comment pouvez-vous expliquer votre passion pour le journalisme ?

Je me rappelle quand j’étais en classe de CE2 à l’école Camp militaire A de Bobo-Dioulasso, notre enseignante avait demandé à chaque élève de définir son métier de rêve. J’ai dit que je voulais être journaliste parce que, pour moi, le journaliste est celui-là qui découvre le monde à travers ses nombreux voyages. C’était la raison qui m’a poussé vers le journalisme. Après, avec les études, on a compris qu’il était important de faire ce metier. En l’embrassant, on a eu à découvrir un certain nombre de choses.

Quand je suis arrivé à la radio Ouaga FM en 2005, j’étais plus passionné par des reportages qui avaient un lien avec les évènements sociaux (une revendication dans un quartier, une injustice). Je m’interessais beaucoup à ces questions. Au fil des années, j’ai pu découvrir la quintessence du métier. Et la passion aidant, j’ai pu gravir tous les échelons du journalisme. Je peux dire que le rêve s’est matérialisé avec tout le travail qui a été fait, toutes les opportunités que j’ai eues pour découvrir le monde à partir du métier de journaliste. Cela m’a vraiment aidé.

Burkina Info est une chaîne d’information en continu. Comment se porte la télévision neuf ans après sa création ?

La chaîne d’information Burkina Info a fait son apparition dans le paysage médiatique le 3 mai 2015. À ce jour, la « télé 100% infos » compte 65 employés. Elle a traversé des moments difficiles et elle continue d’en avoir, parce que nous sommes dans un contexte assez contrarié avec le traitement de l’information 24h/24. Ailleurs, les gens jouent de la musique, diffusent des films.

Je me rappelle, quand je suis arrivé en 2016, la première des choses qu’on entendait de la part des partenaires, c’était de demander l’heure des séries, des films novelas, la musique, etc. On a décidé de faire sans le divertissement. Du coup, il a fallu un travail d’éducation aux médias auprès des populations burkinabè pour qu’elles comprennent la valeur ajoutée. On a toujours vu Burkina Info comme la vitrine du Burkina Faso.

La télé porte le nom de notre pays et nous n’avons pas droit à l’erreur. Nous voulons que chaque personne, en allant sur Burkina Info, trouve une information de qualité. C’est ainsi que nous avons travaillé sur les mentalités et nous avons aussi développé d’autres initiatives à travers des émissions captivantes, des débats. Au fil du temps, les gens ont compris la nécessité de faire comme nous. Faites le constat aujourd’hui, toutes les télévisions veulent faire comme Burkina Info. Ce n’est pas forcement les contrats qu’ils ont signés avec le Conseil supérieur de la communication (CSC) qui les y obligent. Ces télévisions reddifusent le même journal à toutes les heures.

Parce qu’ils ont compris que la musique et le divertissement ont montré leurs limites. Les Burkinabè veulent comprendre comment évolue leur pays, ils veulent découvrir leur pays. Nous travaillons à atteindre cet objectif. Au début, c’était très difficile, même jusqu’à present. La santé de Burkina Info est à l’image de toutes les entreprises privées. On ne fera pas dans la fine bouche pour plaire aux gens. Économiquement, il y a des difficultés. Nous sommes à l’image de toutes les entreprises privées.

Au studio pour l’édito du jour

L’État qui ne paye pas ses factures à temps, des difficultés d’obtention de contrats. Avec la crise sécuritaire, les journalistes ne peuvent pas aller partout sur le territoire pour les reportages. On n’en veut à personne, c’est la situation de notre pays qui l’impose. Mais nous souhaitons que l’État paye ses dettes, que l’on puisse avoir des contrats avec des partenaires importants et que la paix revienne au Faso.

Sous votre leadership, Burkina Info a réussi à mieux se positionner dans l’espace médiatique burkinabè, malgré sa ligne éditoriale différentes des autres. Quelle a été est la clé du succès ?

Le premier responsable doit être une locomotive. Je ne suis pas le directeur qui a la mine serrée avec ses collaborateurs dans les couloirs, tout le temps en retard, ou un directeur absentéiste. Quand vous êtes ainsi, quelle que soit la dynamique enclenchée, les gens ne vont pas vous suivre. Il y a un esprit de famille que nous avons pu créer dans l’entreprise parce que le plus important est de discuter permanemment avec les collaborateurs, échanger avec eux, accepter les propositions et les contre-propositions. On est dans la cogestion.

C’est l’esprit qu’on a inculqué ici avec un personnel très jeune. Il y a des journalistes avec qui nous étions sur le terrain, et les retrouver aujourd’hui comme des collaborateurs directs, on ne peut que travailler dans la dynamique de la préservation de l’outil commun qui est la télévision Burkina Info. Si la télé se porte bien, tout le monde y gagne. De 2015 à 2024, nous avons quand même engrangé des victoires énormes. On peut dire que l’exemple de Burkina Info fait tache d’huile dans l’histoire récente des médias au Burkina Faso.

En plus de votre responsabilité de directeur général, vous êtes toujours à l’écran pour réaliser des émissions. Il y a l’édito, le Grand déballage, le Journal d’Ismaël Ouédraogo. Pourquoi autant de courses pour un directeur général ?

Je ne vois pas le poste de directeur général comme une fin en soi. J’ai remplacé quelqu’un, quelqu’un d’autre viendra me remplacer. Je ne suis pas né avec un poste, je ne vais pas non plus mourir avec un poste. Mon combat est qu’àprès moi, celui qui va venir puisse continuer l’œuvre qu’on a commencée. Je suis jeune, pourquoi je vais aller m’assoir dans un bureau pour ne signer que des documents, négocier des contrats, alors que je peux produire et apporter du contenu à la télé ?

En plus, le Journal d’Ismaël Ouédraogo, c’est mon identité ; faire des critiques constructives, faire une émission qui interpelle. Je vais continuer à le faire, malgré le contexte difficile dans lequel nous sommes actuellement. De par le passé à Ouaga FM, j’ai animé l’émission ‘‘Les grandes questions’’, j’ai fondé avec le regretté Paul Miki Rouamba l’émission ‘‘Surface de vérité’’ à BF1. On a travaillé sur un certain nombre de projets de cette nature. Cela fait plus d’une dizaine d’années que je suis dans les émissions de cette nature et on continue d’en créer. Je ne vais pas à mon âge aujourd’hui m’assoir dans un bureau pour signer les documents seulement. Un bon directeur est celui qui donne l’exemple. Quand vous êtes exemplaire, les autres vont vous suivre.

Votre célèbre slogan, c’est ‘‘amis de la liberté, de la démocratie et de la bonne gouvernance’’. Quel est le message que vous vous voulez véhiculer à travers cette formule que vous répétez toujours lors de vos émissions et conférences publiques ?

C’est mon identité parce que je suis un fervent défenseur de la liberté. Pour moi, la liberté est un élément indispensable. Sans liberté, on ne peut pas faire une interview, des reportages ; les citoyens ne pourront pas dire ce qu’ils pensent de la gestion de leur pays, ils ne pourront pas se mouvoir comme ils veulent. La liberté, ce n’est pas le libertinage ; malheureusement, les gens interprètent mal tout, surtout quand on est contextuellement dans la dynamique de l’interprétation. C’est fait de façon galvaudée. Je suis un fervent défenseur de la liberté et je vais continuer à défendre la liberté. L’autre aspect, c’est ‘‘amis de la liberté, de la démocratie’’. Je défends la démocratie et je le dis à qui veut l’entendre.

Pendant mes conférences publiques et autres, il y a des gens qui m’ont dit de laisser tomber le concept de la démocratie. Les gens voient en la démocratie l’électoralisme, ils pensent que la démocratie se limite au vote d’un président. J’ai même eu à dire à quelqu’un que même le président de la transition, Ibrahim Traoré, fait dans la démocratie. Pourquoi il réunit le conseil des ministres tous les mercredis ? Parce qu’il sait qu’il ne peut pas prendre tout seul les décisions. Pourquoi il y a une Assemblée législative de transition, des délégations spéciales au niveau des communes ? C’est ça la démocratie. La démocratie, ce n’est pas l’électoralisme.

L’autre pilier important, c’est la bonne gouvernance. Parce que sans bonne gouvernance, il n’y a pas de développement. Tout le monde gagne dans la bonne gouvernance. Les retenus de salaires par exemple, les citoyens ont l’obligation de demander au pouvoir de bien gérer leur argent. Est-ce que demander la bonne gouvernance, c’est être contre l’État ? Voilà pourquoi on est dans un contexte où on ne se comprend pas avec certaines personnes.

Quand il y a la bonne gouvernance, les routes sont bien bitumées, les écoles sont bien construites. C’est parce qu’on veut la bonne gouvernance qu’on dit de faire la transparence au niveau du Fonds du soutien patriotique(FSP). Je suis un fervent défenseur de la liberté, de la démocratie et de la bonne gouvernance. Je vais répéter ce slogan partout jusqu’au dernier souffle de ma vie sur terre.

L’accueil de Ismaël Ouédraogo à l’occasion d’une conférence publique

Dans le contexte sécuritaire, les journalistes font l’objet de plusieurs critiques. Une certaine opinion estime qu’ils ne font pas assez bien leur travail pour la reconquête du territoire. Comment analysez-vous ces critiques à l’endroit des médias ?

Je vous ai dit que cela fait 19 ans que je suis journaliste. On a un métier qui est ingrat, qui est incompris. Ingrat parce que quand tu parles bien des gens, ils disent que tu es le meilleur journaliste. Le jour où ils posent un acte qui n’est pas bien et tu critiques, ils diront que tu es un vendu, un corrompu. Voilà l’image qu’on donne du journaliste.

Autre élément, pendant des années, on a cru que le journaliste est un misérable, qui n’a pas le droit à une bonne vie ; et du coup, ils ont été étiquettés. Je trouve que c’est malheureux parce que la plupart des personnes qui s’en prennent aux journalistes aujourd’hui, ce sont les mêmes, quand ils ont des problèmes, ils font recours aux journalistes. C’est l’inconséquence du Burkinabè. Je pense que nous journalistes aussi, avons un peu failli à notre mission parce qu’on doit faire l’éducation aux médias auprès des citoyens. Je regarde le comportement de certaines personnes, je me rends compte qu’ils le font par naïveté. Combien de journalistes ont sauvé des situations dans ce pays ? Les révélations les plus fracassantes, cela vient des journalistes.

Dans mon bureau, je peux recevoir 20, 30, 40 personnes par semaine qui viennent pour poser des problèmes. Je leur dis que je n’ai pas la solution à leurs problèmes. Je leur conseille de voir un avocat, la justice. Mais ils se disent qu’on peut trouver une solution si cela passe par un journaliste. Parce que les gens ont peur des journalistes. On n’a pas besoin qu’on ait peur de nous. Si quelqu’un est dans la bonne gouvernance, dans la bonne gestion des deniers publics, qu’est-ce que vous avez à reprocher à un journaliste ? Il y a des gens qui ont travaillé de façon très méchante à montrer que le journaliste est un ennemi de la nation et on a laissé faire.

Il faut que les journalistes se réveillent parce que c’est la survie même de leur métier qui est en jeu. On ne peut pas laisser des gens qui ne connaissent rien de notre métier venir le saboter. Il y a des gens même qui parlent de journalisme mais quand vous leur demandez une discussion en deux minutes, ils ne peuvent même pas vous répondre. Ils ne connaissent rien du journalisme parce que, pour eux, le journaliste est un griot. Le journaliste n’est pas un griot ; quand un pouvoir travaille bien, on l’applaudit, quand il fait des erreurs aussi, on le rappelle à l’ordre. Parce que là où il est, ce n’est pas pour lui.

Qu’ils soient présidents, Premiers ministres ou ministres, ils ne gèrent pas le pays avec leur propre argent mais avec l’argent du contribuable. Et le contribuable doit savoir ce qu’on fait avec son argent. Pourquoi les gens vont vers les journalistes pour faire des dénonciations ? Parce qu’ils savent que cette information que le journaliste va publier peut aider à la bonne gouvernance. Il ne faut pas que les journalistes se laissent dompter par le contexte, qu’ils continuent de faire leur travail. Il y a beaucoup de choses que je n’écoute pas, j’avance.

Le vendredi 29 septembre 2023, vous et deux autres journalistes ont réalisé un entretien télévisé avec le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré. Après l’interview, vous avez été le journaliste qui a subi le plus de critiques sur les réseaux sociaux pour avoir posé des « questions dérangeantes » au président. Comment avez-vous vécu ce moment ?

Je vais vous surprendre : je n’ai pas regardé une seule vidéo des critiques qui ont été formulées contre moi par rapport à l’interview du capitaine Ibrahim Traoré. Cela ne m’intéresse pas. Cela ne m’a fait ni chaud ni froid. L’initiative de cette interview vient des autorités ; c’est la présidence du Faso qui m’a appelé. Si la présidence connaît ma valeur et me dit de venir pour une interview avec le président, moi j’y vais. Si demain encore, on me dit de venir pour une interview avec lui, je vais faire mon travail.

Quand le journaliste va commencer à penser à ce que les gens disent de lui, qu’il arrête son travail. Je ne suis pas dans la dynamique de déifier un individu. Je fais mon travail, je pose les questions que les citoyens sont appelés à poser au président quand ils ont la chance d’être face à lui. Pourquoi je vais avoir peur d’un président et ne pas lui poser les bonnes questions ? Je ne ferai jamais cela. Cela ne veut pas dire que je ne respecte pas le président ; j’ai beaucoup de respect pour lui. Mais cela ne m’empêche pas de faire mon travail.

Même le président, peut-être que dans ses confidences, il pourrait dire aux gens qu’il préfère faire face à un journaliste qui le titille que d’avoir à faire à des journalistes qui viendront poser des questions institutionnelles. Quelle est la valeur ajoutée de l’interview à ce moment-là ? Après l’interview, il y a des gens qui s’étonnent de voir qu’on parle trop de moi au lieu de parler du président. Mais au même moment, quand on sort dans les endroits publics, des gens viennent demander des photos.

On se demande finalement qui t’insulte ? Je vous dit et je vous répète, même si c’est à refaire, je vais poser les mêmes questions. Je parie que (…) même le président Traoré, peut-être dans ses confidences, peut le dire à ses proches, qu’il préfère avoir un journaliste qui lui pose des questions gênantes plutôt qu’un autre qui viendra demander au président de parler de son programme, de son avenir, etc. Les mêmes téléspectateurs en ce moment diront que vous êtes un corrompu.

De toute façon, moi j’arrive à une conclusion : personne ne peut faire l’unanimité sur cette terre. Jésus ou Mahomet, ils n’ont jamais fait l’unanimité. Pourquoi moi, journaliste, je ferais l’unanimité ? Je fais mon travail et j’avance. Les meilleures interviews, c’est là où on titille les chefs d’État. Cela ne veut pas dire qu’on leur manque du respect ; on les aide à s’exprimer. On se met à la place du citoyen pour poser des questions que le citoyen aurait aimé poser au président.

Cela fait 19 ans que vous êtes dans le journalisme. Que gardez-vous comme bon ou mauvais souvenir ?

De mémoire, je me souviens de mon interview avec le regretté Valère Somé à BF1 quand je l’ai reçu à l’émission “Surface de vérité’’. Quand on lui a posé des questions sur la mort du capitaine Thomas Sankara, il avait versé des larmes et cela m’avait particulièrement touché. Je me rappelle avoir fait une interview avec Tahirou Barry aussi qui avait versé des larmes sur le plateau. Il y a eu Germaine Pitroipa qui a versé des larmes ; il y a Alino Faso qui avait aussi pleuré sur le plateau. Ce sont des moments qui m’ont beaucoup touché. Pendant l’interview, il y a des questions que nous posons qui touchent souvent à la sensibilité de l’invité ; il pleure.

« Je vais toujours répéter ce slogan jusqu’au dernier jour de ma vie » , Ismaël Ouedraogo, DG de Burkina info

En tant qu’humain, cela vous marque. Dans la classe politique actuelle, il n’y a pas un seul que je n’ai pas interviewé.
J’ai aussi des interviews que j’ai réalisées qui sont restées dans les annales de l’histoire. L’actuel ministre d’État chargé de la Fonction publique, Bassolma Bazié (ex-patron des syndicats), par exemple, le jour qu’il venait sur mon plateau avec les condiments, je ne savais pas qu’il avait autant de condiments dans ses poches. Mais cela m’a surpris parce qu’il est venu avec une grosse veste ce jour-là.

En pleine émission, il commence à mettre sa main dans la poche, il fait sortir des condiments et explique. Je ne savais pas qu’il avait autant de condiments pour faire une cuisine à la télé (sourire). Mais, c’est resté mémorable. Lui-même souvent, il me dit qu’il n’a jamais fait une interview qui a marqué l’histoire comme celle-là. Au-dela de cette interview, il y a mon interview avec Laurent Bado. On me dit qu’il insulte les gens, mais à aucun moment, on s’est insulté.

Je me rappelle d’une de nos interviews avec lui après laquelle les gens ont demandé sur les réseaux sociaux de porter plainte contre nous (Bado et moi). On est allé chez lui un samedi matin, alors qu’il venait de se réveiller, tapettes au pied, et il n’avait même pas encore lavé son visage. On a fait l’interview et c’était mémorable aussi. Il y a aussi le regretté Drissa Malo Traoré, dit Saboteur, avec qui nous avons fait une interview dans laquelle il disait qu’on lui avait proposé à deux reprises d’être ministre et il a refusé.

C’était une exclusivité pour nous. Je me rappelle aussi de Dianguinaba Barro ; il a dit qu’après cette interview, il ne donnera plus une interview à aucun autre journaliste. Je pense aussi à l’interview avec Lilian Thuram (l’ancien capitaine de l’équipe de France de football), qui n’était pas mal. J’ai fait une interview avec l’ancien chef d’État, Michel Kafando en 2015 à New York. J’ai fait une interview avec l’ancien président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, en compagnie de Jean Emmanuel Ouédraogo (actuel ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement) et Aubin Guébré de la télévision BF1.

Pour la petite anecdote, on a rencontré le président Kaboré avant l’interview. Et il nous avait dit en son temps : « C’est un défi pour vous ; posez toutes les questions sans gêne parce que c’est votre honneur qui est en jeu en tant que journalistes ». Quand on a rencontré le capitaine Ibrahim Traoré avant l’interview, je lui ai dit qu’on ne viendra pas lui poser des questions de complaisance, parce qu’on ne veut pas être mal vus dans la société. Je lui ai demandé si on peut poser toutes les questions, il a répondu qu’on était libres de poser toutes les questions sans problèmes.

Cela prouve que les invités eux-mêmes sont à l’aise quand on doit faire des interviews. Je me rappelle mon interview avec Simon Compaoré à Burkina Info TV, sur son apparition avec une arme dans le domicile d’un député. Il y a aussi l’émission « Surface de Vérité » où il a déclaré qu’après Dieu et ses parents, c’est Blaise Compaoré (ancien président du Faso). Je me souviens aussi des interviews avec le regretté Soumane Touré, Zéphirin Diabré. J’ai interviewé toutes les personnalités, j’ai des archives de tout le monde.

Parlant de Bassolma Bazié qui a apporté des condiments sur votre plateau pour décrier la vie chère… aujourd’hui il est dans le gouvernement et les Burkinabè continuent de crier à la vie chère. S’il était face à vous, qu’est-ce que vous lui diriez ?

Quand on est dehors, c’est diffèrent que d’être à l’intérieur. Le jour où il reviendra sur mon plateau, je vais ressortir les extraits et on va discuter. Le deuxième élément, j’ai beaucoup d’estime pour son engagement syndical. Il est devenu ministre aujourd’hui ; je m’attendais surtout à le voir défendre les causes des travailleurs. C’est là où j’ai peut-être un peu de remords par rapport à sa présence dans le gouvernement. Je me dis qu’il est contraint peut-être par un certain nombre de facteurs et d’éléments que je ne maîtrise pas.

Je ne vais pas non plus le jeter en pâture en disant cela. Je pense qu’il continue d’être une bonne personne. Je souhaiterais qu’il ne renie pas le combat qu’il a commencé de par le passé. S’il a la possibilité de défendre la position des travailleurs auprès du président de la transition ou de son Premier ministre, qu’il le fasse. Parce que l’histoire retiendra cet élément dans sa vie.

Vous, en tant qu’animateur d’émissions de grands débats, avez-vous l’impression aujourd’hui que les gens fuient les plateaux télé comme le disent certains journalistes ?

Aujourd’hui, pour avoir un invité sur un plateau, c’est difficile. Les gens ont peur. Il y a des gens qui disent qu’ils ont peur qu’on les réquisitionne, qu’on les enlève ; on entend tout. Cela fait que les émissions de débat sont pauvres aujourd’hui. Je ne suis pas en train de dire aussi que ceux qui viennent sont moins compétents que ceux qui venaient de par le passé.

Les anciens clients des médias ont disparu. Même au niveau du gouvernement actuel, il faut beaucoup communiquer. Ils font des choses qui sont très bien. J’applaudis les nouvelles mesures d’assouplissement au niveau de la santé. Le ministre de la santé peut passer dans les médias pour en parler. Sinon les deux, trois minutes d’explications à la sortie d’un conseil des ministres ne permettent pas d’expliquer un projet de loi aux citoyens.

Dame rumeur dit que le MPSR vous aurait contacté pour un poste ministériel. Y a-t-il véritablement eu une approche ?

Il y a toujours eu des propositions par personnes interposées. Mais être ministre n’est pas une fin en soi. J’aide la nation d’une manière ou d’une autre. On a eu à discuter avec des gens qui ont eu à dire que j’aurais pu être ministre. Mais je me dis que la vie de la nation nous intéresse d’une manière ou d’une autre. On ne sert pas forcément son pays en étant ministre. Là où je suis aujourd’hui, je n’envie en rien un ministre du Burkina Faso ; ce n’est pas une manière de dénigrer le poste. C’est pour dire que le ministre est un serviteur de l’État, nous sommes tous des serviteurs de l’État. J’ai accompagné des jeunes à Kaya (capitale régionale du Centre-nord) pour faire la clôture d’une gendarmerie qui a mobilisé près de 18 millions de francs CFA.

Mais il a fallu qu’en tant que parrain, je mette en exergue mes relations, avec la contribution des gendarmes en poste à l’époque sur place et les élèves, pour que la gendarmerie ait une clôture (…). Mais je n’ai pas été ministre avant de faire cela. Il y a des gens qui ont été ministres mais ils n’ont jamais déposé une pierre sur une autre. Il y a des approches, mais c’est une question de choix aussi.

Quelles sont les perspectives pour Burkina Info ?

Nous souhaitons que Burkina Info soit la meilleure chaîne d’information en continu. Nous sommes la seule et unique au Burkina, beaucoup essayent de faire comme nous, mais si vous regardez c’est la musique qui tourne. C’est une option. Je voulais aussi profiter de l’occasion pour dire merci aux fondateurs parce que la télé a été créée par des Burkinabè.

Ce sont deux Burkinabè qui se sont associés pour créer la télé et qui ont voulu en faire une télé d’information en continu, à l’image de CNN, France 24, Euronews. Ils ont cru en ce projet. Ce n’est pas facile, je vous l’avoue. Nous souhaitons que la confiance que les citoyens ont en cette télé demeure toujours. Ce sont des moments délicats, c’est très difficile quand on regarde la tournure des évènements.

Ce n’est pas facile. On espère qu’il y aura encore des reformes qui vont être engagées pour assouplir les conditions fiscales pour les médias. Nous jouons quand même un rôle social. Ce n’est pas valable pour nous seulement, mais pour Lefaso.net et toutes les presses. On couvre les activités de la présidence mais la présidence ne paye pas très souvent des factures, de même que la primature et beaucoup d’autres institutions publiques que nous accompagnons dans la visibilité. Il y a ce qu’on appelle la responsabilité sociale des médias.

On le fait déjà bien et nous espérons que l’État va nous accompagner avec notamment des réductions, parce qu’on a vu que la Société burkinabè de télédiffusion (SBT) nous demande 3,5 millions par mois ; c’est cher. Mais on arrive tant bien que mal à tenir, mais c’est très difficile. On espère que la paix va revenir pour que les entreprises retrouvent aussi leur dynamisme d’antan. Que la dette intérieure soit payée au niveau de l’État. C’est très important.

Il se dit que vous n’accompagnez pas la transition. Comment percevez-vous cet accompagnement ?

Le journaliste n’accompagne pas un pouvoir, mais il fait son travail. Celui qui veut être un militant de parti politique, qu’il aille militer. Le jour où vous allez me voir militer dans un parti politique, je depose ma carte de presse. Un journaliste qui devient ministre, il n’est plus journaliste ; il est politicien. Un journaliste chargé de communication d’un ministre, il est politicien, il n’est plus journaliste. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Propos recueillis par Serge Ika Ki
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